Publié le 30 Nov 2012 - 01:39
LADIES'TURN

Sur les traces du football féminin au Sénégal

Jeudi 28 novembre à Sao Paulo (Brésil), la Fifa annoncera les trois finalistes pour le Ballon d’Or féminin. Pour l’instant, aucune joueuse du continent africain n’est nommée. Pourtant, le football féminin existe en Afrique et la dernière Coupe d'Afrique des nations remportée par la Guinée équatoriale en atteste. Le documentaire, Ladies’ Turn, tournée par Hélène Harder retrace trois années de football féminin au Sénégal.

 

C’est grâce à une ancienne collègue qui travaillait pour le bureau des femmes à Dakar sous l’égide de l’ONU que la réalisatrice Hélène Harder s’est intéressée au tournoi de football féminin au Sénégal. En 2009, au pays du «foot roi», on organise pour la première fois un tournoi sur les terrains de quartier, grâce à l’association Ladies’ Turn.

 

Des résistances sociales et culturelles

 

Appelée à tourner quelques images pour garder une trace, Hélène Harder décide d’en faire un documentaire. Le football féminin reste un sport méconnu ou stigmatisé dans la plupart des pays, même en Europe. Voilà l’objet de ce documentaire. Hélène Harder, qui finit par être happée par la magie de l’événement, se fait désormais la porte-parole du football féminin au Sénégal. Depuis plusieurs mois, le film est projeté dans de nombreux festivals.

 

Si le tournoi Ladies’ Turn s’avère une aventure singulière au Sénégal, c’est qu’il rend soudain visible une pratique sportive jusqu’alors invisible et cherche à la promouvoir haut et fort dans les quartiers. Il pousse les femmes à occuper un espace social dont elles sont habituellement exclues. « Il y a de vraies résistances sociales et culturelles car le foot est considéré comme un sport masculin qui met en avant des qualités physiques », explique Hélène Harder. « Les filles qui pratiquent le football sont donc très mal vues. Il y a une certaine vision de la femme sénégalaise et de ce qu’elle doit être. Une femme élégante et séductrice. Loin de l’image d’une footballeuse avec un look sportif », renchérit la réalisatrice.

 

En effet, ce tournoi de football féminin provoque de nombreuses réactions dans la société sénégalaise. « Les joueuses sont souvent accusées de ne pas faire les tâches ménagères. Pourtant, les filles mettent un point d’honneur à tout faire. Du coup, elles vivent une journée à rallonge. De même, les filles sont souvent un soutien important dans la famille et les parents ne veulent pas trop prendre le risque qu’elles se blessent », explique Hélène Harder. « On accepte plus facilement qu’un garçon prenne ce risque alors qu’une jeune fille doit en priorité s’occuper des petits frères et du ménage », lâche-t-elle.

 

Une solidarité à toute épreuve

 

Seulement, avec le football, les filles ont acquis une certaine autonomie et de la solidarité. « Si l’une d’elle ne peut pas se déplacer pour aller à l’entraînement, une autre lui viendra en aide. Elles peuvent aussi se prêter les chaussures de football ». Sans compter que toutes ces compétitrices ont découvert leur pays en faisant le tournoi. Mais au-delà, il y a aussi la possibilité d’une insertion par le sport pour des jeunes filles qui ont la plupart du temps arrêté l’école assez tôt. « L’une d’entre elles a réussi à ouvrir son atelier de couture grâce à la solidarité des acteurs du football féminin », commente Hélène Harder.

 

La médiatisation de ce tournoi a fait avancer le football féminin au Sénégal grâce à des articles de presse et à des reportages télévisés. Mais également avec le travail acharné des bénévoles de l’association Ladies’Turn, qui ont œuvré pour que les filles soient enfin légitimes dans le football. Un jour peut-être, une joueuse sénégalaise sera sur la liste du Ballon d’Or féminin. Mais pour le moment, une seule question se pose : les laissera-t-on s’exprimer comme elles le souhaitent à l'avenir ?

 

RFI

 

 

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