Tapha Cissé : “Nous n’allons pas bazarder notre musique pour plaire au plus grand nombre”
Le Xalam est de nouveau dans nos murs et prépare un nouvel album prévu en avril. Ces moments festifs de fin d’année sont l’occasion de se rappeler à nos bons souvenirs, et ils ont investi certains lieux de musique dakarois et donné à leur public qui les suit depuis les années “Doley”, voire avant, des occasions de retrouver des sensations perdues. Les 24 et 28 décembre, Xalam était au Just 4U, EnQuête les a rencontrés. After Show. Sensations.
I l s sont heureux. Henri Guillabert, Tapha Cissé, Ibrahima Coundoul, Cheikh Tidiane Tall, Souleymane Faye et Babou jubilent. Ils retrouvent les sensations de leurs vingt ans et dans leurs yeux, il y a du bonheur. Celui d’en avoir donné à des privilégiés qui ont pu voir, écouter et danser sur des morceaux comme Apartheid, Gorée ou Djisalbero, véritables anthologies de la musique moderne sénégalaise.
Certains ont évoqué une réconciliation, voire une résurrection de Xalam. Tapha Cissé, emblématique percussionniste du groupe précise : “nous n’avons jamais été séparés. Nous existons depuis plus de 35 ans, et avons voulu faire une pause. Nous étions fatigués et la pause de 2 ans a duré 15 ans. Mais on ne doit pas parler de réconciliation, ni de résurrection.
On a pu avoir des problèmes comme tout groupe de grandes personnes, on est des adultes. Lorsqu’il a été décidé de nous retrouver, on l’a fait et ça a été facile. Parce que Xalam, c’est une équipe qui se retrouve autour d’une énergie et surtout d’un projet commun depuis de longues années. Et cette énergie n’a jamais été démentie, même si parfois elle a pu se dissiper”.
A voir Souleymane Faye sur scène, on ne peut que le croire, tellement il se fond dans ce groupe en respectant son identité et en y apportant sa propre poésie. Xalam, c’est véritablement un groupe. Henri Guillabert, le clavier de Xalam aime à rajouter : “on a toujours géré la notion de groupe. Quand nous étions 8 artistes dans Xalam, chacun de nous avait ses textes, et on en discutait tous ensemble, on corrigeait, on adaptait.
Avec Souleymane Faye, ses chansons sont profondes, et on essaie d’interpréter son message”. Cheikh Tidiane Tall concède que ce sont des retrouvailles avec le public et avec eux-mêmes. “Notre musique s’est standardisée, voire labellisée. Nous avons un répertoire ancien, concret, solide et historique musicalement, que des milliers de gens se sont approprié, et ces gens là nous suivent.
Maintenant, nous allons créer un nouveau concept, sans pour autant sortir du carcan de Xalam”. Tapha Cissé va plus loin et précise : “on va essayer de satisfaire notre public en faisant ce qu’on aime faire. Si ça plaît à d’autres, et bien ils sont les bienvenus. On ne va pas bazarder notre musique pour plaire au plus grand nombre. Notre nouvel album sera estampillé Xalam.
Nous sommes un groupe panafricain et international, et nous irons ensuite sur les routes d’Afrique, du monde et surtout du Sénégal. C’est un nouvel album, de nouvelles sensations et de nouvelles perspectives”.
Cheikh Tidiane Tall évoque cet album à venir comme “une jonction des nouvelles choses et de la musique de Xalam, il sera fait de notre musique jazzistiquement africaine, mais nous voulons aussi proposer une musique plus dépouillée et plus accessible. Cibler le grand public est à notre portée, et l’intégrer à notre public traditionnel dit 'intellectuel'. Notre musique restera néanmoins très élaborée”.
Le nouvel album de Xalam sortira en avril 2014
Souleymane Faye annonce des surprises pour cet album. “Nous sommes concentrés sur notre créativité et soudés comme un seul homme. L’ombre de Prosper va planer sur cet album de Xalam. D’ailleurs quand je chante avec Xalam, je pense à lui et ça me donne de l’énergie.
Maintenant, il nous faut jouer plus souvent, c’est ce qui nous fait vivre, pas l’argent, vivre de notre art”. Petite information délivrée par Henri Guillabert à propos du futur album qui sera selon lui, “un album d’ouverture, sur lequel d’autres artistes seront invités, mais aussi de nouveaux chanteurs, d’une nouvelle génération qui ont besoin d’être propulsés et bien accompagnés”.
“C’est dur de jouer à 60 ans des morceaux composés avec l’énergie de nos 20 ans”
Xalam c’est surtout la scène, et sur scène l’énergie est importante. Henri se lâche : “sur scène l’énergie c’est important. Notre force, c’est qu’on s’éclate. Cela nous étonne toujours, on est vieux, mais on a une énergie sur scène qui fait qu’on est Xalam”. Le tonton Cheikh Tidiane Tall ne le démentit pas, mais relativise la facilité de l’exercice : “c’est dur de jouer à 60 ans voire plus, des morceaux qu’on a créés et composés avec l’énergie de nos 20 ans.
En 2008, lors de notre grand retour, après le concert, nous étions tous malades. Les morceaux demandaient tellement d’énergie !! Pour remplacer Prosper, il nous a fallu trouver un batteur de son âge à l’époque pour nous imposer son énergie et sa vitalité. Il nous a rajeunis, il nous a bombardés et nous étions obligés de le suivre.
Il nous a donné du plaisir et il faut dire qu’un concert de Xalam, c’est un combat”. Guillabert de rappeler le rôle de la presse : “Il faut nous aider à faire que cette musique dure”. Parce que comme l’a dit Rudi Gomis, le chanteur du Baobab, présent à la soirée : “on aime le plaisir que reflète la cohésion de toutes les musiques sénégalaises. Le Mbalax est wolof. Il serait bien que les musiciens sénégalais s’écoutent, et le Xalam peut servir à cela”. Ainsi soit-il…..
BIGUÉ BOB