Publié le 11 Oct 2012 - 22:10
LETTRE D’UNIVERSITAIRES SÉNÉGALAIS A FRANÇOIS HOLLANDE

La diplomatie sécuritaire entrave le libre échange scientifique!

 

 

Monsieur le Président,

Bienvenue au Sénégal, ce pays qui chemine depuis plusieurs siècles avec le vôtre. L’Histoire a bien lié nos deux peuples et nos destins sont plus que jamais associés. Toutes choses qui devraient servir les dirigeants, surtout politiques, au lieu du contraire. Mais, Excellence, nous sommes désolés de constater qu’un certain discours de la France, amalgamant volontiers insécurité et immigration ; visa d’entrée à un africain et séjours irrégulier, commence à affecter nos liens. La diplomatie du soupçon qu’il induit entrave le libre échange scientifique. Nous sommes tous maintenant mis dans la peau de potentiel sans-papier, d’élément d’insécurité, de déstabilisateur de société, de détenteur de valeurs inadaptées, de parasite, de malade incurable, etc. Les centaines d’universitaires sénégalais, qui demandent chaque année des visas pour des missions de recherches, ne sont vus que comme de vulgaires futurs immigrés.
Monsieur le Président, pour s’en convaincre, veuillez lire la lettre ci-dessous
.

«Le Consul général AVIS : DEMANDE DE PRESENTATION AU RETOUR

Monsieur,

Je vous ai délivré le 19 avril 2006 un visa Schengen de 15 jours.

Conformément à la convention d'application de l'Accord de Schengen, et dans le cadre des dispositions communément définies par les partenaires représentés au Sénégal, Vous devrez justifier de votre retour en vous présentant, entre 08h30 et 12h30, au service des visas, au plus tard le 19-05-2006 muni de votre passeport visé, en entrée et en sortie du territoire Schengen, par la Police Française aux Frontières.

Il ne vous sera pas délivré de convocation à cet effet et il vous appartient de vous présenter spontanément muni de la présente lettre.

A défaut, ce Consulat sera fondé à supposer que vous séjournez irrégulièrement en France ou dans l'un des pays de la zone Schengen, situation dont ce Consulat serait obligé de prendre acte, notamment dans le cadre de toute demande ultérieure.

Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.»

 

Cette lettre est servie de la manière la plus solennelle, à des professeurs d’université du Sénégal, demandeurs d’un visa d’entrée en France pour participer à des manifestations scientifiques. Elle complète le dossier comprenant : le passeport avec une photo claire ; 3 derniers bulletins de salaire ; 3 derniers relevés de compte-bancaire ; un ordre de mission ; une autorisation d’absence ; un arrêté rectoral ; 40 000 FCFA ; un rendez-vous acheté à 5200 FCFA d’un opérateur privé ; une réservation d’hôtel ; une attestation d’assurance ; deux photos et autres certificats de bonne vie et mœurs. Il s’y ajoute que la recevabilité de ce dossier, l’obtention du visa ainsi que la durée du séjour accordé, dépendent de l’humeur de l’agent consulaire qui traite la demande.

 

Monsieur le Président, nous voudrions seulement vous exprimer ici notre souhait de ne garder en mémoire que la France des Lumières et des valeurs universelles, celle qui a permis à beaucoup d’entre nous de compléter leurs humanités. Nous aimerions nous voir toujours au quartier latin ou en pèlerinage dans nos anciennes institutions universitaires. Il va sans dire aussi que les nécessités de service nous y conduisent très souvent. Malheureusement, les diplomates ne veulent plus que ces souvenirs ou ces affinités professionnelles soient entretenus. Ils ont décidé que la libre circulation de nos populations soit à sens unique dans l’espace franco-sénégalais. Ce qui n’est pas pour favoriser les échanges scientifiques entre nos deux peuples. Les accords de Schengen qui régissent tout maintenant, nous paraissent trop récents pour déconstruire les communautés fondées alors que l’Europe se déchirait.

 

Monsieur le Président, faites que nos amis de l’Hexagone ne nous voient plus comme de potentiels sans-papier, qu’ils ne nous soupçonnent surtout pas de vouloir déstabiliser la France et ébranler ses équilibres socio-économiques. Monsieur le Président, veuillez nous réduire les contraintes diplomatiques pour nous permettre tout simplement d’échanger, dans les deux sens, avec nos collègues de la France pour ne pas dire de l’espace francophone. En cela, vous serez, croyons-nous, l’incarnation Normale de la République française !

 

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre distinguée considération.

 

 

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