L’économie à tout prix
En confinement, depuis le mois de mars dernier, le secteur de la culture est au plus mal. La levée des dernières mesures de restriction est ressentie comme une bouée de sauvetage pour ces acteurs dont les cris de détresse ont été finalement entendus. Le transport urbain pousse aussi un ouf de soulagement.
‘’On doit vivre avec les virus. La Covid est là ; vivons avec. Prenons nos responsabilités en tant qu’entrepreneurs pour qu’on arrive à subsister, parce que nous sommes des personnes avec des employés, des chefs de famille. Il faut alléger davantage les mesures de restriction et apprendre à vivre avec le virus, pour ne pas mourir de ses effets collatéraux’’.
Ce cri de détresse d’un gérant de discothèque qu’‘’EnQuête’’ avait recueilli, récemment, semble finalement bien entendu par les autorités. Très fortement touché par les mesures de restriction liées à la lutte contre la Covid-19, notamment la fermeture des discothèques et des salles de spectacle, le secteur de la culture peut maintenant pousser un ouf de soulagement.
Les discothèques et autres salles de spectacle recevant moins de 500 personnes sont désormais autorisées à rouvrir. Les artistes peuvent aussi jouer dans les restaurants, hôtels et bars. Quant aux grandes salles de spectacle, comme le Grand-Théâtre Doudou Ndiaye Rose et Daniel Sorano, les acteurs du secteur sont en discussion avec les ministres de la Santé et de l’Intérieur pour déterminer les modalités de reprise de leurs activités.
Ainsi, après plus de 7 mois de confinement, avec des manques à gagner énormes, le secteur de la culture espère sortir bientôt du gouffre.
Si toutes les activités n’ont pas encore repris, les acteurs affichent leur optimisme. ‘’Jusqu’à présent, on vit une situation très difficile. On attend actuellement les retours des ministres de l’Intérieur et de la Santé qu’on a rencontrés en début de semaine. On avait rencontré en premier le ministre de la Culture qui a pris le dossier en main. Il est avec ses collègues, en train de travailler sur le dossier, pour essayer de voir comment rouvrir le plus rapidement les salles de spectacle’’, se réjouit Ngoné Ndour, Présidente du Conseil d’administration de la Sénégalaise du droit d’auteur et des droits voisins (Sodav). Ayant récemment lancé un appel aux autorités pour sauver l’un des derniers secteurs faisant l’objet de mesure de restriction, la PCA de la Sodav se dit très optimiste quant à l’évolution de la situation pour la relance des activités culturelles.
Toutefois, elle rappelle que la pandémie est toujours là et qu’il faut des mesures d’accompagnement pour une bonne reprise. D’où ces séances de travail avec les ministères. ‘’La levée des mesures n’est pas effective pour toutes les salles, parce qu’il faut voir le protocole sanitaire. Et pour cela, il faut que le ministre de la Santé se prononce. Il est en train de travailler avec ses collègues de l’Intérieur et de la Culture sur le dossier. Je pense que, d’ici la semaine prochaine, on aura une réponse favorable, concernant tout le dossier’’, confie Mme Ndour.
A l’instar des autres secteurs, la culture veut ainsi apprendre à vivre avec le virus pour ne pas périr de ses effets collatéraux.
‘’On attend un arrêt du ministère de l’Intérieur pour formaliser définitivement la reprise des activités dans les bars, les restaurants et les hôtels. On est très optimiste, mais il faut savoir que la pandémie est toujours là et il faut que des mesures restrictives soient là pour savoir ce qu’il faut respecter pour jouer dans une salle comme le Grand-Théâtre ou Daniel Sorano’’, ajoute-t-elle.
Six milliards de perte par semestre
Après plus de 7 mois de cessation de toute activité, les acteurs de la culture n’en pouvaient plus. Alors que les autres secteurs (transport interurbain, commerce, hôtel, restaurant) avaient déjà repris leurs activités, la culture était seule, avec les transports en commun, à souffrir des mesures de restriction. C’est ainsi que les acteurs du secteur ont commencé à tirer la sonnette d’alarme pour alerter les autorités sur la nécessité de rouvrir les salles de spectacle et les discothèques.
Les pertes sont déjà énormes. Et pour beaucoup d’artistes, la Covid-19 ne doit plus continuer à paralyser la culture. Déjà que la psychose de la population sur la dangerosité de la maladie à diminuer, les gens ont commencé à penser au loisir. Il n’est donc plus pertinent, estiment-ils, de continuer à interdire les spectacles artistiques et autres loisirs dont dépendent beaucoup de personnes, au moment où les autres secteurs marchent à merveille.
Ce qui constitue une sorte d’injustice pour ces artistes qui pensent que le moment est maintenant propice pour reprendre leurs activités, d’autant plus que les pertes sont déjà énormes. Il faut seulement, estiment-ils, que tout le monde soit responsable et apprenne à vivre avec le virus. ‘’Depuis le début de la pandémie, les rentrées d’argent sont à zéro, parce que, quand on ne joue plus, il n’y a plus d’activité artistique et on n’a presque rien du tout. Ce que les artistes ont fait pour entretenir leurs activités, c’est peut-être les sensibilisations au début de la pandémie. Il y a aussi l’effort de l’Etat par rapport à la subvention du fonds Force-Covid-19 octroyée aux artistes’’, se désole Ngoné Ndour. Avant d’ajouter : ‘’Nous avions travaillé sur un document avec une association pour estimer les pertes subies. On s’était basé sur les chiffres de la Sodav, parce que, pour les spectacles vivants, il y a une autorisation obligatoire de la Sodav qu’il faut avoir pour payer les droits. Et on avait fait une estimation de six milliards de francs CFA par trimestre pour le spectacle vivant. C’est dire que l’arrêt des activités cause à une perte de 6 milliards de francs par semestre.’’
Les transporteurs s’en félicitent
Outre la culture, le secteur des transports était parmi les derniers concernés par les mesures de restriction, avec l’interdiction des places debout. Mais depuis le 15 septembre dernier, les véhicules de transport en commun peuvent charger à volonté, à condition d’assurer une fluidité à l’intérieur pour la fermeture des portes et de veiller au respect strict du port obligatoire du masque.
‘’Nous avons accueilli les dernières mesures de l’Etat à bras ouverts, parce que, depuis le mois de mars, nous travaillions à perte. Il faut savoir que, dans les véhicules Aftu, les places debout sont plus nombreuses que celles assises. La Covid est là, mais il faut cohabiter avec, c’est-à-dire respecter les mesures barrières. L’Etat en est conscient. C’est pourquoi il a décidé de lever la dernière mesure concernant l’interdiction des places debout et les limitations de passagers dans les taxis’’, se réjouit Gora Khouma du syndicat des transporteurs.
Avec la levée de ces dernières mesures de restriction, c’est l’économie qui reprend le pas sur la santé. Aux uns et aux autres d’agir avec conséquence, pour la survie de tous.
ABBA BA