Enjeux minéraux, sécurité et diplomatie ciblée

C'est une rencontre qui ne figurait pas sur les calendriers diplomatiques officiels, mais qui fait déjà couler beaucoup d'encre : du 9 au 11 juillet 2025, la Maison-Blanche accueillera cinq chefs d'État africains triés sur le volet pour un mini-sommet à forte teneur géopolitique. L’information, révélée par ‘’Africa Intelligence’’ et confirmée par Semafor, annonce une nouvelle séquence diplomatique dans le second mandat du président américain Donald Trump. Le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye, le Gabonais Brice Oligui Nguema, le Mauritanien Mohamed Ould Ghazouani, le Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Embaló et le Libérien Joseph Boakai sont attendus dans la capitale fédérale américaine. Objectif : sécurité, commerce et stratégie minérale.
Ce sommet restreint à cinq chefs d'État n’a rien d’anodin. Il s’inscrit dans une stratégie de diplomatie ciblée des États-Unis, qui cherchent à renforcer leur présence dans une Afrique de l’Ouest convoitée. Alors que la Chine multiplie les investissements et que la Russie renforce ses alliances militaires, Washington joue la carte du partenariat économique et de la sécurité régionale.
Les cinq pays invités partagent plusieurs caractéristiques : stabilité relative, ressources minérales stratégiques (notamment le fer, le lithium et le manganèse), position géographique clé et un intérêt manifeste pour une diversification de leurs partenariats. Washington espère ainsi tisser des liens durables et contourner les bastions traditionnels de la fréquence chinoise et de la médiation russe.
Focus sur les minerais critiques : la diplomatie par les ressources
L’enjeu majeur de ce sommet est clair : les minerais stratégiques. Alors que la transition énergétique mondiale accroît la demande en lithium, cobalt, nickel ou encore terres rares, les États-Unis cherchent à sécuriser leurs approvisionnements. Le Gabon, riche en manganèse et en fer, ou encore le Liberia, avec ses ressources minières peu exploitées, deviennent des partenaires de choix. Le Sénégal, avec ses ambitions extractives et gazières, veut aussi jouer un rôle dans ce rééquilibrage des flux.
La Maison-Blanche souhaite proposer des partenariats fondés sur des principes de transparence, de création de valeur locale et de respect des normes environnementales.
Mais, en toile de fond, il s’agit surtout de contrer l’offensive chinoise dans les chaînes de valeur du lithium et d'éviter une trop forte dépendance à des circuits asiatiques.
Sécurité régionale : lutte contre le jihadisme et le narcotrafic
Le second axe du sommet sera la coopération sécuritaire. Dans un contexte d’expansion du jihadisme vers les pays côtiers du golfe de Guinée, les États-Unis veulent renforcer les capacités des pays du Sahel et de la bande sahélo-atlantique. Le Sénégal, qui partage une longue frontière avec le Mali, apparaît comme un partenaire central, tout comme la Mauritanie, longtemps saluée pour son modèle de résilience.
La Guinée-Bissau, quant à elle, reste dans le viseur des agences américaines pour son rôle supposé dans les routes du narcotrafic transatlantique. Washington souhaite renforcer les outils de coopération et d’assistance technique afin de combattre les réseaux criminels qui financent en partie les activités terroristes dans la sous-région.
Une diplomatie de sélection, pas d'inclusion : le cas Ouattara
L’absence de la Côte d’Ivoire a suscité de nombreuses interrogations. Alassane Ouattara, pourtant proche des cercles américains et pilier de la stabilité régionale, n’a pas été convié.
Selon plusieurs sources diplomatiques, Washington s'inquiète de l’ambiguïté régnant autour d’une potentielle nouvelle candidature de Ouattara et de la répression politique observée à Abidjan.
Des opposants majeurs écartés du jeu électoral, un troisième mandat controversé et un flou institutionnel ont refroidi l’enthousiasme américain. Une délégation ministérielle ivoirienne est cependant attendue à Washington dans les prochains jours, pour tenter de rétablir la confiance diplomatique.
Un sommet pour poser les jalons d'une grande rencontre à venir
Cette réunion du mois de juillet est aussi une forme de prélude : un sommet plus large entre les États-Unis et l’Afrique est en préparation pour septembre à New York. Mais la séquence actuelle permet d’installer un narratif favorable à Washington.
Après avoir médié un accord entre le Rwanda et la RDC le 27 juin, Donald Trump veut réactiver l'image d’un leadership américain capable d'agir efficacement dans les conflits africains. Un signal d'équilibre, alors que la politique africaine de l’ancienne administration Biden avait été jugée discrète, voire passive.
Le sommet pourrait aussi amorcer une médiation dans la crise soudanaise où la Maison-Blanche entend peser plus activement. Si ce mini-sommet ne réunit que cinq pays, il ouvre une période charnière pour la diplomatie américaine sur le continent.
Dans une Afrique traversée par de profondes recompositions géopolitiques, Donald Trump choisit la diplomatie de l'efficacité bilatérale. Le sommet de juillet s'annonce comme un moment test : Washington saura-t-il convaincre ses partenaires africains qu'il est un allié fiable, prévisible et stratégiquement utile dans un continent devenu l'épicentre de toutes les ambitions ?
Amadou Camara Gueye