Etat d’urgence francophone au Sénégal !
Le peuple sénégalais commence à en avoir assez de ces prétendus sommets, qu’ils soient islamique, francophone ou pan-nègre, qui finissent presque toujours par devenir des gouffres financiers, des abîmes sociaux ou des océans de diversion !
Il est certes indéniable que le pouvoir yakaariste a fait preuve de célérité et d’efficacité pour finaliser le Centre International de Conférences de Dakar, dont on veut faire le symbole des ambitions d’un nouveau style de gestion marqué du sceau de l’émergence.
Si on s’amusait à regarder dans le rétroviseur, on se rendrait compte qu’en 2008, l’équipe chargée de l’organisation du sommet de l’OCI avait été beaucoup moins performante. En effet, suite à d’interminables atermoiements, le sommet islamique s’était tenu, après un report de deux ans, avec comme seules réalisations significatives, quelques avenues onéreuses dont la Corniche Ouest avec son tunnel grotesque, des chantiers d’hôtels inachevés et de multiples arnaques que la Justice sénégalaise n’a toujours pas fini de démêler.
Il s’était aussi agi, lors du sommet de l’OCI et du FESMAN, d’une gestion familiale ou clanique visant à faire d’une rencontre internationale une source d’enrichissement familial rapide et/ou une rampe de lancement d’un héritier politico-biologique.
Malgré tout, certains observateurs n’ont pas manqué de faire le parallèle entre le prochain sommet de la Francophonie et ceux organisés durant l’ère Wade.
C’est ainsi que pour ces trois manifestations censées rehausser le prestige international de notre pays et attirer les investisseurs, on observe plutôt l’étalage de mœurs politiques aux antipodes aussi bien des principes islamiques, des traditions du mouvement d’émancipation des peuples africains que des objectifs et missions que l’O.I.F a dûment consignés dans sa Charte et son Cadre Stratégique. Il s’agit notamment de l’instauration et du développement de la démocratie et du soutien à l’État de droit et aux droits de l’Homme, autant de nobles principes que certains présidents africains francophones – le dernier en date étant Blaise Compaoré – continuent royalement d’ignorer !
Le prochain sommet de la Francophonie, quant à lui, va bien au-delà de la promotion et du rayonnement de la langue française, un ancien instrument de domination culturelle des peuples coloniaux ou de la révision des règles grammaticales de la belle langue de Molière.
Comme par le passé, les autorités sénégalaises ont fini d’instrumentaliser le sommet de l’OIF, qu’elles cherchent à insérer dans un scénario politique visant la réélection de l’actuel chef de l’Etat. Il s’agit du fameux pôle urbain de Diamniadio avec son marché d’intérêt national, sa gare de gros porteurs, ses 200.000 emplois sans oublier les 40.000 logements…etc., autant de desseins ambitieux, auxquels on ne peut souhaiter que le plus grand succès.
Mais encore faudrait-il que les règles de bonne gouvernance ne soient pas sacrifiées sur l’autel du vulgaire pragmatisme politique, comme semblent le suggérer certains spécialistes reconnus de la passation des marchés, en évoquant l’opacité des procédures de gestion ayant présidé à la construction du centre international de conférences de Diamniadio.
Dans le même ordre d’idées, il est inconcevable, qu’au moment où le peuple sénégalais attend la validation et la mise en œuvre des réformes institutionnelles, les pouvoirs publics semblent vouloir profiter d’un banal sommet de la Francophonie pour opérer des régressions majeures, aussi bien sur le plan de la gouvernance politique que sur celui des libertés démocratiques, en voulant instaurer une sorte “d’état d’urgence francophone ”, avec interdiction de toutes les manifestations politiques sur toute l’étendue du territoire régional, du 10 novembre au 5 décembre prochains.
Sans vouloir se faire l’avocat du PDS ni le dédouaner des fautes de gestion ou des erreurs politiques majeures qu’il a pu commettre, au cours de ses douze années de gestion des affaires publiques, la majorité des citoyens de notre pays estiment que le parti de Me Wade a le droit, comme tous les autres, de dérouler ses activités, nonobstant les contentieux opposant certains de ses dirigeants avec la Justice sénégalaise.
Les traditions de tolérance de notre peuple et l’histoire récente enseignent que la confrontation entre forces politiques doit rester dans les limites de l’Etat de droit pour éviter d’en arriver à des situations aussi dramatiques que celles observées en Lybie, pour ne citer que ce pays assez proche.
Il est de la responsabilité du régime de l’APR, qui est loin d’opérer les ruptures attendues et fait preuve de beaucoup de maladresses dans le traitement de la traque des biens mal acquis, d’assainir le climat politique en ne versant pas dans un autoritarisme de mauvais aloi. Et tout cela, au nom de la sacro-sainte Francophonie !
NIOXOR TINE