Seuls le pouvoirisme et l’argent justifient la transhumance.
Invitée de l’émission « Opinion » du dimanche 12 avril 2015, madame Aïda Mbodj dit au journaliste Pierre-Édouard Faye : « Transhumance, ce n’est pas approprié à des personnes. C’est approprié à des bêtes, à du bétail. (…) C’est un mot que vous appliquez aux acteurs politiques. Vous ne l’appliquez jamais aux journalistes qui changent de lignes éditoriales, ni à un journaliste qui change de groupe… »
Quatre jours plus tard, le 16 avril 2015, comme s’ils s’étaient donné le mot, monsieur Macky Sall répète : « La transhumance, c’est un terme péjoratif qui ne devrait jamais être utilisé en politique parce que la transhumance est réservée au bétail qui quitte des prairies moins fournies vers des prairies plus fournies… » Et s’adressant en wolof à Ahmet Aïdara de D-Média, il dit : « Toi, journaliste, où étais-tu avant de venir à D-Média ? (…) Tu as quitté la Rfm pour aller à D-Média et y vendre ton talent, disant « Ceux-là ne me plaisent plus donc je viens ici. » Et tu dis que ça, ce n’est pas de la transhumance ? Mais si, c’est de la transhumance. »
Le monde tout entier sait qu’au Sénégal, un transhumant est un politicien qui ne croit qu’à l’argent, les honneurs et le pouvoir, mais qui crie sur les toits qu’il ne cherche qu’à travailler pour son pays. Il n’entre que là où ça pue l’argent sale et facile. On ne peut le comparer à un journaliste, un ouvrier ou un chauffeur de taxi. Être membre d’un gouvernement pour se remplir les poches ou pour d’autres privilèges indus n’est pas une profession.
Aïda Mbodj a été transhumante, donc elle ne va pas se condamner. Macky, n’ayant pas cette « excuse », verse dans le « Tuur lëndëm » : « Moi, j’avais quitté le Pds après mes problèmes. Est-ce qu’on m’a taxé de transhumant ? » Rappelons qu’il n’avait pas le choix puisqu’on l’avait poussé à la sortie. Il s’agrippait à son fauteuil et on le tirait par les pieds pour l’en dégager. Une fois à la porte, il a créé son propre parti et a eu la dignité de s’opposer sans se laisser acheter, ce qui lui a valu la compassion d’une partie de la population. Comment peut-il donc comparer son cas à celui de ces gens qui ne sont mus que par les verts pâturages dont ils ont été chassés par le peuple ? Il se trompe en croyant qu’ils l’aideront à se maintenir au pouvoir. Remettre dans l’appareil étatique des ogres qui avaient mis le pays à genoux, c’est obliger le peuple à ravaler ses vomissures. C’est ce qu’il y a de plus répugnant dans la transhumance.
Baila Wane se justifie en ces termes : « Si je ne me sens pas bien quelque part, je m'en vais ». On aimerait bien savoir ce qu’en pense l’intègre Abdou Latif Coulibaly, auteur de « Lonase : chronique d’un pillage organisé ». Tous deux sont aujourd’hui dans le même camp. Et l’on aimerait que le président de la République explique ce que « L’association des amis de Macky » apporte au pays et ce qu’elle reçoit en contrepartie.
Signalons que cette association dont Baila Wane est le trésorier est composé essentiellement d’ex-ministres du régime déchu qui se sont souvenus de leur « ami » Macky qui a actuellement les biens du pays à sa portée. Et qu’en est-il du « Haut conseil du dialogue social » dont l’ancienne ministre libérale Innocence Ntap Ndiaye est devenue présidente et qui regroupe plusieurs dizaines de hauts fonctionnaires ? Et que penser de ces propos de Thierno Lo, ex-accompagnateur de Wade : « Lorsque Macky Sall finira son mandat, je trouverai quelqu’un d’autre à accompagner pour continuer à travailler pour le Sénégal » ? N’y a-t-il pas d’autres personnes capables d’occuper ces postes et de travailler pour le Sénégal ?
Les plus ignobles des transhumants restent ceux qui créent des partis politiques dans le seul but de s’allier plus tard à celui qui gagnera les élections. Tels des vautours, ils planent dans le ciel à la recherche de charogne. A quoi servent 250 partis ayant tous le même programme « travailler pour le Sénégal » si ce n’est à la transhumance ? D’autres n’ont même pas besoin de partis politiques. Il leur suffit d’être forts en gueule et d’attendre qu’on les enrôle comme aboyeurs du nouveau régime ou qu’on leur donne de quoi avaler leurs langues.
Le président Sall explique qu’il fait appel aux transhumants pour massifier son parti, « ramener l’opposition à sa plus simple expression » et gagner les prochaines élections. Moustapha Cissé Lo, vice-président de l'Assemblée nationale précise : « On ne ferme pas la porte de l'Apr. Celui qui veut venir, n'a qu'à venir. Le parti politique est une association. On ne peut pas dire que les voleurs d'hier ne doivent pas adhérer ». Le but est, selon lui, de renforcer leur majorité « pour réélire Macky Sall en 2019 (donc, pas 2017) au premier tour ». Il y a de quoi s’inquiéter. Garder le pouvoir à tout prix devient leur priorité, voire leur seule préoccupation. Ils n’hésitent même pas à introduire des chacals dans le poulailler qu’on leur a confié. Évidemment, qui se ressemble s’assemble. Macky dit clairement aux siens : « Par tous les moyens, partout où vous pouvez convaincre des Sénégalais, il faut les amener à accompagner l’action du président de la République. Ça, c’est le mot d’ordre ! » Pourtant 65% des électeurs lui ont confié les rênes du pays pour « accompagner son action ». Que veut-il de plus ? Monsieur le Président, permettez-nous de vous dire que travailler et montrer des résultats satisfaisants, faire ce pour quoi on a été élu, est le seul honnête moyen de convaincre les Sénégalais. On a beau leur étaler des chiffres sur la croissance, leur faire des promesses, tant que leur situation va de mal en pis pendant que des politiciens véreux se la coulent douce avec les deniers publics, …
Bathie Ngoye Thiam