Temoignage d'un ancien collaborateur d'Adoul Mbaye
Avant-propos : Cette lettre ci-dessous, je l’avais écrite en avril 2012, puis mis sous le coude, à contre cœur, sur recommandation de mon épouse. En effet, elle pensait peut être pas à tort, que certains esprits pouvaient être tentés de croire que je lorgnais un poste dans l’appareil d’Etat. Dieu Le Miséricordieux fait bien les choses. Je peux maintenant, une fois les rumeurs tues, deux ans plus tard, la publier telle que je l’avais rédigée, sans y changer une seule virgule, pour avoir la conscience tranquille ! (Pr. Aliou Diack, le 05 mai 2014)
Monsieur le Premier Ministre, cher Abdoul,
Excuse-moi de te tutoyer publiquement. Je commencerai par te féliciter pour ta nomination au poste de Premier Ministre. Je t’avais juste envoyé un sms pour le faire, sobrement comme tu l’aurais toujours souhaité, car je ne voulais pas faire partie de ces amis euphoriques, qui pourraient abuser de ton temps pendant que tu en as le plus besoin.
Je suis plutôt inquiet pour toi bien qu’étant fier de ce challenge, dont je ne doute pas un seul instant que je tu sauras en relever le défi. J’ai beaucoup hésité avant de prendre ma plume pour faire un témoignage sur toi, car comme je te connais avec ta conception de l’éthique et de l’effacement, tu n’apprécieras pas mon geste.
Mais ma conscience me dicte de le faire non pas par devoir d’amitié, mais par souci de justice et de patriotisme, au moment où tu es plus que jamais exposé aux projecteurs de l’actualité et que tous les Sénégalais à juste titre, s’intéressent à ton Curriculum Vitae, à ton parcours professionnel, à ta personne et à ta famille.
Je le fais également en relisant la fameuse lettre que feu ton père Kéba Mbaye, t’avait écrite en 1982 quand tu n’avais que 29 ans et venais juste d’être porté à la tête de la Banque de l’Habitat du Sénégal (BHS) ; lettre qui devrait constituer pour tous les jeunes patriotes Sénégalais un héritage commun dont il faudrait faire un livret de chevet. Je sais que tu en as fait ton livret de chevet et un canevas de ta pratique quotidienne.
Je fais ce témoignage surtout quand j’ai pris connaissance avec consternation de certaines attaques personnelles insidieuses dont tu as fait l’objet et qui n’ont d’autres motivations que de chercher à ternir ton image en mettant en doute ta probité et ton honnêteté.
Toi et moi nous sommes connus sans nous voir, par le biais d’un ami commun, en l’occurrence Cheikh Tidiane Diagne, ancien footballeur international du Jaraaf de Dakar, quand tu faisais tes études à l’école des Hautes Etudes Commerciales (HEC) à Paris, moi aux Universités de Karlsruhe et de Stuttgart en Allemagne. Il voulait venir avec toi pour me rendre visite en Allemagne, mais tu avais un empêchement.
Nous ne nous sommes vus en chair et en os qu’en 1988, quand tu m’as proposé un poste à la BHS. J’étais jeune Professeur et chef du Département de Génie Civil à l’Ecole Polytechnique de Thiès et le choix n’a pas été facile pour moi. Mais le cœur gros, j’ai tourné le dos à mes laboratoires de recherche, pour tenter avec toi cette aventure combien exaltante, avec une jeune équipe composée exclusivement de compétences sénégalaises.
Quand tu m’as reçu dans ton bureau de la Direction Générale, le 1er mars 1988 mon premier jour de travail à la BHS, tu m’as confié ceci : « Le service Technique est un service très sensible avec beaucoup d’enjeux financiers pour les entreprises et les promoteurs et je le surveille moi-même, comme de l’huile sur le feu. Fais ce que tu en veux, je te fais confiance et ne te demande que des résultats.
Je n’ai qu’une seule préoccupation qui me tient à cœur : Voilà les statuts et règlement intérieur ainsi que les Normes de Construction de la BHS. Fais-en une bonne lecture et fais-en ton Coran et ta Bible. Je tiens à ce que tu les appliques à la lettre ». Fin de citation. Je pris ce petit livre de couleur verte et pris congé de toi.
Je prenais ainsi les rênes de ce Service Technique stratégique, que j’ai développé avec toi en une forte Direction des Services Techniques, qui a construit avec les promoteurs privés, publics et coopératives d’habitat, la grande majorité des cités d’habitation et lotissements au Sénégal.
La Direction des Services Techniques était au centre de tous les appels d’offres avec des marchés de construction de plusieurs dizaines de milliards de francs. Les enjeux étaient énormes et j’étais soumis à de fortes pressions parfois des menaces de personnes et personnalités importantes pour diverses interventions pendant les procédures.
Je peux jurer devant DIEU LE MISERICORDIEUX et devant le peuple sénégalais, que toi Abdoul Mbaye, n’as jamais interféré dans mes procédures d’appel d’offres ou d’octroi de marchés, malgré les nombreuses sollicitations et pressions dont tu faisais parfois l’objet, de la part de tes anciens amis entrepreneurs, promoteurs ou personnes qui te connaissaient.
Concernant le recrutement des ingénieurs et techniciens pour mon service, tu m’avais dit : « recrute qui tu veux, je n’attends de toi que des résultats ». Et effectivement, j’ai moi-même personnellement organisé tous les appels à concurrence et recruté tous les agents qui ont travaillé sous mes ordres. Tu me demandais juste de te soumettre les contrats d’embauche pour que tu les signes. Dans la gestion quotidienne de la Direction Technique, tu ne m’as jamais recommandé une personne à recruter, pas même un stagiaire !
Je puis également témoigner devant DIEU LE MISERICORDIEUX et le peuple Sénégalais, que tu refusais toujours que des agents viennent dénigrer leurs collègues dans le secret de ton bureau. Quand quelqu’un venait t’exposer des choses sur un collègue, tu l’écoutais religieusement et tu lui demandais de reposer le problème en réunion de coordination le lundi suivant. Et s’il oubliait de la faire, tu le lui rappelais en la circonstance, en réunion. Tu mettais ainsi un frein à toutes les velléités de délation, de dénigrement ou de complot.
Avec ton sens du patriotisme dépourvu de complexe, ton pouvoir de persuasion et de motivation de tes collaborateurs, tu as su construire avec nous une Banque de l’Habitat du Sénégal devenue une référence internationale, avec pour ressources financières fondamentales l’épargne nationale des ménages Sénégalais.
Pour la gestion de cette institution, tu as fait confiance à de jeunes banquiers, financiers, juristes, ingénieurs et techniciens exclusivement Sénégalais, qui ont développé dans les murs même de la Banque, l’un des instruments informatiques les plus performants en gestion de Banque, en l’occurrence le programme CRESUS, que supervisait notre ami Moustapha Sarr, Directeur de l’informatique et de la Méthode.
Plusieurs pays de la sous-région ouest africaine ont sollicité le Sénégal pour la création de leur propre Banque de l’Habitat. Ces Banques ont été effectivement crées dans ces pays avec l’expertise des seuls agents de la BHS, depuis les études de faisabilité jusqu’à l’installation de CRESUS, en passant par les procédures de gestion interne. La BHS est la première Banque exclusivement africaine à avoir réussi à ouvrir une agence au cœur de Paris et au cœur de New York.
Concernant la rigueur dans le travail, ce que je peux témoigner c’est qu’à la BHS, tu étais toujours le premier parmi nous à être au bureau et le dernier à quitter l’institution. Même les samedis tu venais, nous obligeant nous Directeurs et Cadres supérieurs à faire de même, sans nous l’avoir jamais demandé explicitement.
Concernant l’équité et la justice telles que tu les pratiquais, je puis également témoigner devant DIEU LE MISERICORDIEUX et le peuple sénégalais, que tu n’as jamais favorisé un agent au détriment d’un autre, ou fait avancer, ou nommé quelqu’un, indûment. Chaque année tu procédais à une évaluation objective, transparente et inclusive de tous les agents, pour leur donner des notes et des gratifications en fonction de leur mérite et de leur rendement.
Tu n’as non plus jamais cherché à faire la promotion des personnes qui t’étaient proches par la force du destin. Quand tu devais quitter la BHS pour aller à la CBAO, Alioune Diack Badou, ton beau-frère, était celui que je considérais comme le meilleur banquier de la BHS pour te succéder. Tu as refusé de plaider sa cause au conseil d’administration, pour éviter qu’on ne taxe ton geste de népotisme. Je t’en ai voulu, car je considérais qu’en chevauchant sur tes principes d’éthique et d’impartialité, tu as été injuste envers un cadre plus que méritant.
Je disais au début de ma lettre, que j’étais inquiet pour toi ABDOUL, parce qu’une seule question me taraude : Est-ce que tes collègues ministres, les Sénégalaises et les Sénégalais lambda dans les Ministères, les sociétés nationales, les gouvernances, les préfectures ou les sous-préfectures te donneront la chance de prouver ta valeur ?
S’ils le faisaient, je serais rassuré. Que DIEU LE MISERICORDIEUX fasse qu’ils le fassent.
Bonne chance Abdoul !
Dakar, le 10 avril 2012
Pr. ALIOU DIACK
Ancien Directeur Technique de la BHS
Membre de l’Association Internationale des Ponts & Charpentes (Zürich)
Ancien Professeur de Structures et d’Hydraulique de l’Ecole Polytechnique de Thiès
Ancien Chef du Département de Génie Civil de l’EPT