Fatou Diome raconte son enfance d’enfant naturel
Il n’y a pas un seul ouvrage sénégalais qui parle du phénomène des enfants naturels. Fatou Diome ose et propose son propre cas pour dénoncer le sort réservé à ces petits dans son dernier roman ‘’impossible de grandir’’. Elle l’a présenté au public dakarois hier au Goethe institut.
Auteure prolifique, la Sénégalaise Fatou Diome est encore en librairie. Après ‘’Le ventre de l’Atlantique’’, ‘’Kétala’’, ‘’Préférence nationale’’, ‘’Inassouvies nos vies’’, ‘’Celles qui attendent’’, elle a sorti cette année ‘’Impossible de grandir’’. Un roman qui raconte l’enfance de la romancière dans son Niodior natal. ‘’Salie est invitée à dîner chez des amis. Une invitation apparemment anodine mais qui la plonge dans la plus grande angoisse. Pourquoi est-ce si ‘’impossible’’ pour elle d’aller chez les autres, de répondre aux questions sur sa vie, sur ses parents ?
Pour le savoir, Salie doit affronter ses souvenirs. Poussée par la Petite, son double enfant, elle entreprend un voyage intérieur, revisite son passé : la vie à Niodior, les grands-parents maternels, tuteurs tant aimés, mais aussi la difficulté d’être une enfant dite illégitime, le combat pour tenir debout face au jugement des autres et l’impossibilité de faire confiance aux adultes. À partir de souvenirs personnels, intimes, Fatou Diome nous raconte, tantôt avec rage, tantôt avec douceur et humour, l’histoire d’une enfant qui a grandi trop vite et peine à s’ajuster au monde des adultes. Mais n’est-ce pas en apprivoisant ses vieux démons qu’on s’en libère ? «Oser se retourner et faire face aux loups», c’est dompter l’enfance, enfin, raconte le quatrième de couverture du livre. Et c’est de ce livre que l’auteure est venue débattre au centre culturel allemand de Dakar, Goethe institut, hier.
Sans gants, elle aborde avec une franchise ‘’choquante’’, sa condition d’enfant naturelle. Elle ne s’en cache pas. Pourquoi donc devrait-elle s'en cacher d'ailleurs ? ‘’Fatou Diome, c’est quelqu’un qui s’assume’’, dit-elle fièrement. Ainsi, dans cet ouvrage, elle se ‘’libère’’ de ses souvenirs d’enfant mise à l’écart, pointée du doigt, mal aimée parce qu’étant une ‘’faute sur quatre pattes’’. Elle dénonce ce regard et cette considération que les Sénégalais ont vis-à-vis de ce phénomène. ‘’Je voudrais que les enfants qui naîtront après les nawétanes sachent qu’ils ont une tata comme eux qui a pensé à parler de leurs conditions’’, s’est-elle plu à dire.
La légèreté notée dans ses propos, est la même qu’on retrouve dans divers chapitres du livre. On sent de la dureté également par moments, et de la tristesse. Et que personne ne dise à l’écrivaine que cette considération relève de nos traditions ou tout simplement de notre culture. Sa conception est tout autre. En effet, pour elle, ‘’ce qui nous pèse, nous alourdit. J’ai le courage de le mettre à côté’’. Et que personne ne lui dise également qu’elle est ‘’occidentalisée’’. ‘’Cela m’énerve’’, vous dira-t-elle. Car elle conçoit que ‘’la modernité n’est pas une plante rare qui ne pousse qu’en Europe’’. Et celle qui la connaît bien la dépeint comme très enracinée d’ailleurs. Et hier, elle s’est plu à réciter ses arbres généalogiques, matriarcal et patriarcal.