Éduquons les jeunes au lieu d’une damnation continuelle
Je disais à propos du lynchage dont un professeur de médecine a été victime durant la crise du covid19 que le lynchage est « le pouvoir des tyrans sans pouvoir ». J’ajouterais que le lynchage médiatique est devenu la science irréfutable des ignorants. Les réseaux sociaux nous révèlent les profondes et douloureuses maladies dont souffre notre société : la furie d’une opinion toujours frivole et dogmatique, la dictature des ignorants, le parasitage des causes nobles. Comment peut-on condamner une personne ad vitam aeternam avec autant de légèreté ?
Il faut surtout éviter l’amalgame qui est le terreau fertile à la germination des pyromanes. Le combat contre les LGBTH+ n’est pas une mode, encore moins un jeu de pyromanie, c’est du sérieux et, ne serait-ce que par respect aux risques pris par ceux qui le mènent avec abnégation, sagesse et dextérité, il faut éviter la délation, la dénonciation sans fondement et les règlements de compte. Il y a des gens qui sont porteurs d’une lourde charge de malheur, de méchanceté et de malveillance : ils cherchent toujours des victimes sur qui décharger leur triste univers mental. Il ne faut pas qu’à la spirale du silence sur cette affaire de LGBTH+ succède une spirale de la dénonciation tous azimuts.
Le combat contre les goor-jigèn est d’abord scientifique, anthropologique, moral : ça ne saurait une chasse aux sorcières dont le but dissimulé serait d’assouvir des désirs occultes. Il faut faire preuve de discernement et éviter de tomber dans les travers obscurs des passions qui ont toujours poussé des hommes à prendre quelques-uns parmi leurs semblables pour des victimes expiatoires. Cette manie à transférer ses potentialités démoniaques sur autrui est une vieille ruse de la psyché humaine. Dans certaines contrées, des hommes ont été obligés de quitter leur terroir parce que leurs ennemis, des comploteurs, les ont accusés avec succès d’anthropophagie. Combien de femmes ont été brûlées sur le bûcher ardent pour suspicion de sorcellerie à partir des sortilèges intellectuel d’un certain Heinrich Kramer (Le Marteau des sorcières) ? Au moment de la libération de France, une façon subtile de passer pour un résistant c’était de dénicher un collabo…
Il faut lever les équivoques qui constituent en général les eaux troubles où sévissent les requins prompts à dévorer la réputation de tout le monde. Il est des natures tellement lugubres (les malades de la vie) qu’elles ne peuvent s’épanouir qu’en jetant l’opprobre sur autrui. Il faut donc éviter de leur baliser le chemin et ce, en restant sur les principes et en jugeant des faits en lieu et place des personnes. Il faut refuser que la lutte légitime et vitale contre les goor-jigèn soit transformée par des tiers en cannibalisme intellectuel. La soif de vengeance, et le transfert de culpabilité sont des subterfuges ayant leurs racines dans les profondeurs de l’inconscient.
C’est trop facile de modifier son profil Facebook et de traiter Waly Seck de parrain des goor-jigèn sur la base de simples allégations. Une plainte a été déposée contre des fautifs, la justice a déjà sévi : c’est la bonne démarche. Il s’agit de dépister des faits et de les condamner, pas de surfer sur la vague d’indignation et sur la confusion pour s’attaquer à la dignité des personnes. Il ne faut pas donner aux prédateurs d’image et d’honorabilité les moyens de satisfaire impunément et confusément leurs pulsions du mal.
Ils sont forts en récupération et il faut les combattre avec la même énergie et la même sagesse investie contre les goor-Jigèn. Ce sont les mêmes nervis des réseaux sociaux dont toute l’énergie est déployée pour insulter et invectiver ; ce sont les mêmes qui pensent pouvoir faire le monde à l’image de leur obscure psyché. Il est préférable de laisser un criminel impuni que de condamner un innocent : nit dey wax luko woor !
Alassane K. KITANE