Publié le 10 Jun 2012 - 17:44
MAL GOUVERNANCE ET CONFLIT D'INTÉRÊT

Youssou Ndour et le BSDA, déjà un cas d'école

 

Le Bureau sénégalais des droits d'auteur ne roule pas sur l'or, les artistes et musiciens n'en tirent pas beaucoup, mais la nomination à sa tête d'un proche du ministre de la Culture est une atteinte au principe de transparence et d'équité.

 

EnQuête titrait hier sur l'esprit de camaraderie qui entoure les premières nominations du président de la République à certains postes de la haute administration d'Etat. Il faut croire que le pire – si pire il doit y avoir – est devant nous. Sans doute, le chef de l'Etat doit faire face à des «contraintes politiques» issues des alliances qui ont contribué à sa victoire du 25 mars. Mais entre des promesses d'«embauche» qui n'engagent que lui, et les engagements politiques à l'endroit du peuple électoral national, il ne doit pas y avoir photo.

 

Si Abdoulaye Wade a été tant détesté et combattu, c'est qu'il avait fait de la mal gouvernance une marque déposée, une empreinte indélébile au cœur de son magistère. En donnant à l'artiste-musicien Youssou Ndour, ministre de la Culture et du Tourisme, les coudées franches lui permettant de placer un de ses hommes à la tête du Bureau sénégalais des droits d'auteur (BSDA), Macky Sall donne l'impression de ne pas avoir la poigne nécessaire à la mise en œuvre d'une gouvernance politique et administrative moderne, comme il l'a promis à maintes reprises. Il ne s'agit ici ni de compétence ni de savoir-faire, c'est pas le débat. Il est question de conflit d'intérêt ! Et là, c'est un très mauvais signal pour la transparence.

 

Propriétaire d'un bouquet de médias et d'entreprises culturelles bien visibles dans notre pays, Youssou Ndour est également partie-prenante active dans le business financier qui tourne autour des œuvres musicales et artistiques au Sénégal. Lui donner – sans préjuger de rien a priori - la possibilité de faire main-basse sur l'institution censée défendre et consolider les intérêts de ses collègues apparaît alors comme un laisser-aller laisser-faire de mauvais goût. C'est du laxisme.

 

A la fois producteur et distributeur d’œuvres artistiques, musicales surtout, le ministre de la Culture, grâce à un poste, va être de fait au cœur de cette chaîne qui rémunère financièrement l'usage des dites œuvres à partir des redevances payées par les chaînes télés et radio. A travers cette nomination moralement très gênante, le propriétaire du groupe Futurs médias, par l'intermédiaire d'une fonction reçue sur un plateau d'argent et confiée à un partisan, se mue en contrôleur-allocataire des subsides à distribuer aux artistes dont... lui-même. En clair, il appartient désormais à l'homme d'affaires Youssou Ndour de rémunérer d'une certaine manière tous ses grands concurrents de la planète audiovisuelle. C'est gênant et inacceptable ! Le conflit d'intérêt potentiel est flagrant car le juriste qui a été nommé à ce poste est issu des rangs du mouvement Feccé ma ci boolé, l'instrument de combat politique mis en place par Youssou Ndour contre le régime de l'ancien président Abdoulaye Wade.

 

 

Faute politique

 

Par cet acte, le président Macky Sall ne met pas sur un pied d'égalité les artistes et hommes du monde culturel sénégalais. Pour être en phase avec les principes de transparence et d'équité dans la dévolution de ce poste aussi sensible que stratégique, il aurait fallu que le chef de l'Etat – Protecteur des arts et de la culture, selon la Constitution – favorisât une nomination et un profil en adéquation avec ce qui est censé être la «Politique culturelle» de l'Etat pour les cinq ou dix prochaines années. Or donc, il a concrètement préféré prendre des libertés avec la transparence, la justice, l'équité et le bon sens. On n'est pas loin d'une faute politique de grande envergure.

 

Le choix de Youssou Ndour était déjà discuté lors de sa nomination au ministère de la Culture et du Tourisme. Nous sommes de ceux qui ont pensé que, même s'il aurait été plus élégant que l'artiste déclinât cette offre pour parachever d'une autre manière le noble combat qu'il a mené contre le pouvoir sauvageon de Me Wade, on lui devait cette chance de faire ses preuves au sommet de l'Etat. Mais avec cette prise du BSDA, on a franchi les frontières du non sens et du copinage absolus. La faute à Macky Sall qui nous avait promis un nouvel élan en matière de gouvernance. Ce n'est franchement pas pour ce type de management que nous avons détesté et combattu si justement Abdoulaye Wade et ses méthodes.

 

MOMAR DIENG

 

Section: 
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