La junte annonce un report
Pour justifier un ‘’léger’’ report de l’organisation de la Présidentielle promise par les militaires au pouvoir, le gouvernement de transition évoque une ‘’prise d’otages’’ des données électorales par une société française.
Si la rigueur est une qualité attendue des militaires, ceux qui dirigent le Mali n’en sont pas les plus pourvus. Du moins, en ce qui concerne le respect des calendriers établis. Après le report du référendum constitutionnel de mars dernier, organisé trois mois après, c’est au tour de l’élection présidentielle de février 2024 de faire l’objet d’un report de la part du gouvernement de transition, au pouvoir depuis plus de deux ans.
Mais, à en croire ces autorités, il s’agirait d’un léger report, dû à des ‘’raisons techniques’’.
C’est par un communiqué lu à la télévision nationale que le ministre d’État, ministre de l’Administration et porte-parole du gouvernement a annoncé le changement dans le chronogramme électoral.
Selon le colonel Abdoulaye Maïga, ‘’les dates de l’élection présidentielle initialement prévues pour le dimanche 4 février 2024 (premier tour) et le dimanche 18 février 2024 (second tour) éventuellement, connaîtront un léger report, pour des raisons techniques’’.
Sans donner de précision sur la nouvelle date, le gouvernement indique que des discussions vont être menées avec l’autorité indépendante de gestion des élections pour convenir sur le nouveau chronogramme de la Présidentielle pour un retour effectif à l’ordre constitutionnel.
Quant aux autres élections, le ministre porte-parole du gouvernement soutient que leurs dates feront l’objet d’un autre chronogramme qui sera établi par les nouvelles autorités, sous l’autorité du nouveau président de la République.
Report comme avec le référendum constitutionnel
En juillet 2022, le gouvernement de transition a élaboré un calendrier avec l’engagement de céder le pouvoir en mars 2024, après des élections en février. Cela avait convaincu la CEDEAO de lever les lourdes sanctions commerciales et financières infligées au Mali six mois plus tôt. En plus du référendum et de la Présidentielle 2024, ce calendrier avait établi l’organisation des Législatives entre octobre et novembre 2023, et des élections locales en juin 2023.
Les raisons techniques évoquées pour justifier le ‘’léger report’’ concernent le fichier électoral malien qui serait ‘’pris en otage’’ par l’entreprise française Idemia. Selon le gouvernement, l’entreprise refuse de transmettre le mot de passe de la base de données du recensement administratif à vocation d’état civil (Ravec). Le colonel Abdoulaye Maïga en donne tout de même les raisons : ‘’Sur le plan contractuel, le transfert de propriété du système, dont la transmission du mot de passe compte PDBADMIN fait partie, est effectué après paiement du marché en référence. Or, 5 271 882 000 F CFA restent dus à date à Idemia au titre du marché, comme cela a été rappelé dans le courrier en référence.’’
Pour le ministre de l’Administration, le contrat signé avec la société en 2018 portait sur une solution propriétaire dont le Mali n’a pas le code d’accès. Et, ajoute-t-il, ‘’c’est la raison pour laquelle la base de données Ravec est arrêtée depuis mars 2023. Cette situation a eu des conséquences sur les correctifs que l’on devait apporter sur la nouvelle carte biométrique et l’enrôlement des nouveaux majeurs dans le fichier électoral’’.
Une base de données sans mot de passe
Afin de s’extirper de cette situation, le ministre a indiqué que le gouvernement malien a décidé d’organiser exclusivement l’élection présidentielle pour sortir de la transition. Ainsi, révèle Abdoulaye Maïga, ‘’des démarches administratives sont en train d’être effectuées dans les plus brefs délais pour permettre le basculement de la base de données nationales sur un autre système qui sera exclusivement contrôlé par le Mali. Lequel ne risque plus de vol de données ni de ‘’prise d’otage’’.
Dans la même démarche, le ministre indique la modernisation de la révision annuelle des listes électorales, qui devrait mettre à disposition des usagers un site web opérationnel dès le 1er octobre 2023. Une indication sur un report au-delà d’octobre 2023 ?
Ce report donne raison aux sceptiques sur la volonté réelle des autorités militaires de la transition à laisser le pouvoir aux civils. Certains estiment que les raisons évoquées n’ont pas empêché la tenue du référendum constitutionnel de juin dernier. D’autres sont d'avis que le gouvernement de transition n’a pas les moyens financiers d’organiser des élections en raison du départ de plusieurs partenaires du pays. La promesse d’un respect du calendrier établi par la junte en 2022 avait été essentielle dans la levée de sanctions administrées par la CEDEAO.
Pour le moment, la réaction de l’organisation ouest-africaine se fait attendre.
Lamine Diouf