«Ce sont les petits compromis qui tuent les convictions»
Alors que la fronde s'est élargie à un autre pôle jeunesse à l'intérieur du Ps, le secrétaire général de Convergence socialiste mène sa barque avec un Front national de salut public qu'il souhaite transformer en réceptacle de toutes les frustrations.
Le Parti socialiste est de nouveau secoué par la question de la succession de Ousmane Tanor Dieng à la tête du secrétariat général. Après vous, d'autres jeunes demandent sa démission. Avec le recul, que vous inspire ce dossier ?
Notre mésaventure au sein du Parti socialiste nous a aidés à comprendre qu’aucun changement n’aura lieu au Sénégal sans l’instauration d’une démocratie réelle, consubstantielle d’une indépendance totale. Les partis politiques sont un microcosme de la corruption, de l’injustice sociale. Ils sont symptomatiques des maux de notre société. Certaines personnes préfèrent toujours attendre d’avoir un poste ou d’accéder aux privilèges de l’alternance pour retrouver la parole et commencer à murmurer les mêmes choses qu’elles me reprochaient un an avant. Je préfère ne pas m’attarder sur ces cas inutiles et dire de manière générale que tant que les partis politiques ne se seront pas démocratisés, nous aurons du mal à appliquer les vertus politiques dans nos institutions. C’est en acceptant de faire les petits compromis qu’on renonce progressivement à ses convictions pour arriver au sommet de sa carrière sans substance idéologique. C’est le cas de la presque totalité des leaders politiques du Sénégal.
Vous avez été le premier à soulever cette question et cela vous a coûté votre exclusion. Avez-vous le sentiment d'avoir eu raison plus tôt ?
C’est une question qu’il faut poser aux Sénégalais. J’ai toujours pensé avoir eu raison sur ce combat depuis le début. Ce ne sont pas quelques personnes qui ont renié leur parole qui vont me conforter dans ce choix. Aujourd’hui, un Bureau politique incapable de gérer la contestation interne m’a exclu sans procès, parce qu’il n’avait aucun argument à m’opposer. Ce faisant, ses membres ont montré aux militants ce qu’il en coûte de défier la dictature du clan Tanor.
Que répondez-vous à l'accusation qui fait de vous un cheval de Troie dans cette bataille pour la succession de Ousmane Tanor Dieng ? Êtes-vous en contact avec lui ?
Je ne l’ai ni vu ni entendu depuis le baptême de mon deuxième fils, c'est-à-dire depuis presque un an. De plus, j’ai déjà répondu plusieurs fois à cette question. Nous n’avons et serons jamais le cheval de qui que ce soit. Par contre, nous sommes déterminés à être les chevaliers de la dignité nationale, de la défense de notre souveraineté nationale, du panafricanisme. Aujourd’hui, nous n’avons plus à adhérer à la politique de l’autruche à laquelle Ousmane Tanor Dieng a réduit le Parti Socialiste. Nous pouvons enfin nous exprimer sur les questions sociales, politiques, monétaires, et à tout ce qui touche la politique extérieure du Sénégal. Nous parlons avec une liberté de ton absolue, parce que nous n’avons de compte à rendre à personne d’autre qu’au peuple sénégalais. C’est cela l’opposition et c’est cela que Moom sà rééw entend incarner.
Après votre départ du Ps, vous avez mis en place un parti politique. Où en êtes-vous avec son implantation ?
Lorsque nous avons été expulsé du Parti socialiste, j’ai fait une déclaration pour dire qu'il s’agissait, pour les membres de Convergence socialiste, d’une vraie renaissance. Aujourd’hui, nous joignons la parole à l’action ! Il faut poser les vraies questions parce que les Sénégalais ont le droit de savoir. Il faut comprendre les causes profondes de la pauvreté (nous faisons partie des pays les plus pauvres du monde), il faut inlassablement souligner nos responsabilités individuelles, la responsabilité de la classe politique et les responsabilités d’une France qui n’est jamais partie de notre pays. Nous avons rencontré des compatriotes de tous les profils, dans les villes comme dans les régions, ainsi que la diaspora. Nous avons écouté des chômeurs, travailleurs, ménagères, étudiants, enseignants, paysans, pêcheurs, chefs d’entreprises, professeurs et experts. Ce travail nous a permis de mieux structurer notre pensée et d'arriver à la nécessité de traduire la maturation de notre mouvement en Front national de salut Public/Moom Sà Rééw, qui se veut une émanation des couches populaires, une réappropriation contemporaine des anciens et vrais combattants de la souveraineté de l’Afrique comme Mamadou Dia, Thomas Sankara, Cheikh Anta Diop, etc. Nous comptons mener ce combat de la souveraineté totale en prenant en compte notre réalité de 2013.
Avec quel programme ?
Nous avons une haute ambition pour notre pays, cette ambition passera autour de la priorité de la nation sur l’Etat, avoir le courage d’interroger les attitudes pathologiques de la finalisation de la république sénégalaise, mettre fin aux accords de coopération, au régime actuel du F Cfa et enfin rendre nos institutions conformes à nos valeurs et à notre culture. La mise en place de ce parti demande beaucoup d’exercices de conception, de mobilisation de ressources. C'est pourquoi nous invitons tous les citoyens épris d’engagement de ne pas rester piégés dans l’apolitique et de nous rejoindre sans rien attendre en retour afin de construire le Sénégal qui ne fasse plus fuir ses ressortissants.
Plus de 70 députés travaillent autour d'un projet de financement public des partis politiques et sur leur limitation. Qu'en pensez-vous ?
Le vrai débat consisterait à questionner le principe même des coalitions. Nous avons de par nos choix ou notre attentisme, livré le pays à l’anarchie des coalitions, c’est-à-dire à la dictature des lobbies et des cartels ! Depuis, nous assistons passivement après chaque élection au partage des postes administratifs entre les nouveaux leaders des états-majors. Pensez à ce que fut l’Alternance ! Un ramassis de partis qui, incapables de se rallier aux mêmes idées sous les mêmes couleurs, ont décidé de s’entendre, le temps d’une campagne, sur le dos des Sénégalais. Les coalitions n’ont aucun projet pour le Sénégal. Ce sont des nébuleuses qui se sont construites dans la précipitation de réunions nocturnes à la veille d’un second tour. Ce n’est pas sérieux !