‘’Le saccage de bureaux de vote à Touba, est inadmissible’’
Visage avachi. Traits tirés. Yeux rougis. Voilà la photographie du sous-préfet de Ndame que nous avons trouvé hier à son domicile transformé en QG. Malgré la fatigue, Mamadou Mbacké Fall qui, est resté 72 heures sans dormir, selon ses termes, revient sur les évènements qui ont marqué le déroulement du scrutin à Touba.
24 heures après le scrutin législatif, lequel de ces sentiments vous anime le plus : la satisfaction ou la déception ?
Globalement je suis animé par un sentiment de satisfaction. Les désagréments que nous avons connus s’expliquent par la pluie d’avant-hier (nuit du samedi). Il ne faut pas oublier qu’à Touba nous votons sous des abris provisoires. Quand il pleuvait, on avait déjà installé les abris. Mais la tornade a tout enlevé. Toutes les tentes sont tombées à terre, alors qu’on avait déjà installé toute la logistique nécessaire pour le bon déroulement du scrutin. Nous avons débloqué beaucoup de moyens humains et matériels pour essayer de débloquer la situation et permettre aux populations de voter.
Malheureusement, il faut aussi noter que des actes de vandalisme ont été commis dans la nuit du samedi au dimanche. Du matériel installé sur les lieux de vote ont été volés. Tout cela n’était pas facile à gérer. Nous étions obligés de louer à nouveau des chaises pour faire face. Voilà pourquoi il était difficile de commencer à huit heures. Surtout dans le grand centre qui se trouve à l’intérieur de l’Université Serigne Abdou Lahad et qui compte 147 bureaux. Ce qui a fait que nous avons démarré dans certains bureaux vers les coups de 11 heures. L’attente était certes assez longue. Et certains électeurs étaient surexcités. Il faut aussi dire que des vandales, venus d’un certain parti, ont saccagé l’ensemble des bureaux de vote deux heures après le démarrage. Ainsi ont-ils interrompu toutes les opérations qui étaient en cours. C’était devenu quasi impossible de reconstruire ces bureaux.
Avez-vous identifié ces soient disants vandales ?
On les a identifiés. Ils sont en état d’arrestation. Les leaders du moins. (L’entretien s’est déroulé avant la Libération de Cheikh Bara Doli Mbacké, Cheikh Abdou Bara Doli Mbacké et Assane Mbacké). Je ne sais pas quel sort leur est réservé. Je sais tout simplement que la Police est en train de mener son enquête. Après, elle va les mettre normalement à la disposition du procureur. Ce qu’ils ont fait est inadmissible. Les retards ne peuvent pas le justifier. Partout au Sénégal, il y a des retards. Dans certaines contrées, les opérations n’ont pu commencer qu’à 14 heures. Nous étions même en train de rétablir la situation mais finalement compte tenu de l’atmosphère surchauffée, exacerbée par l’arrestation de certains leaders, il était plus sage de tout arrêter dans ce centre qui est le plus grand de Touba. Même les électeurs n’avaient plus confiance pour venir voter.
Quid des autres centres établis à Touba Mosquée ?
Dans l’ensemble tout s’est bien passé. Les autres centres ont fonctionné normalement. Entre 8 heures et 18 heures. C’est le cas de Keur Niang (23 bureaux), Keur Serigne Niane Diop (34 bureaux), Touba Mosquée Ndamatou (35 bureaux). Tous ces bureaux ont fonctionné sans difficulté aucune.
Mais outre l’université, il y a aussi Tindody qui n’a pas voté….
C’est au Boulevard Tindody où les gens n’ont pas voté pour être plus précis. Je dois avouer que là bas, il y avait un manque terrible de matériels. C’est la même chose à Darou Miname où il y avait un problème de logistique. Mais tout cela est dû également à la pluie qui est tombée la veille. Malgré tout ça, on a fait fonctionner 363 bureaux sur les 548 que compte la commune jusqu’à près de 18 heures. Mieux certains lieux comme Khaira 2 qui a commencé à voter à partir de 17 heures a fonctionné jusqu’à minuit.
Et maintenant faut-il annuler le scrutin ou le reprogrammer ?
Ça ce n’est pas de mon ressort. Nous ne pouvons pas en décidé. Notre mission était d’organiser le vote. Cela ne s’est pas déroulé comme nous le souhaitions pour des raisons d’intempérie. On y peut rien. Pour les bureaux qui ont fonctionné, les procès verbaux ont été établis et transmis à l’autorité.
Mais combien y a-t-il d’abris provisoires et n’y a-t-il pas de solution alternative ?
Nous avons dénombré au minimum 507 sur 548, vous voyez ce que ça fait. Nous n’avons aucune solution parce que dans cette ville (Touba) il n’y a pas d’école. Si on avait des salles de classe, il n’y aurait aucun couac. Il n’y a que des biens privés qui peuvent permettre d’accueillir de telles opérations. Et on ne peut pas voter dans des maisons. Ce n’est donc pas demain la fin des abris. On pourrait peut-être essayer de trouver des abris plus solides pour éviter ce genre d’évènement mais cela a un coût.
Certains réclament votre démission parce que disent-ils vous avez échoué dans l’organisation de ces Législatives ?
Ceux qui le disent n’ont rien compris. On a fait tout ce qu’on pouvait. Tout le monde le sait. Que peut-on faire face au vent et à la pluie ? D’autant plus que les tentes sont placées dans des terrains vagues. Elles ne pouvaient vraiment pas résister au vent. Nous aurions souhaité que tout se passât le plus normalement possible. Malheureusement ce qui est arrivé est arrivé. Maintenant la grande masse qui ne comprend rien peut dire tout ce qu’elle pense. Ce sont juste des pics. Nous n’y faisons même pas attention. Je pense qu’ils sont de mauvaise foi. Je suis là depuis 5 ans. C’est moi qui ai fait les élections depuis 2012. Ils n’avaient rien dit. Cette fois ci, ils se sont sentis en difficulté, c’est pourquoi ils m’accusent. Mais on connait ce genre de pratique. Nous, on ne fait que notre travail. En tous cas nous, nous sommes satisfaits. Cela fait plus de 72 heures que je n’ai pas dormi et c’était pour que tout se passe dans les règles de l’art.
Pouvez-vous nous rappeler le nombre d’inscrits à Touba mosquée ?
On avait 272 000 inscrits. On en a distribué 215 000 cartes avant le scrutin. Le taux de retrait était de l’ordre de 73 et 75%. Je dois aussi vous dire que nous avons le plus grand nombre d’inscrits dans le cadre de la refonte du fichier. Aucune commune n’a inscrit autant de personnes. En valeur absolue, aucune localité n’a distribué autant de cartes que nous. Nous avons donc tout fait pour que tout le processus se passe normalement.
Avec tout ce qui s’est passé, pensez-vous que le taux de participation sera important ?
Je pense que nous aurons un taux acceptable. Il faut juste déplorer le saccage des bureaux. Ceux qui l’ont fait ont empêché les populations de s’exprimer. J’étais abattu quand je me suis rendu sur place. J’étais découragé. Ce qu’ils ont fait est inadmissible. Les bureaux n’appartiennent à personne.
Revenez un peu sur votre journée d’hier (de dimanche). Comment l’avez-vous passé dans votre domicile transformé en quartier général ?
Je l’ai passé de manière très sereine. J’ai reçu l’appui du gouverneur et du préfet qui sont venus respectivement de Diourbel et de Mbacké. On discutait, on a travaillé ensemble pour trouver des solutions. On a tout fait avec la Gendarmerie et la Police. On a tout fait pour sauver ce qui pouvait l’être. Maintenant, nous allons faire l’évaluation. C’est la première fois que l’on est confronté à pareille situation. Je suis en train de voir les causes, les remèdes… Il faut des solutions pour les prochaines échéances. C’est notre mission. Maintenant on ne peut pas s’auto apprécier. L’autorité centrale va le faire.
Pour en revenir à Tindody. Avez-vous donné des instructions particulières à la Gendarmerie parce qu’on a constaté que malgré la furie de la population, ils n’ont pas usé de la force ?
C’est évident parce que Touba est une ville assez spéciale. Il fallait gérer tout ça. Mais je dois aussi dire que certains ont provoqué un candidat député (Ndlr Abdou Lahad Seck de BBY) qui a riposté en sortant son arme. Mais il n a pas tiré quand même. C’est du moins ce qu’on m’a dit. D’après les informations que j’ai reçues, au moment d’aller prendre son repas, des gens le chahutaient et faisaient du n’importe quoi.
Abdou Lahad Seck a quand même été arrêté ?
Oui. C’est ce que j’ai appris à la radio. Mais il n’a pas tiré. Il n’a fait que… Je ne sais pas exactement pour quel chef d’accusation il a été interpellé, mais dans une élection dès que vous sortez une arme, vous êtes sous le coup de la loi.
Par Mor Amar