Le fléau gagne du terrain dans le Nord
L’Association pour le maintien des filles à l’école (AMFE) a outillé, en deux jours d’activités, le personnel de santé du district de Thilogne et des ‘’Badienou Gox’’ dans la prise en charge des femmes victimes de violences. Un fléau qui est en train de gagner du terrain dans la partie nord du Sénégal.
À plus de 700 km de la capitale sénégalaise, l’Association pour le maintien des filles à l’école (AMFE) est en train de multiplier ses actions pour stopper la spirale des violences basées sur le genre (VBG).
En effet, dans cette partie du Sénégal, les femmes font souvent l’objet de violence sous toutes ses formes. Elles sont violées, harcelées, battues et malmenées dans la plus totale impunité, en plus de devoir supporter le regard culpabilisant de la société.
Oulymata Sy, de la commune de Matam, renseigne que la société trouve toujours des prétextes pour justifier la violence exercée sur la femme. ‘’Malheureusement, dans cette société, on juge plus qu’on ne vient à la rescousse de la victime. Quand on voit une femme qui a été victime d’un viol, on dit toujours que c’est elle qui est fautive, parce qu’elle était mal habillée. En définitive, on dit que c’est toujours la femme qui incite son bourreau à agir. On oublie que la femme a le droit de s’habiller comme elle le sent, sans qu’elle soit violentée’’, témoigne celle qui a pris part à la formation initiée par l’AMFE.
En effet, autour de sa directrice exécutive Wopa Diallo, l’AMFE a organisé dans les communes de Thilogne et d’Agnam deux activités de formation à l’intention du personnel de santé du district de Thilogne et des relais communautaires. Une session axée sur la prise en charge des victimes et survivantes de violences basées sur le genre. ‘’L’activité a commencé à Thilogne avec le personnel de santé. Nous avons formé 50 personnes, des infirmiers-chefs de poste, des sages-femmes, des médecins-chefs sur la prise en charge et notamment sur les procédures standards d’orientation de la victime. À Agnam aussi, nous avons formé 50 autres personnes, des ‘Badienou Gox’, des relais communautaires et des personnes-ressources’’, renseigne-t-elle.
Sur le choix du personnel de santé comme destinataire de la formation, elle explique : ‘’Nous nous sommes dit qu’après une violence, la victime court voir un personnel de santé. Le plus souvent, les questions posées sont : que portiez-vous au moment d’être violée ? Pourquoi votre mari vous a frappée ? Qu’avez-vous fait pour être battue ? Nous, nous voulons que le discours change. La femme n’est pas fautive d’avoir subi une violence. Elle est une victime et elle doit être traitée comme une victime. Donc, le premier contact est extrêmement important pour cette victime. Il faudra savoir bien l’accueillir et si possible l’orienter’’.
Déterminée à améliorer les conditions des femmes dans les zones défavorisées, l’Association pour le maintien des filles à l’école, du haut de ses quinze années d’existence, a décidé d’étendre son champ d’intervention. ‘’Nos activités ont toujours concerné aussi bien les parents que les élèves, aussi bien les filles que les garçons. En fait, l’erreur qui est souvent commise par beaucoup d’organisations, c’est de travailler uniquement avec les femmes sur les questions basées sur le genre, alors que pour travailler sur cette question, il faut impliquer aussi bien les potentielles victimes que les potentiels auteurs, parce que les violences sont faites par ignorance’’, renseigne-t-elle.
Et poursuivant sur la même lancée, elle dit savoir que sa structure a réussi à briser les tabous dans un milieu encore conservateur. ‘’Nous avons résolu cette question de complexité et de tabou. La dernière formation qu’on avait organisée l’année dernière à Asndé Balla, dans la commune de Orefondé, avait concerné les chefs de village. Et c’est là que nous avons pu enrôler des chefs de village comme ambassadeurs de la cause contre les mutilations génitales féminines. Nous avions eu une discussion franche avec des chefs de village et d’anciennes exciseuses, ce qui était un sujet tabou sur lequel les gens ne se prononçaient jamais. Pourtant, dans la même salle, il y avait des enfants, de petits enfants, des grands-parents. Tout le monde était dans la même salle pour parler du même sujet de l’excision’’, ajoute-t-elle.
Cette association, malgré de maigres moyens, a réussi des prouesses majuscules, notamment dans la libération de la parole auprès des victimes et survivantes de violences basées sur le genre. La problématique de la prise en charge reste accentuée par le manque de structures adéquates dans la région de Matam.
‘’Au niveau de Matam, nous n’avons pas de centre pour accueillir ces personnes (NDLR : Les victimes). Nous sommes toujours obligés d’envoyer la victime à Dakar pour une prise en charge holistique’’, regrette-t-elle.
DJIBRIL BA