Publié le 1 Dec 2014 - 12:57
MICHAELLE JEAN, NOUVELLE SECRETAIRE GENERALE DE L’OIF

Une citoyenne du monde

 

Michaelle Jean a été élue hier nouvelle secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), en remplacement du Sénégalais Abdou Diouf. De ses origines haïtiennes à sa terre d’accueil le Canada, le fil de sa vie a été de ‘’servir, contribuer, rassembler’’.

 

EnQuête l’avait annoncé, cela s’est confirmé. L’ancien gouverneur du Canada, Michaëlle Jean a été élue à la tête de la Francophonie. A travers son élection, c’est aussi le continent africain qui est honoré. ‘’Ma vie est intimement liée au Sud et au Nord’’, dit-elle avec fierté. Née le 6 septembre 1957 à Port-au-Prince, en Haïti, cette dame et sa famille ont connu les affres du régime autoritaire de François Duvalier ‘’papa doc’’, installé la même année.

C’est avec émotion qu’elle décrit les années passées avec sa famille sous ce régime qui a poussé la barbarie à des sommets non encore portés au grand jour : ‘’le pays est barbelé de pied en cap par la funeste milice armée des «macoutes». Je me souviens du silence de plomb, des exécutions publiques, des disparitions, des arrestations arbitraires, du visage horriblement tuméfié de mon père lorsqu’ils l’ont relâché après l’avoir torturé, ses vêtements souillés de sang, et celui d’un compagnon de cellule, mort dans ses bras’’. Devant l’immensité de l’horreur, il fallait partir vers d’autres horizons pour échapper à la furie d’un dictateur devenu fou. ‘’Ma famille, comme des milliers d’autres, sera forcée de fuir’’, raconte-t-elle.

Point de chute, terre promise, terre d’accueil, le Canada. Ce pays leur accordera ‘’l’asile, la sécurité, la possibilité’’ de se refaire une vie dans une province, le Québec, où le français, leur langue de pratique, est celle de la grande majorité de la population. C’est le début de la reconstruction : ‘’Mes parents, enseignants tous les deux, pourront y travailler, donner le meilleur d’eux-mêmes. Plus encore, le Canada nous offre la citoyenneté pleine et entière : des droits, des libertés et des responsabilités que nous assumerons avec reconnaissance, fierté et dignité’’. Elle fait des études en lettres et littérature comparée à l’Université de Montréal. Puis devient plus tard enseignante en langue et littérature italiennes dans la même université.

Combat pour les droits des femmes

Mais l’enseignante ne tient pas, le militantisme, surtout au sein du mouvement féministe, vient souvent prendre le dessus sur toutes ses activités. Elle déclare : ‘’Pendant dix ans, je travaillerai à la reconnaissance de la situation et des besoins de milliers de femmes victimes de violence conjugale et ceux de leurs enfants. J’ai ainsi contribué à la création d’un vaste réseau de centaines de refuges, de ressources et de services d’urgence pour ces femmes. Ce réseau s’étendra sur tout le territoire québécois et dans d’autres provinces canadiennes’’.

Michaelle Jean de poursuivre : ‘’Le combat pour les droits des femmes a été pour moi une formidable école, l’occasion d’un vaste état des lieux des mentalités, de nos conditionnements, de nos valeurs, de nos politiques, des lacunes au sein de nos institutions et de notre société et des forces citoyennes à rassembler pour sensibiliser, éduquer et impulser le changement social’’. Ce n’est qu’en 1986, lorsque Jean-Claude Duvalier (baby doc), héritier de la présidence autoproclamée à vie par son père, est chassé du pouvoir sous une forte pression populaire, qu’elle rentre en Haïti.

La journaliste engagée

De retour dans son pays d’origine, elle retrouve un pays libéré où tous les espoirs sont de nouveau permis. Elle raconte cette expérience : ‘’Je constate, j’écoute, j’écris plusieurs articles pour témoigner de tout ce bouleversement. J’y reviens encore en 1987, cette fois avec la cinéaste canadienne d’origine égyptienne Tahani Rached et une équipe de l’Office national du film du Canada pour participer à un documentaire sur les premières élections libres à se tenir dans le pays depuis 1957. C’est de nouveau le cauchemar, la violence aveugle des militaires duvaliéristes, un atroce carnage’’.

Cette expérience bouleversante la convainc de la force d’un journalisme qui raconte et qui s’exerce comme une responsabilité citoyenne. Très peu de temps après, elle entre à la télévision publique canadienne de langue française, la Société Radio-Canada. Elle devient ainsi la première journaliste de race noire du secteur de l’information. Naturellement sa présence sur le petit écran va frapper les esprits. Mais ses vœux sont en train de se réaliser : ‘’J’ai conscience d’ouvrir une voie et c’est ce que je souhaite : que la télévision fasse place à la diversité pour une société plus inclusive’’.

Quelques années plus tard, le réseau de langue anglaise de la télévision publique, CBC, lui confie également l’animation de deux émissions hebdomadaires consacrées à la diffusion de films documentaires canadiens et internationaux. Sur les ondes de TV5, elle anime plusieurs magazines d’information traitant de l’actualité des pays de la Francophonie et plus particulièrement du continent africain.

Elle se marie avec un Français et scelle un ‘’lien de cœur’’ avec la France

Entre-temps, elle rencontre celui qui devient son mari : le cinéaste, essayiste et philosophe français, Jean-Daniel Lafond. Ce mariage lui permet de sceller un ‘’lien de cœur’’ avec la France. ‘’Il m’offre aussi de partager son espace de liberté et de création. Je participe ainsi à plusieurs de ses films documentaires engagés : La manière nègre ou Aimé Césaire, chemin faisant; Tropique Nord; Haïti dans tous nos rêves et L’heure de Cuba, tous primés au Canada et sur la scène internationale’’, explique l’actuelle secrétaire générale de l’OIF.

Dites Mme le Gouverneur !

En 2005, précisément le 27 septembre, sa vie bascule. Elle se retrouve 27e gouverneur général et commandante en chef du Canada, la troisième femme seulement à se voir confier cette responsabilité. Dans la constitution canadienne, le gouverneur général représente la Couronne, la plus haute autorité, et assume de facto, hors de toute allégeance partisane, les responsabilités de chef d’État. Un signal fort, pour le Canada et pour le monde. Une femme de descendance africaine, arrivée au Canada avec sa famille en situation de réfugiés politiques, se voit appeler à exercer une aussi haute fonction. Très vite, elle prend sa résolution : ‘’Je m’engage à faire de cette fonction un espace de résonance où les voix des citoyennes et des citoyens seront entendues, un lieu rassembleur et d’action.

«Briser les solitudes» est la devise que j’ai choisie pour dire ma volonté d’unir les forces du pays, d’y établir des ponts entre les provinces et les territoires, de montrer qu’il est possible de faire tomber certaines barrières, de lever le voile sur les réalités qui isolent et qui divisent, de porter une attention toute particulière aux actions citoyennes, de valoriser l’apport essentiel des femmes et des jeunes’’. Son plaidoyer est celui d’une gouvernance inclusive de toutes les forces vives de la société canadienne et dont on ne peut se passer dans une perspective de développement humain et durable. “J’ai su forger des liens solides et cultiver la confiance. Je crois fermement à une diplomatie politique, culturelle et à échelle humaine’’, dixit Michaelle Jean.

Le drame Haïtien de 2011, fouette sa fibre humanitaire

C’est en fin octobre 2010 que son mandat prend fin. Clin d’œil de l’histoire, cette même année enregistre le terrible séisme qui va dévaster et profondément endeuiller son pays natal. ‘’Parmi les 300 000 personnes à périr sous les décombres, j’ai pleuré aussi nombre de proches et d’amis’’, confie-t-elle. Mais Michaelle Jean n’a pas fait que pleurer. Elle a aussi agi : ‘’J’ai aidé à mobiliser des secours et, en qualité de commandante en chef des forces armées canadiennes, j’ai soutenu le déploiement de nos troupes pour une assistance immédiate dans les régions les plus touchées par le tremblement de terre. Mes missions sur le terrain m'ont permis de mesurer l’ampleur du désastre’’. Elle accepte avec plaisir l’appel d’Irina Bokova, la directrice générale de l’UNESCO, d’agir en tant qu’envoyée spéciale pour Haïti, afin de soutenir tous les efforts et les objectifs de reconstruction du gouvernement et de la population d’Haïti.

En 2011, elle devient chancelière de l’Université d’Ottawa, la plus grande université bilingue (français et anglais) dans le monde et qui devient aussi partenaire de sa mission pour l’UNESCO en Haïti. A ce titre, elle soutient et amorce des ententes de partenariat dans le cadre d’un programme spécifiquement destiné au rehaussement de la formation, de la professionnalisation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique dans les pays de la Francophonie. Pour couronner sa vie de militante, elle met sur pied, avec son mari, la Fondation Michaëlle Jean qui est entièrement consacrée aux jeunes les plus vulnérables au Canada et au soutien de projets qui leur permettent la réinsertion sociale par le pouvoir des arts et de la culture. ‘’Servir, contribuer, rassembler’’, tel est le fil de sa vie et c’est tout sauf incompatible avec la philosophie de la francophonie.

AMADOU NDIAYE

 

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