“Ces produits sont généralement introduits de manière frauduleuse”
Commissaire en service à la Division de la consommation au ministère du Commerce, Meissa Dièye revient sur les enjeux liés à l'importation et à la commercialisation des produits et compléments alimentaires au Sénégal.
Pouvez-vous revenir sur les conditions pour introduire certains produits comme les médicaments et les compléments alimentaires dans le pays ainsi que les mécanismes de contrôle mis en place par l’État ?
Il ne faudrait pas parler de médicaments, car bien que nous ayons compétence dans ce domaine et puissions mener des actions à ce sujet, la mise à la consommation est gérée par l’Agence sénégalaise de réglementation pharmaceutique (ARP). Nous sommes plus habilités pour les produits et les compléments alimentaires en ce qui concerne leur mise sur le marché. L'introduction des compléments alimentaires et des produits alimentaires est soumise à une autorisation de la Division de la consommation. Dans le cadre de la protection de la santé des populations, nous menons des missions de contrôle, de vérification et de prélèvements d’échantillons aux fins d’analyses en laboratoire. L’importateur de la marchandise doit d’abord remplir un formulaire mentionnant la nature du produit, accompagné de documents commerciaux, de la facture, d’un bulletin d’analyse et d'autres informations. En outre, il doit fournir des échantillons pour que nous puissions effectuer des analyses, afin de nous assurer que le produit ne présente aucun danger à l’utilisation. Il est également nécessaire que le produit soit légalement vendu dans son pays d’origine. Si les résultats d’analyse se révèlent concluants, la Dipa est délivrée, permettant ainsi de procéder aux formalités de dédouanement. Tous les produits alimentaires importés doivent obligatoirement faire l’objet d’une Dipa, qui est une déclaration d’importation de produit alimentaire permettant aux autorités de contrôler la qualité des produits.
Avez-vous déjà soumis à des analyses des produits pour une prise de poids chez les femmes et dans quel cas le produit est interdit ?
Si un produit est soumis à des analyses et montre la moindre faille, son entrée et sa vente sont totalement interdites. Dans le cadre de nos investigations quotidiennes, nous n’avons pas encore observé de produits indiquant clairement qu’ils favorisent une prise de poids. S’il en existe, ces compléments alimentaires ne sont pas passés par nos analyses. Je ne dirais pas qu'il n'y en a pas sur le marché, mais ces produits n’ont pas été soumis à des contrôles. Parfois, des personnes introduisent des compléments alimentaires généralement interdits sans les déclarer, agissant ainsi de manière frauduleuse pour échapper à un contrôle, conscientes de la mauvaise qualité de leurs produits. Généralement, ces produits proviennent de pays asiatiques. Il arrive aussi que, lorsqu’un produit a été soumis à deux ou trois analyses, le contrôle devienne moins strict, permettant à certains de changer ou d'ajouter des composants dangereux pour la santé.
Y a-t-il des contrôles et quelles sont les sanctions contre les vendeurs de produits alimentaires interdits ?
Nos agents sont quotidiennement sur le terrain. Ils entrent dans les magasins, marchés et boutiques pour confisquer tous les produits dont la vente est interdite. Pour protéger les populations, nous effectuons un contrôle des produits avant importation ainsi qu’une surveillance des ventes, y compris des produits locaux. Pour qu’un produit fabriqué localement puisse être vendu, il faut obtenir une AUT-FRA, qui est une autorisation de fabrication et de mise en vente, permettant la fabrication, la consommation et le conditionnement en vue de la vente de tous produits destinés à l’alimentation au Sénégal. Les contrevenants sont doublement sanctionnés. La loi prévoit une amende allant de 100 000 à 200 millions de francs CFA ainsi qu’un retrait de la marchandise. Dans les cas les plus graves, le propriétaire de la marchandise peut être déféré au parquet pour des poursuites judiciaires.
Que pensez-vous de la commercialisation de ces produits ?
Pour moi, pour des raisons de santé publique, la commercialisation des compléments alimentaires reste à revoir. Leur nombre sur le marché a considérablement augmenté. Il y a quelques années, nous n’en comptions qu’un nombre limité de distributeurs, mais maintenant ils sont nombreux. Ce secteur a connu un développement significatif et c’est à cause de cette croissance que l’État doit accorder une attention accrue à ce domaine.
NDÈYE KHADY DIA, SPÉCIALISTE EN NUTRITION, SANTÉ ET BIEN-ÊTRE - CABINET B-WELL "Que l'objectif soit de perdre ou de prendre du poids, il est essentiel de privilégier des approches saines"
Dans ce contexte où de nombreuses femmes cherchent à modifier leur silhouette, Ndèye Khady Dia, spécialiste en nutrition et bien-être au sein du cabinet B-Well Coaching, met en lumière les dangers de ces produits nocifs utilisés pour prendre du poids. Elle propose des alternatives saines et souligne l'importance d'une approche équilibrée. Les femmes sont souvent influencées par des idéaux de beauté véhiculés par les médias, les incitant à rechercher des solutions rapides. “L'idéalisation d'une silhouette pulpeuse, perçue comme plus attirante, et la pression sociale liée à des standards de beauté peuvent inciter à des pratiques néfastes”, confirme la nutritionniste Ndèye Khady Dia. Cette quête de conformité peut engendrer des complexes d'apparence, poussant certaines femmes vers des choix dangereux pour leur santé. De l'avis de la spécialiste, les risques associés à l'utilisation de ces produits sont alarmants. Madame Dia met en garde : “L'utilisation de ces produits peut entraîner de graves problèmes de santé tels que des déséquilibres nutritionnels, des troubles digestifs et des altérations métaboliques. À long terme, ces pratiques peuvent également conduire à des maladies comme le diabète et engendrer des risques pour la santé mentale, notamment en ce qui concerne l'image corporelle.” Alternatives saines et approche équilibrée Pour une prise de poids saine, il est crucial d’adopter une approche réfléchie et équilibrée. Ndèye Khady Dia recommande de privilégier l'éducation nutritionnelle. “Nous encourageons nos clientes à adopter une alimentation et un mode de vie sains, basés sur des produits nutritifs et naturels. Que l'objectif soit de perdre ou de prendre du poids, il est essentiel de privilégier des approches saines et durables”, a-t-elle expliqué, avant de revenir sur les conseils pratiques pour celles qui souhaitent prendre du poids. “Je recommande une alimentation variée et équilibrée, riche en aliments hypercaloriques et nutritifs, notamment en protéines. Il est également essentiel d'inclure des collations saines et de veiller à des portions adaptées. Un suivi régulier avec un professionnel de la santé est conseillé pour un soutien personnalisé”. Face à la pression sociale, il est vital de se concentrer sur la santé globale. La nutritionniste insiste sur l'importance de mettre son bien-être en priorité. “En adoptant une alimentation saine et en pratiquant régulièrement une activité physique, les femmes peuvent se forger le corps et l'esprit dont elles rêvent”, assure-t-elle. Afin de valoriser l'estime de soi dans ce contexte, elle souligne l'importance de cultiver sa beauté intérieure : “Chaque personne est unique et il est important de cultiver cette originalité plutôt que de chercher à ressembler à quelqu'un d'autre. L'écoute de son corps et l'adoption de modes de vie sains sont des éléments clés pour atteindre des objectifs de poids de manière durable.” |
Fatou Bintou Cissé Fall (Stagiaire)