Irrégularités dans l’attribution du marché de 615 véhicules
Dans l’affaire des 615 véhicules attribués à la société TSE, l’Etat du Sénégal affirme dans plusieurs de ses correspondances que le marché a fait l’objet d’un appel d’offre, que la commission compétente s’est réunie pour ouvrir et pour évaluer les offres et que la DCMP a donné son avis favorable.
Pour rappel, en matière de marché publics, ces trois seules obligations ne suffisent pas à garantir la transparence des marchés. Nous en avons pour preuve, qu’il est arrivé que plus d’une fois des appels d’offres aient satisfait à ces exigences avant l’attribution du marché soit cassée par le Comité de Règlement des Différends de l’ARMP.
Ce n’est pas parce qu’un appel d’offre est lancé que la transparence est garantie. En effet, il y a des dossiers d’appel d’offre dans lesquels l’autorité contractante introduit une ou plusieurs clauses discriminatoires. C’est le cas du marché pour l’acquisition des véhicules des députés lancé par la Direction du Matériel et du Transit Administratif du Sénégal (DMTA).
Ce marché des 615 véhicules attribué provisoirement à TSE risque de faire perdre au contribuable sénégalais 300 millions de FCFA sur le lot numéro 1 (215 véhicules) pour simplement un catalogue vérifiable et consultable sur le site du constructeur. Une demande d’authentification par le chef de Service de l’Administration Générale et de l’Equipement du MATCL au constructeur pour authentifier le catalogue remis par CCBM Industries aurait suffi pour vérifier les informations contenues sur les dépliants fournis par CCBM Industries.
Le lot numéro 2 (400 véhicules) a été attribué également à la société TSE qui n’a pas de Service Après Vente (SAV). Or, L’histoire récente nous a enseigné que le SAV des véhicules de marque Fotton et Land Mark, vendus au Sénégal par cette même société, pour le compte des présidents de Communautés Rurales, était assuré par CCBM Industries.
L’appel d’offre objet de notre intérêt appelle une question. Pourquoi le Ministère de l’Aménagement du Territoire et des Collectivités locales a accepté cette fois-ci les véhicules de marque chinoise tant décriés ? En effet, les véhicules proposés par TSE sont de marque chinoise (LAND SCAPE). Est-ce à dire que les critères techniques notamment « la garde au sol » ou « le cylindré » varient en fonction du concurrent et non en fonction de la conformité au cahier des charges ?
En réalité si cette procédure aboutit, l’Etat du Sénégal fera perdre aux contribuables sénégalais un montant de 700 millions de FCFA pour les deux (2) lots pour des véhicules dont le SAV n’est pas garanti. Vivrons-nous encore la situation induite par le cas des tracteurs que le Président Wade avait achetés à TSE et qui se sont révélés inadaptés au sol du Sénégal dans sa partie Nord ?
C’est là, à n’en pas douter une rupture au principe d’économie qui plus est dans un contexte de rationalisation budgétaire et de recherche de ressources financières complémentaires pour le financement du PSE.
Une autre irrégularité a été notée quand, par lettre n° 00000613 du 2 juillet 2014, signée par le chef de service de l’Administration Générale et de l’Equipement (SAGE) du Ministère de l’Aménagement du Territoire et des Collectivités locales (MATCL) adressée au Directeur général pour restituer à CCBM Industrie sa garantie de soumission, le jour même de la publication de l’avis d’attribution provisoire dans le journal « le Soleil ».
Le SAGE du MATCL oublie-t-il que les articles 88 et suivants du code des marchés publics donnent droit au candidat évincé lors d’une procédure de passation des marchés de faire un recours devant le Comité de Règlement des Différends de l’ARMP ? Ces dispositions sont d’ailleurs rappelées par la clause 44 des instructions au Candidat des Dossier type fourniture. En conduisant la procédure de passation, le SAGE ignore-t-il que l’article 83.3 du Code des marchés publics ne peut s’opérer formellement qu’en l’absence de recours ?
Que ferait le MATCL si l’ARMP remettait en cause la procédure alors que les garanties de soumission sont restituées ? D’où lui vient cette assurance quand même troublante, inexplicable voir incompréhensible ? Quelle serait cependant l’utilité d’un recours devant le CRD ?
A en croire la presse, la société CCBM Industrie a introduit un recours devant le Comité de Règlement des Différends de l’ARMP. Comment peut-on restituer une garantie de soumission pour une procédure non encore épuisée ? Pourquoi le Ministère de l’Aménagement du Territoire et des Collectivité locales s’empresse-t-il de vouloir en finir avec la procédure ?
Ces pratiques récurrentes de faux appels d’offre, surtout dans le secteur de l’automobile, interpellent tous les concessionnaires à se mobiliser pour assainir leur secteur pour le développement d’une économie sénégalaise en panne de croissance. La concurrence doit se jouer sainement, et de façon émulative entre les candidats conformément aux principes fondamentaux des marchés publics notamment la transparence et l’égalité de traitement des candidats devant la commande publique.
Les principes qui avaient conduit à dénoncer l’attribution du marché de véhicules Hover sous le régime précédent à CCBM Industries sont les mêmes qui nous amènent aujourd’hui à dénoncer ces pratiques devenues courantes dans le secteur automobile même si, cette fois-ci, l’attributaire n’est pas CCBM Industries. Il s’agit pour nous d’un moyen d’encourager tous les concessionnaires à entrer dans le jeu de concurrence et de la transparence
Birahime SECK,
Membre du Conseil d’administration du Forum Civil