Les prix s’envolent, la spéculation commence à s’installer, et les mesures prises semblent ne pas convaincre

Les prix de l’oignon et de la pomme de terre grimpent à vue d’œil, alors même que la saison est favorable et que l’État a fait sa part. Appui à la production, subventions, accompagnement technique, efforts logistiques tout était réuni pour que ces produits restent accessibles. Pourtant, sur les marchés jusqu'à présent, les consommateurs paient cher trop cher pour des denrées censées être disponibles en abondance.
Le problème est bien identifié et connu : la spéculation. Des commerçants achètent en grande quantité auprès des producteurs, stockent les marchandises à l’abri des regards, puis attendent que le marché se tende pour ressortir les produits à des prix qu’ils imposent. C’est une stratégie calculée, répétée chaque année, que tout le monde connaît mais qu’on continue de minimiser tant qu’elle n’éclate pas au grand jour.
Et comme toujours, les alertes lancées au début sont balayées d’un revers de main, qualifiées d’exagérées ou de marginales. On nous dira que ce sont "quelques cas isolés", que la situation est "sous contrôle". Mais on le sait, ces pratiques finissent toujours par se généraliser, parce qu’elles sont vite relayées, copiées, amplifiées. Et quand cela arrive, il est déjà trop tard. Les prix explosent, les marchés paniquent, et les familles doivent faire des choix impossibles.
Face à cette situation, l’Autorité de Régulation du Marché (ARM) a annoncé la suspension de la commercialisation chez certains agrobusiness. Une décision qui pourrait sembler ferme, mais qui, en réalité, rate sa cible. Car ce ne sont pas forcément ces acteurs formels qui organisent la spéculation. Bien au contraire, ce sont souvent des réseaux informels, invisibles, qui mènent le jeu depuis les coulisses, à l’abri de tout contrôle.
En frappant les structures visibles, on affaiblit les filières organisées, au lieu de tarir les vraies sources de manipulation. Pendant ce temps, les spéculateurs dans l’ombre continuent de fixer leurs règles, et les prix poursuivent leur ascension.
Résultat, l’oignon devient inabordable dans certains quartiers, la pomme de terre disparaît des assiettes. Et ce, malgré une production locale soutenue, malgré les efforts publics. Le paradoxe est flagrant. Ceux qui produisent n’en tirent pas toujours profit, ceux qui consomment paient le prix fort, et ceux qui spéculent s’enrichissent en silence.
Il est urgent de revoir notre manière de réguler. D’agir en amont, dès les premiers signaux. De ne pas attendre que la crise s’installe pour réagir. De cibler les vrais circuits de stockage spéculatif, d’exiger de la transparence, de protéger à la fois les producteurs ( qui souvent sont indéfendables) et le consommateur. Libérer les agrobusiness et vous verrez tout de suite que le prix va revenir à la normale.
Par Souleymane Jules SÈNE