Les réalisatrices sur ‘’grand écran’’
L’Association sénégalaise de la critique cinématographique a organisé, samedi dernier à Dakar, une séance de projections de deux courts métrages a l’occasion du mois du cinéma féminin. C’était au Raw Material Company. Le premier est réalisé par Ndèye Marame Guèye ‘’Une Africaine sur scène’’. Le second est celui de Fatou Touré intitulé ‘’La promesse’’.
Les femmes sont souvent sur orbite mais en ce mois de mars, elles le sont constamment. C’est pour cela que l’Association sénégalaise de la critique cinématographique a tenu à célébrer les réalisatrices. Elle le fait d’ailleurs chaque année à la même période, dans le cadre du mois du cinéma au féminin. Des projections de films, suivis de débat avec les réalisatrices, sont organisées dans ce cadre ainsi que des conférences. Avec un peu de retard cette année à cause du Festival panafricain de cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), la première séance s’est tenue samedi dernier au Raw Material Company.
A l’honneur, pour l’ouverture, Ndèye Marame Guèye et Fatou Touré Ndiaye. Deux femmes qui ont en commun une passion pour le cinéma et du talent derrière la caméra. Elles sont également toutes deux jeunes. En effet, la première citée ‘’est une jeune cinéaste de 25 ans. Elle poursuit ses études à l’université Gaston Berger de Saint-Louis et à la FEMIS (Ecole supérieure des métiers de l’image et du son). Actuellement, elle travaille à soutenir son mémoire de Master II en cinéma et audiovisuel. Elle a réalisé son deuxième court métrage ‘’Une Africaine sur Seine’’ en juillet 2015 en France’’. C’est ce film de 11 minutes qui a été projeté samedi. La jeune réalisatrice y rend hommage à Paulin Soumanou Vieyra qui, en 1955, réalisait ‘’Afrique sur Seine’’.
‘’60 ans après, la petite fille à son grand-père se retrouve à Paris dans la même école que lui. Et en se promenant au bord de la Seine, elle se rappelle l’œuvre du grand-père et les situations contraignantes dans lesquelles elle a été réalisée. Caméra à la main, elle retourne sur les lieux qui constituaient le décor de l’ancien film pour voir si l’Afrique que Soumanou avait trouvée sur la Seine en 1955 est la même que celle qui s’y meut en 2015’’. Ainsi, pourrait être résumée sa création. Comme elle le dit elle-même, ‘’Paulin avait peint un Paris ressemblant à un centre d’espoir et ce n’est pas le Paris que moi j’ai trouvé personnellement. Donc, il y avait un paradoxe.
Même si je l’aime bien, il était de mon devoir de faire la différence après constat’’, confie Ndèye Marame Guèye. En somme, elle veut dire aux jeunes que Paris n’est qu’un mythe, un mirage. Pour elle, on peut aller partout dans le monde mais il faut penser à un retour à la source, croire en sa personne et en l’Afrique. Mais ce n’est pas que cela qui l’a poussée à faire ce court-métrage. ‘’Paulin Soumanou Vieyra m’inspire beaucoup, dans le cinéma particulièrement, de par sa poésie, ses images, sa voix. Dans mes films, j’aime bien l’aspect poétique, symbolique et métaphorique ; voir des titres, des images, des voix’’, explique la réalisatrice. Un aspect qui d’ailleurs se retrouve dans son œuvre, accompagnée d’un texte très poétique avec une présence prépondérante de l’eau qui contribue à mieux bercer le cinéphile.
Après le documentaire, place à la fiction qui a été 1er prix au Festival Clap Ivoire 2016 et a eu la meilleure interprétation féminine. Aussi, ce film a-t-il été sélectionné lors du Fespaco 2017. L’histoire de Sophie, une dame de 35 ans, sage-femme convertie en femme au foyer, y est racontée. Elle a tout abandonné pour essayer de construire un bel univers autour de son mari Babacar et de ses deux enfants. Un jour peu ordinaire, après une journée de travail, Babacar annonce à Sophie qu’il a épousé une seconde femme. Sophie subit un choc émotionnel et s’enferme dans un mutisme avant de se décider à prendre sa vie en main. ‘’Ce film, je l’ai fait parce que je suis une femme et je veux raconter nos histoires à nous, vécues par les femmes et racontées par une femme. La question de la polygamie est un fait de société rarement débattue. On en parle rarement’’, explique Fatou Touré Ndiaye.
Femme et cinéma ne font pas toujours bon ménage Etre femme et réalisatrice est une chose peu aisée. Du moins, de l’avis de celles qui sont dans le milieu du septième art. Un métier qu’on conçoit, avec des préjugés sociaux. Même si aujourd’hui, beaucoup de dames le pratiquent. C’est un choix qu’elles assument. Pour Ndèye Marame Guèye, être femme et faire du cinéma peut être ‘’de la force mais en même temps de la faiblesse aussi’’. ‘’Forte parce qu’ici au Sénégal, voire en Afrique, il n’y a pas beaucoup de femmes qui font du cinéma. Celles qui essayent de le faire ont des contraintes de foyer, de famille, un souci d’être mal vu, car certains le voient comme un métier d’homme. C’est là où se trouvent les faiblesses’’. Mais cette faiblesse, ajoute-t-elle, ‘’c’est à nous de la transformer pour en faire une force et dire que c’est un métier comme les autres. Et c’est très passionnant et nous femmes, nous avons une sensibilité qui est là et qui est avérée. Donc, cette sensibilité, nous pouvons la transformer en idée au cinéma’’. Par contre, selon Fatou Touré Ndiaye, en tant que femme, elle se sent très à l’aise dans le milieu. ‘’Parce que tout simplement je me dis que c’est un travail. Il est vrai que c’est un peu difficile, car on n’a pas des horaires fixes. On est obligé parfois de laisser nos familles pendant des mois pour un tournage’’, fait-elle savoir. Mais elle reste convaincue que tout peut être facile quand on a un époux compréhensif. Reste à savoir s’il le sera toujours. |
HABIBATOU WAGNE