Le chef du Hamas Ismaïl Haniyeh tué à Téhéran, l'Iran accuse Israël d'une attaque «aérienne»
Les Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique iranienne, ont affirmé mercredi 31 juillet que le chef politique du mouvement islamiste palestinien Hamas, Ismaïl Haniyeh, avait été tué à Téhéran avec l'un de ses gardes du corps. Selon le mouvement islamiste, il aurait été assassiné par une frappe israélienne.
Le mouvement islamiste palestinien Hamas a affirmé ce mercredi 31 juillet qu'une frappe israélienne à Téhéran avait tué son chef Ismaïl Haniyeh. « (Notre) frère, le dirigeant, le mujahid Ismaïl Haniyeh, le chef du mouvement, est mort dans un raid sioniste contre sa résidence à Téhéran après sa participation à l'investiture du nouveau président » iranien, a-t-il écrit, dans un communiqué. « C’est un acte lâche qui ne restera pas sans réponse », a déclaré Moussa Abou Marzouk, un membre du bureau politique du Hamas. L'Iran a décrété trois jours de deuil national.
Les Gardiens de la Révolution ont annoncé pour leur part que « la résidence d'Ismaïl Haniyeh, chef du bureau politique de la résistance islamique du Hamas, a été touchée à Téhéran, et (...) lui et l'un de ses gardes du corps sont morts en martyrs », selon un communiqué sur leur site d'information Sepah. Selon plusieurs médias iraniens, Haniyeh a « été tué par un projectile aérien », aux alentours de 2 heures du matin, heure locale.
Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a condamné le « lâche assassinat » du chef politique du Hamas et appelé les Palestiniens « à s'unir, à faire preuve de patience et de fermeté face à l'occupation israélienne ». « Le président de l'État de Palestine, Mahmoud Abbas, a fermement condamné l'assassinat du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, qu'il considère comme un acte lâche et une grave escalade », a déclaré le bureau de Mahmoud Abbas, dans un communiqué.
L'Iran « va faire regretter les occupants terroristes pour cet acte lâche contre l'intégrité territoriale de la République islamique d'Iran », a également réagit le président iranien, en ajoutant que « les liens entre l'Iran et la Palestine et la voie de la résistance (face à Israël) seront renforcés ». De son côté, le guide suprême iranien, Ali Khamenei, a affirmé que l'Iran avait le devoir de venger le sang versé d'Ismaïl Haniyeh, rapporte notre correspondant à Téhéran Siavosh Ghazi.
Le Premier ministre du Qatar, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani, s'est interrogé ce mercredi sur l'opportunité de poursuivre la médiation entre Israël et le Hamas après cet assassinat. « Les assassinats politiques et le fait que des civils continuent d'être pris pour cible à Gaza (...) nous amènent à nous demander comment une médiation peut réussir lorsqu'une partie assassine le négociateur de l'autre partie », a écrit cheikh Mohammed sur X. « La paix a besoin de partenaires sérieux », a-t-il dit, alors que les négociations sur une trêve à Gaza piétinent.
« Conséquences énormes pour la région »
Les Gardiens de la Révolution ont publié un communiqué pour affirmer que les forces de la résistance et en particulier, l'Iran, donneront une réponse dure et douloureuse au régime terroriste israélien. On peut donc s'attendre à une réponse d'envergure de l'Iran et des autres forces de la résistance qui comprennent le Hezbollah libanais aussi au Yémen, le Hamas, le Jihad islamique ou encore les groupes chiites irakiens.
Après la frappe aérienne qui a tué son chef Ismaïl Haniyeh, les Brigades Ezzedine al-Qassam, la branche armée du Hamas, a déclaré que l'« assassinat » du chef politique du mouvement islamiste palestinien aura des « conséquences énormes pour la région ».
« Cet assassinat », imputé à Israël, « fait passer la guerre à un nouveau niveau et aura d'énormes conséquences pour toute la région », ont déclaré dans un communiqué les Brigades Ezzedine al-Qassam. Certains de ses membres sont engagés dans des combats avec l'armée israélienne dans la bande de Gaza, où Israël est en guerre contre le Hamas depuis le 7 octobre.
« L'occupation (d'Israël, NDLR) est responsable de cet attentat et les États-Unis en portent également la responsabilité », a également déclaré Taher al-Nounou, un haut responsable du Hamas. L'Iran avait déjà frappé Israël en lançant près de 300 drones et missiles contre contre Israël lorsqu'un consulat iranien à Damas avait été frappé par une attaque israélienne. Il faut donc s'attendre à une réaction très dure de l'Iran, dans les prochaines heures ou dans les prochains jours, estime notre correspondant à Téhéran.
Israël voulait frapper « la tête du serpent »
Les autorités israéliennes n'ont pas réagi, mais le bureau de presse du gouvernement a publié sur ces réseaux sociaux une photo d'Ismaïl Haniyeh, barrée d'une mention « éliminé ».
Face aux nombreux fronts qui se sont ouverts dans le conflit, Israël avait déjà indiqué vouloir frapper « la tête du serpent », rapporte notre correspondant à Jérusalem, Michel Paul. Par ce terme, l'État hébreu faisait allusion aux principales capitales de l'Axe de la résistance. Ce dernier groupe comprend l'Iran, la Syrie, le Hamas, le Jihad islamique, le Hezbollah libanais ou encore les Houthis au Yémen.
Ismaïl Haniyeh - tout comme les principaux responsables de l'Axe de la résistance - s'était rendu à Téhéran pour assister mardi à la prestation de serment du nouveau président iranien Massoud Pezeshkian devant le Parlement. L'Iran, allié du Hamas, ne reconnaît pas l'État israélien et a fait du soutien à la cause palestinienne un élément central de sa politique étrangère depuis la Révolution islamique de 1979.
Lors de son discours d'investiture mardi, Massoud Pezeshkian a dénoncé les « crimes » d'Israël dans le territoire palestinien, tandis que des Iraniens présents à la cérémonie scandaient « Mort à Israël ! Mort à l'Amérique ! ».
Les mouvements palestiniens en Cisjordanie occupée ont appelé à une grève générale dans les territoires palestiniens : « Les mouvements islamistes de Palestine annoncent une grève générale et des marches de colère (pour protester) contre l'assassinat du grand leader national Ismaïl Haniyeh, qui s'inscrit dans le cadre du terrorisme de l'État sioniste (Israël, NDLR) et de sa guerre d'extermination », indiquent les mouvements palestiniens dans une déclaration commune.
Ismaïl Haniyeh, figure emblématique du Hamas
Le chef politique du Hamas, mort à l'âge de 61 ans, est né dans le camp palestinien d’al-Shati, dans la bande de Gaza. Il devient rapidement un militant politique après avoir étudié la littérature arabe à l’université islamique de Gaza. Dès la création du Hamas, en 1987, après la première antifada, il rejoint ce nouveau mouvement islamiste et nationaliste. Arrêté et emprisonné en 1989, Ismaïl Haniyeh est expulsé au Liban en 1992.
De retour dans la bande de Gaza un an plus tard, il est nommé secrétaire du chef spirituel du Hamas, Ahmed Yassine, assassiné en 2004 par l'armée israélienne. C’est alors qu’il devient une personnalité incontournable et sous sa houlette, le Hamas change de cap et s’intègre à la vie politique. Résultat : le mouvement remporte les élections législatives de 2006. Ismaïl Haniyeh est nommé Premier ministre de l’Autorité palestinienne, un poste qu’il va occuper jusqu’en 2014.
Dirigeant de l’ombre de la bande de Gaza jusqu’en 2017, il devient deux ans plus tard le chef du bureau politique du Hamas. Considéré comme l'un des leaders les plus pragmatiques du mouvement, il était très populaire chez les Palestiniens.
Exilé volontairement au Qatar depuis 2019, Ismaïl Haniyeh a vu depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023 de nombreux membres de sa famille tués lors des opérations menées par l’armée israélienne, qui considère le Hamas comme une organisation terroriste. En avril, trois de ses fils, quatre de ses petits-enfants avaient péri dans une frappe israélienne sur Gaza, rappelle notre correspondante à Jérusalem, Alice Froussard.
Le 25 juin, c’est une autre frappe de l’armée israélienne sur un camp de réfugiés de Gazaouis qui avait tué dix membres de sa famille. Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunira ce mercredi après-midi en urgence à la demande de l'Iran.
RFI.FR