Le public appelé à jouer sa partition
L’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) a organisé mercredi dernier une rencontre d’échanges sur les politiques muséales. Le sujet était notamment axé sur le modèle à adopter au 21e siècle.
‘’Quels musées pour le 21e siècle ?’’ C’est la question posée par l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) avant-hier à d’émérites professeurs d’universités et des cadres du ministère de la Culture et de la Communication. C’était au cours d’une journée d’études que le musée Theodore Monod de Dakar a reçue. Différentes propositions ont été émises. Toutes concordent toutefois vers une constante : il faut le concevoir d’une manière à attirer le plus grand nombre de visiteurs. Une ritournelle, serait-on tenté de dire. Car presque partout, le même problème se pose et des solutions dans ce sens sont en train d’être recherchées. En vain pour le moment.
‘’Il appartient aux professionnels des musées en rapport avec les différents publics de trouver dans quelles mesures on peut créer un déclic’’, pense l’historien et directeur de l’Ifan Abdoulaye Touré. ‘’Un musée ne travaille pas pour un seul type de public. Il y a le grand public pour qui il faut créer une situation d’émerveillement. Il y a les touristes pour lesquels il faut satisfaire les curiosités et en même temps assurer une imprégnation culturelle. Il y a surtout le public scolaire qui est un public exigeant. Ce public a des programmes en philo, en littérature, en histoire. Si le musée dans ses expositions ignore totalement ce qui se fait à l’école, il y a de fortes chances que l’école ne vienne pas visiter le musée’’, soutient M. Touré. Avant de poursuivre : ‘’Il faudra mettre en synergie tout cela pour arriver à une situation où les élèves trouveront un intérêt à aller au musée ainsi que le grand public et les touristes. C’est comme cela qu’il y aura d’abord un réflexe de visite et puis une culture de visite des musées.’’
Le directeur du patrimoine Abdou Aziz Guissé est du même avis que lui. ‘’Il faut que les musées soient plus attractifs, plus centrés sur les réalités actuelles des populations’’, déclare-t-il. ‘’Il y aura toujours l’aspect muséographique classique mais à côté, s’ouvrir avec des innovations, un autre produit orienté vers ces jeunes. Pour que le musée leur parle, il faut qu’on trouve le langage des jeunes’’, ajoute-t-il.
Par ailleurs, même s’ils font repenser le musée sous une autre forme, on ne doit faire fi de ce qu’il était et est jusque-là. ‘’Le musée du 21ème siècle, on ne peut l’imaginer en ignorant ceux d’hier et d’aujourd’hui. Or, nous avons remarqué que dans les institutions muséales traditionnelles, tout était statique. Les objets étaient présentés mais sans aucun rapport avec leur environnement social, culturel et physique’’, décortique M. Touré.
Il est d’avis que ‘’le musée du 21ème siècle gagnerait à ce que la pièce qui est exposée soit un prétexte pour faire une incursion dans la vie économique, sociale, culturelle des milieux d’origine. Seulement, ce n’est pas tout le monde qui peut faire cela. Son modèle est celui d’un musée dynamique. Et pour arriver au résultat qu’il présente ici, il faut, comme il l’a d’ailleurs lui-même souligné, des professionnels avertis. ‘’Dans le cas contraire, il est possible qu’il présente un musée dont la documentation est dépassée. C’est pourquoi j’ai dit que l’université a un rôle très important à jouer. C’est à l’université d’aider à faire les mises à jour nécessaires. Dans beaucoup de musées du Sénégal, vous trouvez une documentation qui est nettement en déphasage avec l’état actuel des connaissances dans ce domaine. Un musée doit être la vitrine pour tout le monde et un miroir pour chacun’’, avance Abdoulaye Touré. Par conséquent, ‘’le musée du futur doit aider à connaître, à se connaître, à reconnaître, à se reconnaître’’, conçoit-il.
L’écomusée
Le président du Conseil d’administration du musée des civilisations noires et ancien conservateur du musée dynamique, Ousmane Sow Huchard, estime que le musée du futur est l’écomusée. Explications : ‘’Les musées que nous souhaitons au Sénégal, pour porter cette nouvelle politique au 21e siècle, devront tourner résolument le dos à toutes les formes de léthargie pour les engager dans une nouvelle dynamique de transformation sociale, de gestion du patrimoine global et du cadre de vie, pour en faire des écomusées, de véritables instruments de développement local en mettant les citoyens au cœur de leur propre expérience, pour qu’ils en soient les acteurs, le moteur et les premiers bénéficiaires’’, défend-il.
BIGUE BOB