Publié le 6 Mar 2023 - 22:54
PALMARÈS 28e ÉDITION FESPACO

La Tunisie sur la plus haute marche

 

Au moment où des Noirs, des Africains sont persécutés en Tunisie, au Burkina Faso, l’on a décidé d’honorer ce pays à travers la belle performance d’un de ses créateurs. Youssef Chebbi s’est vu décerner samedi à Ouagadougou l’Étalon d’or de Yennenga de la 28e édition du Fespaco.

 

Clap de fin de la 28e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco). La cérémonie de clôture s’est tenue samedi dernier au Palais des sports de Ouaga 2000. À cette occasion, le nom du grand gagnant a été dévoilé. Le réalisateur tunisien Youssef Chebbi est sacré Étalon d’or de Yennenga 2023, grâce à son film d’une heure trente-deux minutes ‘’Ashkal’’. ‘’Dans un des bâtiments des Jardins de Carthage, quartier de Tunis créé par l'ancien régime, mais dont la construction a été brutalement stoppée au début de la révolution, deux flics, Fatma et Batal, découvrent un corps calciné. Alors que les chantiers reprennent peu à peu, ils commencent à se pencher sur ce cas mystérieux. Quand un incident similaire se produit, l'enquête prend un tour déconcertant’’. Tel est le synopsis de ce long métrage fiction primé.

‘’Il y a, dans ce film, une rigueur extrême qui cisèle les images et permet  au cinéaste d’aller au-delà des murs éventrés et des corps éreintés. En effet, dans des circonstances telles que celles actuelles, il y a une urgence de parler, mais les mots s’exténuent et la langue nous fait défaut. Mais avec des images aussi bien tissées que celles qui existent dans ce film, chaque fil se désintègre et on peut parler de volume de l’abîme des cendres, un travail extraordinaire’’, a dit la présidente du jury long métrage fiction, Dora Bouchoucha.

Le prix a été remis par le président de la transition au Burkina Faso, le capitaine Ibrahima Traoré.

Apolline Traoré se contente de l’argent

À Ouagadougou, beaucoup ne s’attendaient pas à ce que l’Étalon d’or de Yennenga aille à un autre réalisateur qu’Apolline Traoré. Son peuple l’a porté. Les projections de ‘’Sira’’, son œuvre en compétition dans cette 28e édition du Fespaco, sont devenues des événements. Pour une projection à 20 h 30 mn, arriver au cinéma à 18 h n’assurait pas aux cinéphiles l’accès à la salle. Ce sont les seules projections qui ont fait salle comble. Elle n’a pas eu l’or. Mais a plus qu’un lot de consolation. Elle s’est adjugé l’Étalon d’argent. Elle est tout de même contente et a remercié son peuple. C’est certain qu’elle reviendra. Persévérante, elle est à sa quatrième participation à la compétition officielle du Fespaco, mais est à son premier Étalon.

‘’Cette fois, c’est l’argent ; la prochaine sera l’or. Moi, je ne me décourage jamais. C’est bien d’avoir l’argent. C’est ma quatrième édition au Fespaco et j’ai gagné l’argent. Cela prouve que je monte dans ma carrière, que je persévère dans ce que je fais et je vais continuer à me battre’’, a-t-elle dit avec le sourire, en marge de la cérémonie de remise des prix.

‘’Je ne suis pas découragée. J’ai fait quelque chose pour le peuple. Le peuple m’attendait, m’a poussée, m’a amenée au plus haut. Je suis peut-être découragée pour lui, parce qu’on n’a pas eu ce qu’on voulait au Burkina. Après ce que j’ai vu, ce que le peuple a fait pour moi, j’avais déjà gagné (...) Que le peuple se mobilise comme il l’a fait pour moi, c’est énorme’’, s’est-elle réjouie. Elle promet de revenir avec un autre film et de gagner cette fois.

 Le Sénégal est en coproduction sur ‘’Sira’’ avec le Burkina Faso. Donc, cette distinction est également sénégalaise.

Par ailleurs, une belle production a reçu l’Étalon de bronze. La réalisatrice kenyane Angela Wanjiku Wamai, grâce à ‘’Shimoni’’, ferme le podium. ‘’Le cinéma permet d’exprimer avec pudeur la douleur contenue dans l’évocation des blessures de l’intime’’, a dit Dora Bouchoucha. Elle n’a que trop raison. Angela Wanjiku Wamai raconte l’histoire d’un enseignant sorti de prison et obligé de vivre avec son cauchemar sans y mettre les mots. La performance de son acteur n’a d’égale  qu’à l’habileté du cameraman.

Dans la catégorie long métrage fiction, il y a une section collaboration artistique avec huit prix décernés. Les prix de la Meilleure image et du Meilleur décor sont allés à ‘’Mami Wata’’ de C. J. Obasi. Le prix du Meilleur son est allé à ‘’Ashkar’’ de la Tunisie, celui de la Meilleure musique au film angolais ‘’Our lady of the Chinese Shop’’ et Nadine Khan de l’Égypte avec ‘’Abou Sadam’’ est distingué Meilleur montage. La création de la Tunisienne Erige Sehiri, ‘’Sous les figues’’, a remporté grâce aux performances de l’ensemble des jeunes filles et garçons de ce film, les prix de la Meilleure interprétation féminine et masculine. ‘’Le bleu de caftan’’ du Maroc est sacré Meilleur scénario.

L’Algérienne Leïla Chaïbi, heureuse avec le bronze

Dans la catégorie long métrage documentaire, l’Étalon de bronze est allé à l’Algérienne Leïla Chaïbi pour son documentaire ‘’Gardien du monde’’. Sur la deuxième marche du podium, est monté Rafiki Fariala de la République centrafricaine avec ‘’Nous, étudiants’’. Carlos Yuri Ceunink du Cap-Vert est rentré avec l’Étalon d’or, grâce à ‘’Omi Nobu/L’homme nouveau’’. Le film documentaire sénégalais qui était en compétition dans cette catégorie a reçu la Mention spéciale du jury. Il s’agit de ‘’L’argent, la liberté, une histoire de franc CFA’’ de Katy Léna Ndiaye. ‘’Le cimetière de la pellicule’’ a reçu également une Mention spéciale du jury. Ce film est réalisé par un Guinéen et le Fopica a soutenu ce film.

En outre, un autre film sénégalais en compétition a reçu une Mention du jury : ‘’Le mouton de Sada’’ qui était en compétition dans la catégorie Perspective.

Pour les catégories court métrage fiction, Amartei Armar du Ghana avec ‘’Tsutu’’ et Andriaminosoa Hary Joel Rakotovelo du Madagascar avec ‘’A doll’’ ont reçu respectivement les Poulains de bronze et d’argent.  Mo Harawe de la Somalie a eu droit au Poulain d’or  avec son film ‘’Will my parents come to see me’’. Pour le documentaire, Lotfi Achour de la Tunisie, avec ‘’Angle mort’’, a reçu le Poulain d’or, Beza Hailu Lemma d’Éthiopie qui a fait ‘’Katanga Nation’’, a eu le Poulain d’argent. La RDC, avec Fransix Tenda Lomba, qui a réalisé ‘’Kelasi’’, est arrivée troisième.

ÉCHOS DU FESPACO

Hommage aux forces de défense

À l’ouverture, le chorégraphe Serge Aimé Coulibaly avait distillé l’espoir avec ‘’I have a dream’’.  Pour la clôture de la 28e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), il a rendu hommage aux forces de défense du Mali, pays invité d’honneur cette année, et du Burkina Faso. ‘’Ils se sont battus pour nous’’ ; ‘’c’est grâce à eux qu’on a pu tenir cette manifestation’’, ont dit des officiels pour les remercier. Mais pas que. Cette cérémonie a été présidée par le président de la transition au Burkina Faso, le capitaine Ibrahima Traoré. Il est venu en tenue militaire au Palais des sports de Ouaga 2000, accompagné de sa garde rapprochée encagoulée et kalachnikovs bien en vue.  Ils sont restés autour de lui le temps de la cérémonie de clôture.

Les forces de défense présentes à la cérémonie ont eu droit à un standing ovation du public. Elles étaient les stars de cette clôture. D’ailleurs, l’orchestre ressuscité de la Police nationale a ouvert le spectacle en interprétant divers titres bien accueillis par le public qui a chanté avec eux. Après leur prestation,  le premier acte du spectacle de Serge Aimé Coulibaly a été le dépôt de l’Étalon d’or de Yennenga avec la Princesse Yennenga. Elle était habillée en tenue militaire. Différents artistes ont été également habillés en treillis lors de leur prestation sur scène.

ALEX MOUSSA SAWADOGO, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL

Le Fespaco en chiffres

Le délégué général du Fespaco, lors de la clôture de la 28e édition, a fait le bilan de cette dernière. Une session de la résilience qui a regroupé, selon Alex Moussa Sawadogo,  10 mille personnes accréditées, 213 professionnels du cinéma, 1 328 journalistes et 95 directeurs de festival. Cinquante pays d’Afrique, d’Amérique et d'Europe y ont pris part. Il y a eu 350 séances de projection dans les salles de cinéma et 36 hors des murs ont été organisées.

À cet effet, 1 200 films ont été inscrits pour cette édition 2023 et le comité de sélection en a choisi 170 répartis dans 12 sections. D’après M. Sawadogo, 218 millions F CFA ont été distribués pour le palmarès officiel et les prix spéciaux.

Le Fespaco, c’est aussi le Marché international du cinéma et de l’audiovisuel (Mica). Il y a eu 96 stands érigés avec une dizaine de diffuseurs et une douzaine structures de production entre autres.  Un colloque traitant du thème ‘’Cinémas d’Afrique et culture de la paix’’ s’est tenu et a enregistré 30 communications de chercheurs et de professionnels venant de 19 pays d’Europe, d’Afrique et des Amériques. Yennenga Academy a enregistré la participation de 22 jeunes dont 16 filles et six garçons.

Pour la bourse post production Yennenga, il y a huit candidats et 17 pour le Yennenga coproduction. A côté, cinq ateliers pratiques sur le patrimoine se sont tenus avec la participation de 13 pays dont neuf de l’Afrique, deux d’Europe et deux d’Amérique. À ce dernier, 57 professionnels des archives ont pris part. 

FESPACO 2024

La 29e édition se tiendra du 22 février au 1er mars

À peine  se termine la 28e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco)  que la date de la 25e est annoncée, comme cela se fait habituellement.

Ainsi, le délégué du Fespaco, Alex Moussa Sawadogo, a déclaré qu’elle se tiendra du 22 février au 1er mars 2024. On espère que d’ici là, le pays arrivera à se stabiliser. La 28e édition s’est certes tenue avec une programmation de qualité, mais il a manqué du monde comme on avait l’habitude d’en voir à cette biennale du cinéma.

PRESTATION MUSICALE

Le message tonitruant des Séparables

‘’Je veux rendre hommage aux soldats qui sont tombés pour nous’’, répète de manière saccadée Moussa Ouédraogo dit ‘’Moussa Petit Sergent’’. Ce dernier, avec Hamidou Le Doux, forme un duo qui use d’humour pour passer des messages énergiques. Invité à la clôture du Fespaco 28, le duo n’a pas mâché ses mots. ‘’Le pays de Sankara est dans l’embarras. À un moment, il faut se décider, accepter ou s’opposer. Celui qui t’entretient te tient  pour ne pas dire celui qui donne t’ordonne.

Celui qui se bat pour quelque chose, c’est pour lui la chose’’, enchaîne Hamidou Le Doux.  Petit Sergent prend la balle au bond et interpelle directement le capitaine Touré : ‘’Monsieur le Président, avez-vous passé un bon Fespaco ? En tout cas, nous comptons sur vous pour révolutionner le cinéma burkinabé, parce que jusque-là, l’acteur burkinabé a des problèmes d’argent. (...) On a un festival de cinéma où ce sont les danseurs et les musiciens qui sont mis à l’honneur’’, dit Moussa Petit Général sur un ton d’humour. ‘’Notre cinéma est à genoux  et c’est dû à un manque de moyens. On dit qu'en Afrique on ne peut pas organiser des élections et les perdre. Nous, nous organisons le Fespaco, mais l’Étalon de Yennenga est au galop en dehors de nos frontières. Il est temps que l’Étalon revienne à la maison’’, a-t-il ajouté.

Son duettiste, lui, s’est adressé aux cinéastes.  ‘’Les cinéastes, battez-vous pour votre chose, pour que prochainement le tapis rouge ne soit pas pour les politiques, mais pour vous’’, a-t-il indiqué.

 

 

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