Publié le 1 Sep 2021 - 22:18
PAROLES DANS LA CHANSON SENEGALAISE

Pouvoir et responsabilités des mots 

 

Offrir une scène musicale qualitative et diversifiée. Tel est l’objectif du salon journalistique ‘’Ndadje’’, initiative du Goethe Institut Sénégal, qui a tenu hier sa deuxième session de formation de journalistes et d’acteurs culturels.

 

Qu’est-ce que la parole ? Une question somme toute banale. Une succession de mots destinée à communiquer une pensée, un ressenti, un état d’être, etc. Etc. ? Des écrits qui témoignent de l’intemporalité de l’œuvre humaine ? Sujette à réflexion, elle implique davantage de questions existentielles qu’un moyen de communiquer entre des hommes. Mais tout peut dépendre de celui qui en fait usage. Soumise à l’analyse d’un parolier hors pair, il en mesure la quintessence.

‘’La parole est un grand pouvoir entre les mains de ceux qui l’utilisent’’, retient Birame Ndeck Ndiaye. Le 2e Salon journalistique ‘’Ndadje’’, une initiative du Goethe Institut Sénégal, avec comme coordonnateur et modérateur le journaliste culturel Alioune Diop, a prêté le cadre d’expression au premier secrétaire général de l’Association des métiers de la musique du Sénégal (AMS). L’occasion d’une conférence-formation autour du thème ‘’L’esthétique de la parole dans la musique sénégalaise’’, tenue hier au Grand-Théâtre Doudou Ndiaye Coumba Rose.

Pour les participants, journalistes et acteurs culturels, ce fut une opportunité de renforcer leurs connaissances autour de la grille de lecture d’une œuvre musicale vocalisée. La musique, ce ‘’bruit qui pense’’, cette ‘’langue des émotions’’ a ce pouvoir de permettre cette douce transmission allant de l’auteur au public, passant par l’interprète. Mais tout part d’un texte, des paroles qu’il faut savoir disséquer, manier et partager. Si la finalité est toujours de se faire entendre, Birame Ndeck Ndiaye rappelle que ‘’qui écoute récolte et pour que la récolte soit bonne, il faut que la semence le soit autant. Transféré dans le domaine de la chanson, cela revêt tout son sens. Il faut partir du postulat que l’on ne parle que lorsqu’on a quelque chose à dire’’.

D’où l’importance que la qualité et l’esthétique soient mis en avant dans la confection de tout œuvre musicale.

Mais à partir de quel moment peut-on dire qu’une parole est esthétique ? ‘’Les auteurs ne peuvent pas se juger eux-mêmes. C’est au public de le définir’’, dixit l’auteur de ‘’Ca Kanam’’, l’hymne de l’équipe nationale du Sénégal à la coupe du monde 2002. Une chose est sûre : l’écriture musicale s’accommode d’une certaine façon. Il y a des éléments que l’on peut trouver dans les textes esthétiques : la sensibilité, le talent, la singularité, la générosité, etc. Et tout cela est une science. Le philosophe Emmanuel Kant ne disait-il pas : ‘’L’art ne veut pas la représentation d’une chose belle, mais la belle représentation d’une chose.’’

‘’On parle toujours mal, quand on n’a rien à dire’’

Une règle toute simple pour produire un bon texte est de comprendre l’on n’a pas le droit de dire n’importe quoi. Il est bon de parler, mais il est mieux d’être bien entendu. Et ‘’on parle toujours mal, quand on n’a rien à dire. Il faut toujours se demander à qui l’on parle. Ensuite, faire preuve de simplicité tout en tenant compte des contraintes’’, conseille le conférencier du jour. L’esthétique de l’œuvre peut varier selon le vécu de l’auteur, son niveau de culture générale ou d’éducation. Ces paramètres doivent également être pris en compte chez le public visé. Toutefois, chaque artiste est le résultat d’une histoire dont il doit savoir sortir.

Sortir explorer pleinement son inspiration. Ce ressenti, cette invention que l’on traduit en parole, ‘’on l’a ou on ne l’a pas’’. En écrivant ‘’Fattalikul Doom’’, interprété par Alioune Mbaye Nder, Birame Ndeck Ndiaye l’a expérimenté. Toujours en ayant à l’esprit cette pensée du grand Albert Einstein qui disait : ‘’La  logique vous mènera d’un point A à un point B, mais l’imagination vous emmènera partout.’’

Si la musique est une combinaison de sens et de sons, il est difficile de ne pas lier l’esthétique de la parole à celle de la musique. Les mélodies répondent à des logiques, des techniques qui, au contraire de l’inspiration, peuvent être maîtrisées. Une œuvre musicale est composée d’un ensemble de contributions d’un auteur, d’un interprète, d’un compositeur, d’un arrangeur, etc. Mais peut-on être bon partout ? ‘’Je ne crois pas’’, ajoute l’auteur. Une des explications de la baisse de la qualité des textes interprétés par beaucoup de jeunes artistes. Les facilités offertes par les techniques de communication modernes incitent souvent un chanteur à se prendre pour un auteur, un compositeur, un arrangeur. Des métiers pourtant bien distincts les uns des autres.   

L’on ne peut pas être à la fois auteur, interprète, compositeur, producteur   

‘’Quelle que soit sa posture, l’artiste est investi d’une mission et est en quête d’un idéal. Son monde est souvent différent du réel. Mais les styles diffèrent d’un individu à l’autre. La chose la plus importante est d’entendre ce qui n’est pas dit (‘Less Wakhoul’)’’.

Le membre de l'Association des écrivains du Sénégal l’a déjà expliqué dans le texte du tube de Youssou Ndour qui porte le même nom.

De ses succès et de son expérience, Birame Ndeck Ndiaye partage les valeurs sûres : ‘’Il faut apprendre de ses prédécesseurs’’ ; ‘’Une inspiration peut partir d’un fait anodin, d’une révolte’’ ; ‘’Il ne faut pas toujours faire confiance à l’improvisation. La meilleure est celle qui a été préparée’’ ; ‘’Il  n’y a point de génie sans un grain de folie.’’

Dans la musique comme dans la vie, le formateur  insiste sur le fait que pour une parole, on a déclaré la guerre, contraint une personne au suicide, déclaré sa flamme, mis un terme à un conflit. Pour un mot, également, un homme est réputé sage ou sot. D’où l’importance de remuer sept fois sa langue dans sa bouche avant de l’ouvrir.

Lamine Diouf

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