Le général Tchiani, nouvel homme fort du Niger à l’épreuve du pouvoir
Le général Tchiani, chef de la garde présidentielle nigérienne, a pris la parole ce vendredi 28 juillet 2023 à la télévision nationale en tant que « président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie ». Il a justifié cette intervention par « la dégradation de la situation sécuritaire » dans le pays. « La constitution est suspendue » et « les institutions issues de la Constitution sont dissoutes ». L'UE a menacé de suspendre « tout appui budgétaire » au Niger. Les dirigeants de la Cédéao doivent se réunir dimanche.
Le général Abdourahamane Tchiani, chef de la garde présidentielle à la tête du coup d’État au Niger, a pris la parole ce vendredi sur Télé Sahel en tant que « président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie ». Un CNSP qui avait annoncé, dans la nuit du 26 au 27 juillet, mettre fin au régime du président Mohamed Bazoum.
« L’action du CNSP est motivée par la seule volonté de préserver notre chère patrie face, d’une part, à la dégradation continue de la situation sécuritaire dans notre pays – et cela sans que les autorités déchues ne nous laissent entrevoir une véritable solution de sortie de crise –, d’autre part, la mauvaise gouvernance économique et sociale », a déclaré le général Tchiani.
Égrenant une liste « d’attaques meurtrières et traumatisantes », il a assuré que « l'approche sécuritaire actuelle n'a pas permis de sécuriser le pays en dépit de lourds sacrifices consentis par les Nigériens et le soutien appréciable et apprécié de nos partenaires extérieurs ».
Non, les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes des Nigériens ; non, nous ne pouvons plus continuer avec les mêmes approches jusqu'ici proposées au risque d'assister à la disparition progressive et inéluctable de notre pays. C’est pourquoi nous avons décidé d’intervenir et de prendre nos responsabilités.
Appel à une « véritable collaboration » avec le Burkina Faso et le Mali
Le général Tchiani a également critiqué une approche qui, selon lui, « exclut toute véritable collaboration avec le Burkina Faso et le Mali, alors même que nous partageons avec ces deux pays voisins la zone du Liptako-Gourma dans laquelle se concentre aujourd’hui l’essentiel des activités des groupes terroristes que nous combattons ».
Il a poursuivi en demandant aux « partenaires techniques et financiers et amis du Niger d’appréhender la situation spécifique de notre pays pour lui apporter tous les soutiens nécessaires, afin de lui permettre de relever les défis ».
Les condamnations internationales se multiplient
Dans les minutes qui ont suivi cette allocution télévisée, le Conseil de l’Union européenne a répondu, via un communiqué de son haut représentant Josep Borrell, que « toute rupture de l’ordre constitutionnel aura des conséquences sur la coopération entre l'UE et le Niger, y compris la suspension immédiate de tout appui budgétaire ».
M. Borrell estime que les évènements de ces derniers jours constituent une atteinte grave à la stabilité et à la démocratie dans le pays. L'UE est l'un des principaux bailleurs de Niamey, rappelle notre correspondante à Bruxelles, Laure Broulard. Ont été alloués au Niger, entre autres aides, 183 millions d'euros d'appui au budget de l'État nigérien sur la période 2022-2024, et 37 millions en soutien technique et institutionnel.
Il y a trois semaines, Josep Borrel était au Niger. Il avait alors qualifié le pays de partenaire privilégié de l'UE au Sahel et de havre de stabilité dans la région.
L'Union européenne appelle également à ce que la sécurité et la liberté de mouvement du président Mohammed Bazoum soit assurées, et réitère son soutien aux actions de la Cédéao, dont les chefs d'État ont déjà engagé des concertations sur la situation à Niamey.
Le ministère français des Affaires étrangères a également réagi en annonçant que « la France ne reconnaît pas les autorités issues du putsch mené par le général Tchiani ». Il insiste : « Le président Mohamed Bazoum, démocratiquement élu par le peuple du Niger, est le seul président de la République du Niger. »
Pour le président kényan, « l'Afrique a subi un sérieux revers dans ses avancées démocratiques ». William Ruto a ajouté dans une vidéo : « Nous implorons toutes les parties à s'engager dans un discours constructif pour rétablir la paix dans cette nation fraternelle qui s'est fermement dressée comme un rempart contre le terrorisme et ses agents dans la région du Sahel. »
Réunion de la Cédéao prévue dimanche au Nigeria
À la mi-journée, un autre personnage, le colonel-major Amadou Abdramane, qui avait déjà pris la parole dans la nuit du 26 au 27 juillet, est réapparu sur Télé Sahel pour mettre en garde, à nouveau, contre « toute intervention militaire étrangère ».
Un peu plus tard, au travers d'un nouveau communiqué télévisuel, le CNSP a annoncé que la Constitution du 25 novembre 2010 était « suspendue » et que les institutions issues de la Constitution du 25 novembre 2010 étaient « dissoutes ». Autres déclarations : « En attendant le retour à l'ordre constitutionnel normal, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie exerce l'ensemble des pouvoirs législatifs et exécutifs » et le président du CNSP « est le chef de l'État et représente l'État du Niger dans les relations internationales ».
Les dirigeants des États d'Afrique de l'Ouest, précisément, ont annoncé qu'ils avaient l'intention de se réunir dimanche à Abuja, au Nigeria, pays voisin qui assure la présidence de la Cédéao actuellement. « À la suite du coup d'État en République du Niger qui a bouleversé le régime politique constitutionnel dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, (...) le président (du Nigeria) Bola Tinubu, accueillera une réunion spéciale des dirigeants de la région le dimanche 30 juillet à Abuja », a déclaré le porte-parole de la présidence nigériane, Dele Alake, dans un communiqué.