Publié le 22 Mar 2017 - 00:17
PRESENCE DE L’AVOCAT

Ces difficultés qui rendent difficile le règlement de l’UEMOA

 

Bien que consacrée par le Code de procédure pénale, la présence de l'avocat au moment de l'interpellation n'est pas encore effective au niveau de certaines brigades de gendarmerie et de commissariats de police. Les robes noires font souvent face aux réticences des hommes en tenue qui leur interdisent d'assister leurs clients. C’est la raison pour laquelle la Direction des affaires criminelles et des grâces a organisé, jeudi passé, un atelier de mise à niveau à l’intention des Officiers de police judiciaire (Gendarmerie et Police).

 

L’article 5 du règlement de l’UEMOA (Union économique monétaire ouest africain) prévoit que les avocats assistent leurs clients dès leur interpellation, ‘’durant l’enquête préliminaire’’, dans les locaux de la police, de la gendarmerie ou devant le parquet. Ce texte réglementaire est entré en vigueur depuis le 1er janvier 2015. Mieux, en octobre dernier, le Sénégal a modifié son code de procédure pénale pour l’y insérer. Malgré cela, l’application du règlement n’est pas encore effective.

Devant les prétoires, des avocats ne cessent de soulever des exceptions de nullité de la procédure pour non-respect de ce droit de la défense. ‘’Tous les huit pays de l’UEMOA l’ont appliqué sauf le nôtre. Il n’y a pas eu débat au niveau des sept Etats membres. Qu’est-ce qui se passe au Sénégal, pays précurseur des droits humains, où on s’est mis à constituer des obstacles avec des arguments juridiquement non convaincus ?’’ s’est interrogé Me Mbaye Guèye, bâtonnier de l’Ordre des avocats, lors du séminaire de mise à niveau des officiers de police judiciaire. La réponse se trouve dans les explications de Pape Assane Touré.

Dans sa présentation, le magistrat a laissé entendre que cette difficulté est liée au ‘’confinement de l’assistance de l’avocat dès l’interpellation, à l’enquête de flagrance et exclusion de cette garantie à l’enquête préliminaire’’. En fait, d’après son argumentaire,  des maladresses rédactionnelles se sont glissées dans le nouvel art. 55 du CPP. Car, soutient M. Touré, ‘’le texte adopté par le Sénégal est inscrit dans un environnement de garde à vue or le règlement parle d’interpellation’’.

Il s’y ajoute, avance le magistrat, qu’‘’une personne peut être interpellée durant une enquête sans être gardée à vue’’. La preuve, dit-il, la personne ayant fait l’objet d’une vérification d’identité, fait l’objet d’une interpellation mais n’est pas forcément gardée à vue. ‘’Interpellation n’est pas garde-à-vue ! Il suffit de faire preuve de bonne volonté pour que la loi soit appliquée’’, renchérit Me Guèye. Ce qui amène M. Touré à dire que ‘’le législateur s’éloigne un peu du texte communautaire’’ même si par ailleurs, poursuit-il, ‘’il y a une volonté claire de consacrer la règle de l’assistance de l’avocat dès l’interpellation’’.

L’autre difficulté soulevée par M. Touré, c’est le silence du règlement de l’UEMOA sur les modalités de l’assistance par l’avocat de la personne interpellée. A ce niveau, plusieurs parquetiers et OPJ estiment que ces dispositions ne sont pas clairement spécifiées. Face à leur inquiétude, le présentateur renseigne qu’il y a une possibilité de compléter le règlement par les législations nationales puisque l’article 91 dudit règlement de l’UEMOA déclare ‘’applicables les dispositions des législations et règlementations nationales des Etats membres qui ne sont pas contraires au présent Règlement’’. Compte tenu de cette situation, le présentateur renseigne que la présence de l’avocat est, en plus d’un soutien psychologique et moral, un élément de contrôle de la régularité de la procédure.

‘’C’est un entretien de 30 minutes et la présence est timide car l’avocat n’a pas encore connaissance du dossier. Il n’assiste pas à l’audition ni à la confrontation’’, précise Pape Assane Touré. Toujours est-il que malgré les difficultés d’incorporation, il reste convaincu que le règlement demeure applicable. D’ailleurs, à l’issue de la rencontre, une circulaire qui servira de vadémécum aux procureurs et OPJ sur la présence de l’avocat sera élaborée.

Mais pour Me Ousmane Sèye, il n’y a nul besoin d’élaborer cette circulaire puisque c’est une procédure longue et complexe. ‘’Le Sénégal est un état de droit ; il faut qu’il respecte entièrement les dispositions du règlement. Sur cette question, nous ne transigerons pas’’, martèle l’avocat qui ne comprend pas ce refus des OPJ. Car, dit-il, ‘’si on permettait leur présence, ceci garantirait la crédibilité de la procédure car les avocats ne sont pas des adversaires des enquêteurs mais des collaborateurs’’. Embouchant la même trompette, Me Amadou Aly Kane de renchérir : ‘’Si Elimane Touré (un gardé à vue décédé dans les locaux du commissariat du Port) était assisté, aucune suspicion n’aurait entouré sa mort.’’

FATOU SY

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