Le parquet général favorable à une réduction de la peine
Cheikh Yérim Seck doit rester en prison, selon l’avocat général Djibril Bâ. Hier, il a demandé à la Cour d’appel de Dakar de réduire les trois années de prison infligées en première instance au journaliste. La défense, elle, demande l’infirmation de la peine, au moment où, les conseils de la partie civile souhaitent son augmentation. Le tout dans une ambiance…. ‘’érotique’’
Vendredi prochain sera jour de vérité pour Cheikh Yérim Seck. Soit il continuera à purger trois ans de prison ou plus, soit il sera relaxé. Cependant, si la Cour d’appel venait à suivre le parquet général, le journaliste restera en prison, mais pour moins de trois ans. Le juge Djibril Bâ a, en effet, hier, plaidé dans le sens d’une réduction de la peine infligée en première instance au journaliste. C’était au cours d’un procès fleuve qui a commencé à 9h 12mn pour prendre fin à 19heures.
Si la salle n°6 du Palais de Justice Lat Dior où s'est tenu hier le procès était une salle de cinéma, on aurait bien pu fixer sur la porte une pancarte avec cette inscription : ‘’Interdit au moins de 18 ans’’. Car, durant 10 tours d’horloge, les avocats se sont mués en véritables sexologues et gynécologues. Soit pour asseoir la thèse du viol, soit pour faire sortir de prison le journaliste condamné depuis le 26 septembre 2012 à trois ans de prison ferme, pour viol. Gestuelles, mimiques et mots crus, en passant par un cours portant sur l’appareil génital féminin, ont été utilisés par les robes noires qui ont fait revivre aux juges et à l’assistance les moindres détails des moments intimes, vécus par Cheikh Yérim Seck et Ndèye Aïssata Tall, dans la Résidence Madamel. Le journaliste a voulu, à un moment de l’interrogatoire d’audience, refuser d’entrer dans ce jeu ‘’érotique’’, en se contentant d’explications évasives. ''On veut tout savoir. Dites-nous ce qui s’est passé, les caresses, embrassades, tout'', a insisté le président Amath Diouf auprès d'un prévenu qui s’est montré beaucoup moins ''arrogant'' que durant sa comparution en première instance.
‘’Je n’ai jamais violé et je ne violerai jamais’’
Aussi sur les faits, l’administrateur du site d’informations ‘’Dakaractu’’, a-t-il persisté à clamer son innocence. ''J’ai interjeté appel parce que je conteste avoir violé Ndèye Aïssata. Nous avons eu une conjonction sexuelle, à l’issue de laquelle elle a porté plainte, alors qu’elle était consentante'', s’est défendu d’emblée le journaliste. Et d’ajouter : ''c’était un flirt qui a débouché sur une relation sexuelle. Mais il n’y avait aucun plan dans le sens d’entretenir des rapports sexuels avec elle’’. Selon ses explications, Ndèye Aïssata Tall ne lui a jamais dit qu’elle était vierge. ''Comme je l’ai dit en première instance, je le répète : elle n’avait montré aucun signe d’hostilité. C’est lorsque je l’ai pénétrée profondément qu’elle a crié''. ''Je n’ai jamais violé et je ne violerai jamais. C’est un amour qui a mal tourné'', dira le journaliste après les plaidoiries.
L’avocat général pour une réduction des 3 ans
Si, au cours des débats d’audience, il a indiqué qu’il ne saurait dire si le cri strident poussé par la victime constitue‘’un cri de plaisir ou de douleur’’, l’avocat général l’a décrit comme un cri de violence. Ce qui, aux yeux de Djibril Bâ, atteste de l’effet de surprise avancé par la victime. Par conséquent, le magistrat estime que le journaliste doit rester en prison et suggère cependant que la peine de trois ans infligée en première instance soit réduite. ''Cela ne me gênerait pas si la peine est rabaissée'', a requis Djibril Bâ.
La défense écarte le certificat médical
Les avocats du journaliste pensent que la Cour peut aller au-delà, en infirmant tout simplement le jugement de première instance. De l’avis de la défense, le délit de viol n’est pas établi, sinon les deux parties n’auraient pas passé aux préliminaires. ''Il n’y a que trois femmes qui croient au viol’’, a lancé Me Abdou Dialy Kane à l’endroit de ses consœurs, Mes Borso Pouye, Ndèye Fatou Touré et Fatimata Sall. Ainsi Me Kane et ses six confrères défenseurs du journaliste se sont également attaqués au certificat médical. Ils y ont décelé des fautes, mais aussi des incohérences. ‘’C’est le saignement hyménal qui doit précéder le saignement utérin, vu l’anatomie de l’appareil génital féminin’’, a avancé Me Idrissa Sadjo. Et son confrère Me Aly Fall d’ajouter qu’un gynécologue lui a fait savoir qu’un saignement utérin est impossible en viol. ''S’il y en a, c’est parce qu’on a cogné le cul de sac de Douglas. Lorsqu’une fille ne veut pas qu’on la pénètre, elle ne s’ouvre pas et on ne peut pas cogner cette partie de son appareil’’, a-t-il dit. Au regard de ces arguments, lui et ses confrères ont plaidé la relaxe pure et simple ou, à défaut, la relaxe au bénéfice du doute. Au pire des cas, Me Issa Diop a demandé une disqualification des faits en blessure involontaire.
Les avocats de la partie civile souhaitent une augmentation de la peine
Pour leur part, les avocats de la partie civile ont estimé que ces blessures ne font que témoigner de la violence de l’acte sexuel. Ce qui prouve à leurs yeux que leur cliente n’était pas consentante. ''Le consentement s’apprécie au moment de la pénétration’’, a répliqué Me Ndèye Fatou Touré, à ses confrères de la défense. Me Fatima Sall de renchérir que ‘’ce n’est pas parce que Ndèye Aïssata Tall a accepté de flirter avec Cheikh Yérim Seck que celui-ci devait la contraindre à des relations sexuelles’’. ‘’Toute femme a le droit de disposer de son corps’’, dira-t-elle. Convaincue de la culpabilité du prévenu, elle a demandé à la Cour de confirmer le premier jugement. Son confrère Me Aly Sarr a, lui, demandé qu'elle soit augmentée. ‘’Réduire la peine me dérangerait. Je ne comprends pas qu’un charretier, un maçon soit condamné à des peines de 5 ans, alors que des intellectuels donneurs de leçons comme Cheikh Yérim en prennent moins’’, a-t-il fulminé. Me Borso Pouye a embouché la même trompette en soutenant que ‘’le 8 septembre 2012 aura été pour Ndèye Aïssata ce que le 11 septembre 2011 est pour les Américains’’. Elle a demandé que les dommages et intérêts soient portés à 100 millions de francs Cfa, au lieu du montant de trois millions ordonné en première instance.
FATOU SY