Ingénieur physicienne et sagace des pinceaux
Après des études à Lyon, à la Nouvelle-Orléans et à Taïwan, Caroline Guèye est devenue ingénieur en physique de l’atmosphère. A côté de ce brillant cursus, la sénégalo-togolaise développe une riche carrière artistique. Petite fille de l’artiste togolais Paul Ahyi, elle se doit de préserver son legs. Car possédant un double atavisme artistique. Le talent de papy et des similitudes dans la manière de travailler. EnQuête propose son profil.
L’art est un don chez Caroline Guèye. Elle n’a jamais fréquenté une école de beaux arts. Mais, elle n’a rien à envier aux artistes diplômés. Sa technique de travail est exquise. Pourtant elle n’arrive pas à l’expliquer : ‘’Ma technique, je me l’invente en gros. J’utilise beaucoup les formes. Je laisse vraiment aller mon bras, mon poignet pour les formes, pour que cela soit fluide. Après, je me laisse aller. Il y a beaucoup de ma sensibilité dans ce que je fais’’, explique-t-elle.
Ce qui est vrai puisque quand on regarde les tableaux de Caroline, on y perçoit sa sensibilité, ses sentiments à travers des formes qui donnent l’air d’être fragiles. Ses œuvres laissent également transparaître le côté méticuleux de cet artiste. Les formes sont nettes. C’est le cas dans la trilogie qu’elle a réalisée sur les Nigérianes enlevées par Boko Haram. ‘’Bring back our girls’’ est son nom. Sur fond noir, les trois tableaux représentent les filles, des armes, les membres du groupe islamiste en question et un brin d’espoir à travers une couleur bleue présente sur les trois tableaux.
L’actualité fait parler la muse de Caroline Guèye. L’espace également. Des théories de physiciens ou des représentations stellaires sont très présentes dans le travail de la jeune fille. Cela s’explique par son parcours assez atypique. Petite fille du très célèbre sculpteur et peintre togolais Paul Ahyi, celui-là même qui a créé le drapeau togolais, Caroline a grandi entre les œuvres de son grand-père. Ainsi, très jeune, elle s’essayait déjà au dessin. Sa chambre étant son ‘’atelier’’, ses murs, ses plans de travail. ‘’Je n’aimais pas les posters, alors j’ai demandé à maman si je pouvais dessiner sur les murs de ma chambre. Elle m’a dit oui tant que je me limitais à cet espace. J’ai commencé à le faire’’, se rappelle Caroline. Quand son grand-père a découvert cela, il l’a encouragée et a même dessiné sur ces murs. Seulement, il tenait à ce que sa petite fille termine ses études, avant de s’adonner pleinement à sa passion. ‘’Après le bac, j’hésitais entre aller dans une école d’art ou faire des études en physique, parce que j’adorais les deux. Mon grand-père m’a dit d’aller étudier, mais de ne jamais abandonner ma passion quand même’’, affirme-t-elle.
Suivant le conseil de son papy, Caroline a terminé ses études et est actuellement ingénieur en physique de l’atmosphère. C’est pourquoi l’espace est très présent dans son travail. L’objet de ses études est devenu l’une de ses principales sources d’inspiration. ‘’L’on se surprend à fonder en raison ce qui n’est qu’inspiration. Toujours est-il que la fascinante lumière qui rend la contemplation artistique possible ne se fige ni dans les ondes de Christian Huygens ni dans les particules d’Isaac Newton’’, tel que l’écrit dans une fiche de présentation de l’artiste, le journaliste et critique d’art sénégalais Massamba Mbaye.
Aussi, comme le dit Caroline : ‘’J’ai vraiment mais vraiment la tête dans les étoiles. Et je veux partager ce que je vois là-bas avec ceux qui sont sur terre, à travers la peinture’’. Aujourd’hui, Caroline a décidé de se consacrer entièrement à la peinture. C’est dans ce cadre qu’elle va tenir sa première exposition individuelle au Sénégal, après des exhibitions au Burundi et à New-York.
Poids plume, teint clair en nappy hair, Caroline Guèye est de père sénégalais et de mère togolaise. En plus d’être la petite fille de Paul Ahyi, une légende de l’art plastique togolais considéré comme le Picasso africain, elle est également la petite fille de l’ancien ambassadeur Djime Momar Guèye et fille de l’écrivain Ass Guèye. De Paul Ahyi, elle a hérité les gènes de la création. Elle est la seule dans sa famille à avoir emprunté les pas de papy. Aussi, dit-elle : ‘’Ceux qui connaissent le travail de mon grand-père disent souvent qu’il y a des similitudes entre ce que je fais et ce qu’il faisait. Moi, j’ai remarqué ; c’est que comme lui, j’utilise des tons pastels’’.
BIGUE BOB