L’homme qui parle la langue de… bois
Ses œuvres épousent des formes multiples : humaines, animales, végétales ou simplement imaginaires. Installé au village des arts, Serigne Mor Guèye, laisse libre cours à son imagination pour réaliser des sculptures exquises.
REPORTAGE
Ses œuvres attirent forcément le regard des visiteurs du village des arts. Elles sont fines, belles, délicatement taillées avec des formes exquises. Ses œuvres retracent la vie quotidienne : un homme qui joue au golf, une femme qui puise de l’eau, un pêcheur qui jette son filet, un enfant qui joue au cerceau. Dans son atelier, l’on découvre une véritable mise en valeur du bois. Au toucher, l’on a même peur de manipuler ses créations du fait de la minceur, de la finesse et de la justesse de l’objet taillé. ‘’Je suis très exigeant quant à la qualité de mes œuvres’’, assure-t-il. Aussi, cette habileté dans le travail, Serigne Mor Guèye la doit-elle à son apprentissage précoce. En effet, c’est à l’âge de 8 ans qu’il a commencé à s’initier à l’art. Avec de l’argile, des brindilles de balai, il crée ses premières figurines. En grandissant, sa passion gagne une place importante dans son univers. Issu d’une famille où l’on sculpte aussi facilement qu’on discute avec un grand frère artiste professionnel, il va suivre les pas de ce dernier. ‘’L’aîné de notre famille a fait l’école des Beaux-arts. Grâce à lui, mes frères et moi avons pris goût à la sculpture’’, confie-t-il.
Serigne Mor taille et dialogue avec le bois. Il arrive à le ciseler et à le rendre doux quelles que soient sa taille et sa forme. Avec une technique bien précise, il offre un supplément d’âme à ses sculptures. ‘’Quand je débute un travail, je dialogue avec le bois jusqu’à ce que j’obtienne un produit fini’’, explique-t-il. Il sent toujours le besoin de toucher, de caresser le bois. ‘’Quand je travaille, je n’aime pas porter de gant. J’éprouve beaucoup de plaisir à travailler directement sur le bois’’, dit-il. Ce qui n’est pas chose aisée pour l’artiste, en témoignent ses pieds et ses mains marqués par de nombreuses cicatrices. Cette proximité avec le matériau explique aussi son attachement à ses œuvres. On ne manque jamais de le trouver dans son atelier, entouré de ses créations. On sent ainsi entre eux une véritable complicité. ‘’Quand je me sépare de l’œuvre que j’ai déjà fabriquée, je sens un vide, un manque’’, avoue-t-il d’ailleurs.
Exposition à Gorée, Bruxelles…
En outre, avec un sens artistique très développé, Serigne Mor Guèye ne se limite plus à travailler que de la bûche. Il s’essaie aussi à la peinture. ‘’Tout est question d’inspiration. Comme je suis aussi entouré de maîtres de la peinture, je tâte maintenant les couleurs en peignant’’, renseigne-t-il. A côté de cela, il crée à partir du fil de fer tressé ou enroulé. ‘’Je ne suis pas un artiste qui se fige sur un seul et unique style ou matériau. A chaque fois, je ressens le besoin de faire plus que ce que j’ai l’habitude de faire’’, explique l’artiste. Ainsi, il innove. Avec des cadres en bois, il moule de l’aluminium, du bronze, du fil de cuivre, des boîtes de conserve, entre autres.
Après quatre ans de formation pratique et d’expériences à l’école du sculpteur Tafsir Momar Guèye à Dakar, Serigne va rejoindre le village des arts en 2007, grâce à son grand frère qui l’avait mis en rapport avec le secrétaire général du village, Mamadou Wade. Son travail a été largement exposé en groupe et en solo, entre autres au symposium de sculpture à Saint-Louis avec Wallonie Bruxelles, à la biennale de Dakar, en Italie, à Gorée. Toutefois, il cherche d’autres horizons à explorer et d’autres contrées où exposer.
KHADY NDOYE