On l'appelle «Bouga», et il a séjourné à Rebeuss
Ex-pensionnaire de la chambre 9 à la prison de Rebeuss, Seydina Fall alias Bougazelli (ou Bouga), député de la majorité Benno Bokk Yaakaar, est celui qui envisage de déposer une proposition de loi pour le rétablissement de la peine de mort au Sénégal.
Né il y a 43 ans, Seydina Fall, natif de Fith-Mith Guédiawaye, est l'un des 150 nouveaux députés de la 12e législature au Sénégal. C'est un «affranchi» des célèbres dahiras coraniques développés par feu Serigne Saliou Mbacké où il est resté durant sept ans, avant de se lancer dans la vie «civile». Mais à l'école de la République, Bouga (du nom d'un ancien footballeur plus ou moins célèbre), n'est pas dans son assiette alors qu'il a juste le niveau du Brevet. Des impératifs familiaux le contraignent à prendre une autre trajectoire. Le décès de son père en est un. «Quand il a été rappelé à Dieu, explique-t-il, j’ai dû stopper mes études alors que je préparais l'examen.» Aîné d'une famille modeste, Seydina Fall a alors en charge la dépense quotidienne des siens. Il doit trouver du boulot. C'est ainsi qu'il regagne alors son Guédiawaye natal. On est en 1975.
Son histoire avec Abdoulaye Wade et Macky Sall ? Celle, commune, que l'on retrouve assez souvent chez des militants politiques très tôt engagés dans le jeu partisan. Lui aime à préciser cependant qu'il n'est pas un militant historique du Parti démocratique sénégalais. «Macky, on s’est connu au PDS quand nous étions dans l'opposition avant 2000, raconte Seydina Fall. C'est bien après la conquête du pouvoir que le Président Wade me reçoit alors que Macky était Premier ministre et me confie à lui», indique-t-il. A partir de ce moment, il fera partie des «bagages» du futur chef de l'Etat.
«Quand Wade m'a confié à Macky...»
Chargé de mission à la Primature puis à l’Assemblée nationale, Bouga souligne avoir eu «tous les problèmes du monde» avec des «frères libéraux» qui «voulaient (le) liquider politiquement» dans le sillage des bisbilles avec son mentor. «En vain.» Un compagnonnage où il a dû subir «menaces, pressions, intimidations, venant de tous bords», égrène-t-il. «Ils (les libéraux) sont même allés voir Serigne Saliou par l’entremise de Cheikh Béthio qui était très proche de moi, pour lui demander de me donner l’ordre de regagner le Pds», soutient-il. Mais entre lui et le locataire actuel du Palais de l'avenue Senghor, «c’est une affaire de fidélité et de loyauté». «Lorsqu'il a commencé à être combattu à l'Assemblée nationale, j'étais à ses côtés. J'ai porté ce combat jusqu'au jour de sa démission, rendant le tablier en même temps que lui.»
Cet homme d’affaires, vendeur de pièces détachées et, à ses heures perdues, de voitures importées dites «venant», crée à cette époque des affrontements fratricides entre libéraux un mouvement dénommé «Dédiatti Wade» (NDLR : déboulonner Abdoulaye Wade) pour «épauler» Macky Sall. Dans la foulée, il devient membre fondateur de l'Alliance pour la République (APR). Il s'en targue d'ailleurs, avec joie et fierté. «Je suis le premier apériste dans le département de Guédiawaye, le premier à avoir vendu 5 000 cartes, avec mise en place de 74 comités à Golf Sud.» De quoi être payé en retour par un poste de député de la République. Mais pas seulement. Seydina Fall affirme avoir vendu jusqu'à sa propre voiture, «celle que Macky Sall m'avait offerte», précise-t-il, «pour la survie du parti quand, à un moment donné, il n'y avait plus assez de moyens».
«Vendeur de pièces détachées»
Et pourtant, l'honorable député Seydina Fall est revenu de loin. De la prison de Rebeuss. Lors de l'élection présidentielle de 1988, alors qu’il n’avait que 21 ans, complètement assujetti à Me Wade comme beaucoup de jeunes Sénégalais, il tombe dans une embrouille. «On m’a annoncé qu’il y a un surplus de bulletins dans un des bureaux de vote. Quand je suis allé demander des détails, le président du bureau refuse que j'y entre. J'ai refusé de lui obéir en tant que mandataire du PDS. Ensuite, j’ai forcé et brisé l’urne qui était en bois», se rappelle Bouga. Cueilli le même jour par des policiers et acheminé au commissariat de Guédiawaye, Seydina Fall est déféré dès le lendemain, «à la première heure», puis jugé en flagrant délit et condamné à 6 mois dont 3 ferme. «J'étais à la chambre 9 de la prison de Rebeuss, et tous mes voisins étaient des délinquants.» Cette chambre 9, «c’est un espace où règne la loi de la jungle et où seuls les plus forts survivent». Ce n'est qu'avec l'aide précieux d'un oncle qu'il a recouvré alors la liberté.
«La peine de mort, une nécessité»
Aujourd'hui, ce fervent talibé, encore monogame, et dont deux des trois enfants (dont une fille) portent le nom de Serigne Saliou Mbacké veut incarner un nouveau type de député. Le prototype du «représentant du peuple» qui se veut engagé pour «l'émergence de Guédiawaye», «la lutte contre les inondations et contre la pauvreté.» Il voudrait y parvenir avec l'appui du mouvement associatif dans lequel il a «fortement» milité, lui l'ancien footballeur au Port autonome de Dakar, aux Asc Fith-Mith et Golf Nord. Mais un projet lui tient à cœur, et il en a parlé publiquement, au grand dam des défenseurs des droits de l'Homme. «Le retour de la peine de mort, c'est une nécessité pour notre pays», professe-t-il. «J'ai obtenu le soutien de plusieurs députés, de juristes et de familles religieuses», s'enflamme Seydina Fall, qui se verrait déjà comme le porte-étendard d'une croisade morale contre la déliquescence des mœurs au Sénégal et pour la protection des Sénégalais. «Je ne serai jamais le député de Macky ni de l’APR, mais du peuple. Et si le président de la République nous amenait des lois scélérates comme le faisait Wade, je le combattrais sans état d'âme», promet ce baroudeur de la banlieue.
CHEIKH THIAM
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