Les enseignants pointent un ''amalgame'' et se radicalisent
Au chef de l'État qui n'entend pas augmenter leurs salaires, les enseignants rétorquent qu'il s'est trompé de sujet.
Réagissant aux débrayages et grèves d'enseignants observés depuis quelques semaines, le président de la République, Macky Sall a dit non à toute hausse des salaires des enseignants. En visite officielle au Gabon, hier, il a déclaré que le corps des enseignants ne peut bénéficier d’une quelconque augmentation salariale, compte tenu de la situation économique du pays. Le chef de l’État a estimé le ''niveau de salaire considérable dans un univers professionnel où les employés ne font pas plus de 400.000 sur environ 12 millions de Sénégalais''. Il a invité les enseignants grévistes ''à mieux prendre en considération l'avenir des enfants''.
Cette sortie présidentielle a été très mal appréciée par Mamadou Lamine Dianté, secrétaire général du Saems-Cusem. Il a déploré le fait que le Président se soit exprimé ''à l’étranger, loin des bases sénégalaises''. ''(Le chef de l'État) n’a jamais cherché à nous rencontrer et nous considérons que cela procède encore de cette campagne de diabolisation des enseignants'', a fustigé M. Dianté. Il pense du reste que Macky Sall s’est trompé en parlant de hausse de salaire : ''Si ce sont ses conseillers ou alors ses ministres qui lui ont dit cela, ils ne lui ont pas dit la vérité. Nous n’avons jamais demandé une augmentation de salaire. Ce que nous demandons, c’est qu’il y ait respect de la parole donnée.''
Mamadou Lamine Dianté rappelle en outre que le président de la République, élu, ''s’était engagé à respecter les accords qui ont été signés, au nom de la continuité de l’État''. Lesquels accords, rappelle-t-il, sont relatifs à ''la formation des enseignants, au renforcement des capacités pédagogiques des enseignants, la validation des années de vacation de tous les enseignants''.
Pour sa part, son collègue leader du Sels Authentique, Abdou Faty, se dit aussi étonné de ''l’amalgame'' fait par le chef de l’État à propos de leur mouvement d’humeur. ''Sur la plate-forme revendicative, il n’y a que deux points qui ont des incidences financières. Et nous ne disons pas tout de suite et maintenant'', a-t-il signifié. Pour M. Faty, les enseignants ont toujours fait preuve de responsabilité : ''C’est la raison pour laquelle nous avons laissé des médiateurs intercéder auprès de l’État et l’étaler dans le temps pour qu’on s’accorde sur les principes.'' Son camarade Abdoulaye Ndoye du Cusems va plus loin en affirmant que ''le discours du président de la République remet en cause les libertés syndicales''.
Prenant au mot Macky Sall, Abdoulaye Ndoye lâche : ''Quand le Président dit qu’il n’y a pas d’argent pour satisfaire les doléances des enseignants, alors que lui-même, en arbitrant l’alignement de l’indemnité de logement sur celle des autres qui ont le même niveau de qualification, il reconnaît la légitimité des ces revendications.'' De l'avis de M. Ndoye, il semble y avoir ''un Sénégal des enseignants et un Sénégal d’en haut (…) Je trouve paradoxale que le Président nous demande de penser aux paysans, alors qu’on achète des véhicules de 35 millions à des députés. Nous, on ne l’acceptera pas''.
''Le Président ne fait que radicaliser les enseignants''
Ceux qui espèrent un fléchissement des grévistes n’ont qu’à déchanter à la suite de la déclaration de Macky Sall : ''Elle ne fait que radicaliser les enseignants, et c’est malheureux pour le pays'', se désole le patron de Saems-Cusems, Mamadou Lamine Dianté. Même fermeté affichée par Abdou Faty pour qui les enseignants ''ne vont rien changer de leur plan d’actions'' et que les grèves vont se poursuivre.
DAOUDA GBAYA