Quand Moustapha Niasse fait double langage
Sous la pression du Conseil constitutionnel, les libéraux s'étaient contentés de la silhouette de Wade sur leurs bulletins électoraux aux législatives de 2002. Dix ans plus tard, c'est le président de la République Macky Sall en chair et en os qui fait campagne, sous le silence complice du «peuple des Assises nationales».
Pour justifier la présence de Macky Sall à la réunion des leaders de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY), Moustapha Niasse, tête de liste nationale, a déclaré à la télévision nationale : «Vous (Macky Sall), vous n'êtes pas ici en votre qualité de président de la République, mais comme le président de la coalition Benno Bokk Yaakaar». Même si le message est destiné «aux oiseaux de mauvais augure», les propos du leader de l’alliance des forces de progrès (AFP) ont de quoi surprendre.
En effet, c’est ce même Moustapha Niasse qui, dans l’opposition, dénonçait de telles pratiques lorsque l’image (rien que l'image) de l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade, a été pressentie pour être utilisée dans la campagne électorale des élections législatives de 2002. Joignant l’acte à la parole, l’opposition d’alors avait saisi le Conseil constitutionnel. Cette institution, à l’époque dirigée par Youssou Ndiaye, avait condamné cette «violation» du code électoral et avait enjoint la coalition Sopi, conduite alors par le Premier ministre Idrissa Seck, d’enlever l’image de Wade sur les affiches. La coalition Sopi s’exécuta. Du moins à moitié puisque l’image de Me Wade est remise en forme de silhouette. Et ironie de l’histoire, Idrissa Seck, théoricien du slogan «Gorgui ak Ngorsi (le vieux et le bonhomme), semble voler au secours du président Macky Sall dans ce débat sur sa participation dans la campagne. «Ceux qui contestent à Macky Sall sa participation aux élections législatives ont tort. Il s’implique parce qu’il est le premier concerné par ces législatives», dit-il. «Comment voulez-vous qu’un président, nouvellement élu, se désintéresse de l’Assemblée nationale devant laquelle il doit aller proposer son programme de réformes ?», se demande le leader de Rewmi.
Sauf qu'Idrissa Seck semble oublier que le président Macky Sall avait pris l’engagement ferme de respecter les conclusions des Assises nationales. Lesquelles indiquent clairement que «le président de la République ne peut être ni chef de parti politique ni membre d’une quelconque association durant l’exercice de ses fonctions».
Aujourd'hui, il semble que Macky Sall, conforté par le silence coupable du «peuple des assises», n’aura apparemment pas de souci à se faire pour être en plein dans la campagne électorale. Et les Conseils des ministres décentralisés initiés par le gouvernement et dont le deuxième de suite se tient aujourd’hui à Kaolack, après celui de Saint-Louis, ne font que conforter Moussa Tine, Mamadou Lamine Diallo et autres dans leurs critiques contre une «campagne électorale déguisée».
DAOUDA GBAYA