Plus de 60 journalistes sénégalais interpellés, de 2021 à 2024

Dans son nouveau rapport intitulé "Le journalisme sénégalais à la croisée des chemins", publié hier, Reporters sans frontières a révélé que de 2021 à 2024, plus de 60 professionnels des médias ont été arrêtés, agressés, interpellés ou détenus. L'organisation est d'avis que l'arrivée au pouvoir de nouvelles autorités est une opportunité pour que le visage balafré des médias se cicatrise.
Ces trois dernières années, la presse sénégalaise a connu la plus grande répression de son histoire. Des professionnels des médias ont été arrêtés, malmenés, emprisonnés, voire torturés par des forces de l'ordre.
En effet, Reporters sans frontières (RSF) a révélé, hier, dans son nouveau rapport intitulé "Le journalisme sénégalais à la croisée des chemins", que plus de 60 journalistes ont été arrêtés, agressés, interpellés ou détenus au Sénégal, de 2021 à 2024. Le rapport a également montré que plus de 30 journalistes ont été victimes de violences policières.
En outre, lit-on dans le document, plusieurs professionnels des médias ont été ciblés par des campagnes de cyber-harcèlement fréquemment mises en place par des militants politiques.
Selon les informations de RSF, sur quatre plaintes déposées, aucune n'a abouti à l'ouverture d'une enquête.
Par la même occasion, l'organisation a souligné qu'à cette époque, la polarisation, les ingérences politiques et la désinformation se sont accentuées. D'ailleurs, il a mentionné dans son rapport que l'une des campagnes de désinformation les plus importantes est celle qui a été menée par les anciennes autorités pour faire passer des civils armés par les forces de l'ordre dans des manifestations en individus menaçant l'état de droit. Cependant, avec l'alternance politique de 2024, RSF reste optimiste.
En effet, il est d'avis que l'arrivée au pouvoir de nouvelles autorités, au Sénégal, est une opportunité pour que "le visage balafré des médias cicatrise" et que le pays redevienne moteur dans la défense du droit à l'information dans l'ensemble de la région et en Afrique. "Après trois années de chute libre, il est grand temps que le Sénégal reparte de l'avant en matière de liberté de la presse. L'arrivée du président Bassirou Diomaye Faye, qui avait promis notamment de supprimer les peines d'emprisonnement pour les infractions de presse et de protéger le travail des journalistes, est une opportunité pour mener des réformes de fond pour garantir le droit à l'information au Sénégal", a insisté le directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF, Sadibou Marong.
Avant la publication du rapport, RSF a informé qu'il a présenté le document, le 3 juin, au ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique qui, selon l'organisation, a affirmé "être à l'écoute pour mener les chantiers nécessaires".
Recommandations de RSF
Reporters sans Frontières a formulé une série de recommandations aux autorités publiques pour redonner à la presse sénégalaise l'image ou la place qu'elle occupait en Afrique de l'Ouest et de toute l'Afrique en général. L'une des premières recommandations de l'organisation consiste à supprimer les peines privatives de liberté pour les infractions de presse et d'assurer qu'aucun journaliste ne sera privé de sa liberté pour avoir exercé son métier. RSF a également recommandé aux autorités publiques d'adopter un schéma national du maintien de l'ordre garantissant la protection des journalistes qui couvrent des manifestations sans restreindre leurs activités.
De même, il a exhorté les pouvoirs publics de diligenter systématiquement des enquêtes et des poursuites judiciaires lors de violences contre des professionnels de l'information. Dans le même sillage, l'organisation a suggéré à l'État de confier à une commission parlementaire une mission de réflexion sur la criminalisation du cyber-harcèlement visant tout particulièrement les journalistes.
En outre, RSF a recommandé la protection des femmes journalistes sur le terrain et au sein des rédactions. Ainsi, il a exhorté l'État à inciter les médias à la mise en place d'un système d'autorégulation de la publicité ainsi que de soutenir les radios communautaires.
En outre, RSF a exhorté la protection du droit à l'information fiable face à l'intelligence artificielle générative. De même, il recommande le remplacement des mesures de coupure de l'accès aux réseaux sociaux par une loi sur la régulation des plateformes numériques.
FATIMA ZAHRA DIALLO