Après l'annonce lundi de la démission de Benoît XVI, des voix s'élèvent pour réclamer un Africain comme prochain pape.
Le monde compte 1,2 milliard de catholiques et 15% d'entre eux, environ, viennent d'Afrique, continent qui connaît la plus forte progression démographique.
Le pourcentage de catholiques est en constante évolution dans ce continent, par rapport à d'autres régions du monde. Les noms du Ghanéen Peter Turkson et du Nigérian John Onaiyekan ont déjà circulé, comme potentiels successeurs au pape, ainsi que celui de Francis Arinze, lui aussi nigérian et déjà évoqué au moment de l'élection de Benoît XVI. Mais il est maintenant âgé de 80 ans.
"Je pense qu'avec la représentation de la communauté noire dans la grande communauté catholique, il est légitime qu'on en arrive à un pape noir", estime René Legré Hokou, président de la Ligue ivoirienne des droits de l'Homme. "Un pape africain, ça pourrait donner plus de vitalité à l'Eglise catholique dans le monde noir, cela dénoterait du caractère universel de cette religion", ajoute-t-il. L'économiste Pat Utomi, ancien candidat à la présidentielle et figure de la communauté catholique nigériane, reconnaît qu'il serait fier si un Africain était élu, "mais il faut mettre cela de côté", estime-t-il. "Je pense que ce qui compte, c'est que ce soit la bonne personne, avec une vision qui corresponde à l'époque", dit-il.
En ce sens, il estime que l'Afrique est représentative, à plusieurs niveaux, des problèmes auxquels est confrontée l'Eglise catholique. "Jean-Paul II était une réponse à l'Union Soviétique", pense M. Utomi. "D'une certaine façon, le défi de l'Eglise est de réussir à trouver (. . . ) un terrain d'entente avec l'Islam et avec le mouvement pentecôtiste". Les Africains ont adhéré en masse aux églises évangélistes, nombre d'entre eux considérant qu'elles sont plus en phase avec leurs préoccupations quotidiennes. Cela pose un problème majeur à l'Eglise catholique. Aussi, dans des pays comme le Nigeria, divisé entre un nord majoritairement musulman et un sud à majorité chrétienne, les tensions ethniques et religieuses ont entraîné des accès de violence.
L'archevêque d'Abuja John Onaiyekan, nommé cardinal en octobre, n'a pas ménagé ses efforts pour rassembler les chrétiens et les musulmans de son pays. "Il nous faut un dirigeant habile --de la même façon que Jean Paul II a réussi à dialoguer avec l'Eglise d'Orient, avec les orthodoxes de l'Est", pense M. Utomi. Pour des observateurs du Vatican, le Conclave pourrait décider d'élire un pape d'Amérique Latine, d'Afrique ou d'Asie. Pour d'autres, le critère de l'âge pourrait avoir son importance --Benoît XVI, qui se retire à 85 ans en raison de son âge, pourrait demander aux cardinaux d'élire un pape plus jeune pour s'assurer qu'il pourra aller jusqu'au terme de son mandat.
Benoît XIV s'est rendu deux fois en Afrique, au Bénin, en 2011, et en Angola et au Cameroun en 2009. "Je pense que nous devons remercier Dieu pour cet homme (. . . ), pour la sollicitude dont il a fait preuve pour l'Eglise, en particulier en Afrique", estime l'Archevêque de Lagos Alfred Adewale Martins.
Mais malgré l'engagement du Vatican en faveur du continent noir, certains doutent que l'heure d'un pape africain ait sonné. "Je doute que nous ayons un pape africain", a déclaré le paroissien Zeb Renardo de l'église San Antonio da Polana, à Maputo, capitale du Mozambique, peu après l'annonce de Benoît XVI, ajoutant que "le moment n'est pas encore venu".
Pour le père polonais Stanislaw Skuza, recteur de la basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro, en Côte d'Ivoire,consacrée par Jean Paul II en 1990 et plus important sanctuaire chrétien d'Afrique, "pourquoi pas un prêtre non-occidental?" "Le monde est actuellement multicolore", rappelle-t-il.
Jeuneafrique