Tentative de musellement ou victimisation ?
Alors que certains candidats de l’opposition, comme Khalifa Ababacar Sall et Dr Babacar Diop, mènent leurs activités sans être inquiétés, d’autres, comme Malick Gakou et Bougane Guèye Dany, se plaignent de tentatives d’intimidation et de sabotage. Du deux poids, deux mesures, selon leurs soutiens, une simple tentative de victimisation, accusent les pourfendeurs.
C’est devenu un effet de mode. Il ne se passe presque plus une semaine sans voir des politiciens de l’opposition se plaindre de sabotages de leurs convois, dans le cadre de leurs tournées politiques. En partance, hier, pour Kédougou pour présenter ses condoléances à la famille des victimes des récentes manifestations de Khossanto, le candidat de Gueum sa Bopp, Bougane Guèye Dani, a regretté des entraves orchestrées par des éléments appartenant aux forces de défense et de sécurité. Dans une note reçue à ‘’EnQuête’’, son équipe de communication informe : ‘’Le voyage de Bougane Guèye Dany vers Kédougou a été confronté à un obstacle inattendu, lorsque le cortège a été bloqué à Koussanar, dans la région de Tambacounda, par les forces de l'ordre. Cette nouvelle entrave suscite la frustration de l'opposant.’’
Interpellé sur les circonstances et moments de ces entraves, ce membre de la cellule de communication précise : ‘’C’était entre 12 h et 13 h. Ils ont arrêté le cortège ; ils ont demandé pourquoi ce rassemblement ? Est-ce qu’ils ont une autorisation ? Vont-ils à une manifestation ? Ils ont essayé de les accuser de troubler l’ordre public, après avoir vérifié la conformité des documents de toutes les voitures du cortège. Par la suite, après appels et des va-et-vient, ils ont laissé partir les membres de la délégation. Destination Khossanto.’’
De l’avis du staff de l’opposant, l’Administration fait du deux poids, deux mesures, parce que pendant qu’on créait des problèmes à leur candidat qui menait un ‘’voyage humanitaire’’, celui de Benno Bokk Yaakaar menait tranquillement ses activités qui pourraient être assimilées à une campagne déguisée. ‘’Cette nouvelle entrave suscite la frustration de l'opposant, d'autant plus que, pendant ce temps, une autre personnalité politique, Amadou Ba, bénéficie d'une escorte sécuritaire et de l'accueil des autorités préfectorales, pour assister au lancement officiel des travaux de bitumage de la route Pire - Méouane - Daya Diop. Cette initiative soulève des questions, alors que nous sommes à seulement cinq mois des élections, suscitant des doutes quant à ses véritables intentions : s'agit-il d'une campagne déguisée, tandis que les opposants peinent à organiser des rencontres paisibles avec leurs partisans ?’’, s’interroge l’homme d’affaires politicien.
Bougane invoque un ‘’voyage humanitaire’’ à Khossanto et arrive à poursuivre son chemin
Si le candidat de Gueum sa Bopp a pu continuer son trajet sur Kédougou à la suite de cette brève interruption au niveau de Koussanar, Malick Gakou, lui, semble avoir moins de chance. Depuis qu’il a entamé sa tournée politique dans le Nord, il ne se passe pas un jour sans voir ses soutiens dénoncer dans les réseaux sociaux des tentatives de sabotage des FDS sur instructions de l’Administration territoriale. Les dernières en date ont été notées dans la région de Saint-Louis où il était hier.
Sur sa page Facebook, le candidat regrette : ‘’Comme partout où je suis passé avec ma caravane ‘Yoonu Ndam li’ (le chemin de la victoire, en wolof), la police et la gendarmerie sont déterminées à m’empêcher de circuler librement, allant même jusqu’à user du gaz lacrymogène pour disperser mes militants. Triste image pour notre démocratie.’’
Dans un communiqué, la section dakaroise du Grand parti dénonce une ‘’folie répressive’’ sur leur chef et candidat à la Présidentielle. ‘’Les responsables et militants du Grand parti du département de Dakar s’insurgent contre l’excès de zèle manifesté par les FDS qui n’ont pas hésité à gazer et jeter des projectiles sur un candidat qui n’a fait qu’exercer sa liberté de déplacement, un droit garanti par la Constitution’’, lit-on dans le communiqué.
Selon le document, depuis que Gakou est arrivé à Ndande (Louga où devait débuter sa tournée), des arrêtés et communiqués violant toutes les règles de droit et émanant des autorités administratives ont servi de prétextes pour intimider leur candidat. ‘’Malgré ce harcèlement et ces tentatives d’intimidation indignes d’un État de droit, la coalition Gakou 2024 et son leader sont déterminés à aller à la rencontre des Sénégalais partout où ils se trouvent’’, fulminent les responsables du Grand parti à Dakar.
Tout a commencé au niveau de Richard Toll. Dans une vidéo partagée par les amis de Gakou, on peut voir le candidat en pleine discussion avec les officiers de police. Lesquels lui ont notifié un arrêté du gouverneur le sommant de mettre un terme à ses activités pour défaut de déclaration préalable, conformément à la loi (voir encadré). Sur la vidéo, on entend le MC qui proteste pendant que Gakou échange avec les hommes en tenue. ‘’Les gens de la majorité sont en train de mener leurs activités politiques tranquillement, mais nous on nous interdit de mener les nôtres. On est dans quel pays ? C’est injuste’’. Puis, le public scande : ‘’Libérez Gakou ! Libérez Gakou… !’’
Malick Gakou dénonce une stigmatisation contre Yewwi Askan Wi
Jusque-là, ce dernier n’est pas arrêté pour être libéré. Les échanges semblent même empreints de respect dans la vidéo. D’ailleurs, prenant le micro, Malick Gakou apaise : ‘’Comme vous le voyez, le commissaire vient de me notifier l’interdiction de notre manifestation. En tant que républicain, je suis obligé de me conformer à cette notification. Même si nous ne sommes pas d’accord, même si nous dénonçons la forme, même si nous dénonçons le fond.’’ Dans d’autres vidéos, on voit le maire de Guédiawaye, Ameth Aidara, très agité dans des échanges houleux avec les forces de l’ordre. Et par moments ça a failli dégénérer. Membre de la délégation, le coordonnateur des étudiants, Malamine Fall, revient sur ce qu’il considère comme de la stigmatisation envers Yewwi Askan Wi. ‘’Khalifa Ababacar Sall, Dr Babacar Diop et les gens de BBY sont en train de mener tranquillement leurs activités. Ils n’ont jamais été inquiétés. Pourquoi Malick Gakou est pourchassé partout ? J’ai l’impression que tout ce qui est rattaché à Yewwi est brimé par le pouvoir’’, s’insurge le proche de Gakou.
Alors que certains soutiens de l’opposition invoquent systématiquement un musellement des autres candidats, d’autres mettent en exergue l’entêtement de certains opposants à ne pas se conformer aux règles qui exigent le respect d’un certain nombre de formalités, dont la déclaration préalable.
D’ailleurs, bien avant Gakou et Bougane, il y a eu les cas Dr Abdourahmane Diouf et Ousmane Sonko. Mais malgré ces exemples, certains continuent de vouloir mener leurs activités sans déclaration préalable, pour ensuite se présenter en victimes.
À la question de savoir quelle est leur version par rapport à la version de l’autorité selon laquelle ils n’ont pas respecté l’obligation de déclaration, Malamine Fall déclare : ‘’C’est notre nième tournée nationale, la quatrième. On n’a jamais fait de déclaration ; on ne nous a jamais inquiétés. Et comme je vous l’ai dit, les autres qui sont en train de mener leurs activités ne sont pas inquiétés. C’est Yewwi Askan Wi qui est ciblée.’’
L’autorité invoque une violation de la loi et l’absence de déclaration Pour en savoir davantage sur ces interdictions tous azimuts, ‘’EnQuête’’ a essayé de joindre le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Maham Ka, mais en vain. Toutefois, le document du gouverneur de Saint-Louis notifié à Malick Gakou a été plus ou moins explicite. À en croire l’autorité, l’organisation des manifestations sur la voie publique est assujettie à des règles précises. Le gouverneur explique à Gakou : ‘’Il m’a été donné de constater votre présence dans le département de Podor à la tête d’une procession motorisée, depuis la nuit du 18 au 19 septembre. Selon toute vraisemblance, cette activité se poursuivrait dans les autres départements de la région de Saint-Louis. À cet effet, je voudrais rappeler que la libre circulation des personnes et des biens, ainsi que les manifestations et autres réunions sont rigoureusement encadrées par un dispositif législatif, lorsqu’il s’agit de la voie publique.’’ Aussi, fait remarquer le gouverneur, ‘’l’absence de déclaration d’une manifestation sur la voie publique, auprès de l’autorité administrative compétente, s’assimile-t-elle à un attroupement obligeant les forces de sécurité à procéder à sa dispersion. Dans ce sens, je vous renvoie aux dispositions de la loi n°78-02 du 29 janvier 1978 relatives aux réunions et à celles de la loi n°74-13 du 24 juin 1974 abrogeant et remplaçant les dispositions du Code pénal’’. Par conséquent, souligne le gouverneur, ‘’je vous saurais gré de prendre en toute responsabilité les mesures nécessaires afin de mettre un terme à cette situation’’. Malgré cette notification, Gakou et les siens ont poursuivi leur caravane. Partout, la police ou la gendarmerie sont intervenues pour disperser la manifestation, non sans heurt dans certaines situations. |
MOR AMAR