Le vol censé expulser des migrants vers le Rwanda est annulé
Il s’agit d’une décision prise en urgence par la cour, alors que plusieurs recours avaient été déposés contre cette décision du gouvernement britannique.
C’est un revers pour le gouvernement britannique : malgré sa détermination à expulser des demandeurs d’asile vers le Rwanda, à 6 000 kilomètres de là, pour dissuader les arrivées illégales au Royaume-Uni, le premier vol a été annulé, à la suite d’une décision en urgence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Ce projet, critiqué par l’ONU, est très populaire au sein de l’électorat conservateur, alors que le premier ministre, Boris Johnson, tente de restaurer son autorité après avoir échappé à un vote de défiance de son parti. Mais après des recours en justice, une décision de la Cour européenne des droits de l’homme a contraint l’avion spécialement affrété pour des centaines de milliers d’euros à rester au sol. « Dernier billet annulé. PERSONNE NE PART AU RWANDA », a tweeté l’association d’aide de soutien aux réfugiés Care4Calais, qui avait annoncé de précédentes annulations d’expulsions.
Des sources gouvernementales ont confirmé à l’agence de presse britannique PA que l’avion prévu ne décollerait pas en raison des interventions de dernière minute de la CEDH. A l’origine, les autorités comptaient expulser jusqu’à 130 demandeurs d’asile (Iraniens, Irakiens, Albanais ou Syriens) dans ce premier vol, un chiffre qui n’avait cessé de se réduire à la suite de divers recours individuels.
Dans un rebondissement de dernière minute, la CEDH a stoppé mardi soir l’expulsion d’un demandeur d’asile irakien, en prenant une mesure d’urgence provisoire, une source de soulagement pour les associations de défense des droits des migrants qui jugent le projet du gouvernement cruel et immoral. La CEDH, sise à Strasbourg, a estimé que l’expulsion de cet Irakien devait être repoussée jusqu’à ce que la justice britannique ait examiné la légalité du projet de loi, ce qui est prévu en juillet. Il s’agit en particulier de s’assurer que les migrants puissent avoir accès à des procédures équitables au Rwanda et que ce pays soit considéré comme sûr.
Le gouvernement britannique « pas découragé »
Tout en disant s’attendre à des recours, le gouvernement britannique avait pourtant répété ces derniers jours sa détermination à procéder aux expulsions vers le Rwanda. « Il y aura des personnes sur ces vols et si elles ne sont pas sur ce vol, elles seront sur le suivant », avait affirmé plus tôt dans la journée la cheffe de la diplomatie, Liz Truss, sur Sky News. « Nous n’allons d’aucune façon être dissuadés ou gênés par certaines critiques », avait abondé le premier ministre, Boris Johnson.
Après la décision de la CEDH, le ministre de l’intérieur, Priti Patel, a déclaré : « On ne nous découragera pas de faire ce qu’il faut et de mettre en œuvre nos plans pour contrôler les frontières de notre pays. » En vertu de son accord avec Kigali, Londres financera dans un premier temps le dispositif à hauteur de 120 millions de livres (140 millions d’euros). Le gouvernement rwandais a précisé qu’il proposerait aux migrants la possibilité « de s’installer de manière permanente ».
Une politique « immorale », selon l’Eglise anglicane
Lors d’une conférence de presse à Kigali, la porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo, a estimé que cet accord constituait une « solution à un système d’asile mondial défaillant ». « Nous ne pensons pas qu’il soit immoral d’offrir un chez-soi aux gens », a-t-elle ajouté, expliquant que le Rwanda serait « heureux » d’accueillir « des milliers de migrants ».
« Cette politique immorale couvre le Royaume-Uni de honte », ont, de leur côté, estimé dans une lettre publiée mardi par le journal The Times les chefs spirituels de l’Eglise anglicane, dont l’archevêque de Canterbury, Justin Welby, celui de York, Stephen Cottrell, et vingt-trois évêques.
« Les personnes immorales dans ce cas-ci sont les trafiquants », a répliqué Mme Truss. Le prince Charles a jugé en privé « consternant » le projet du gouvernement, avait rapporté samedi le Times, ce qui a alimenté la polémique alors qu’il doit participer à une réunion du Commonwealth à partir du 20 juin au Rwanda.
Le Monde avec AFP