La transhumance sous le boisseau
Ils se comptent par dizaines et bientôt par centaines, les militants et responsables libéraux qui rejoignent l'Alliance pour la République du président Macky Sall, dont un mystérieux collectif d'anciens députés. EnQuête dévoile quelques figures...
L'Alliance pour la République est, par ces temps qui courent, le parti le plus attractif sur l’échiquier politique national. Du moins si l'on en croit certains de ses responsables dont le directeur des structures, Mbaye Ndiaye. Dans un entretien accordé au Quotidien, l'ex-ministre de l'Intérieur soutenait que 33 ex-députés libéraux (du Parti démocratique sénégalais) ont déjà rejoint les rangs de l'Apr, sans toutefois révéler leurs identités. Aujourd'hui, EnQuête a appris de bonnes sources que ce groupe de «libéraux» est en réalité regroupé de manière informelle dans un «Collectif», ayant en commun un «valeureux fait de guerre» : celui de s'être opposé à la pétition qui, au plus fort de la guerre de Wade contre un certain...Macky Sall, appelait à ramener le mandat du président de l'Assemblée nationale...Macky Sall de cinq à un an. C'est la loi Sada Ndiaye qui a fait le reste du boulot.
Sur cette short-liste que les initiateurs de cette transhumance doucereuse font tout pour cacher, figurent l’ex-député de Goudiry, Khadidiatou Sy, Abdourahmane Sow, ancien baron du Parti socialiste, passé au Pds après l'élection de Wade en 2000, ex-ambassadeur en Tunisie, redevenu député, puis démissionnaire du Pds avant la fin du régime libéral. Aujourd'hui, et depuis janvier, il est le président du Conseil d'administration de l'Office du Lac de Guiers.
Il y a aussi Amadou Ciré Sall, ancien député des Sénégalais de l’Extérieur, ex très proche de Macky Sall dans le Parti démocratique sénégalais, mais qui avait choisi le pouvoir dans la guerre citée plus haut ; mais également les deux Moussa Diao, responsables politiques à Vélingara et Kolda respectivement, Fatou Diouf, ancien député (Tattaguine, à Fatick), Daba Camara (Gossas, à Fatick), entre autres.
Joint par EnQuête, Mme Sy, coordonnatrice dudit collectif, qui a refusé de révéler les noms de ses autres collègues, confirme. «Effectivement, le président Macky Sall a reçu le collectif qui est au nombre de 30 députés qui s’opposaient au vote de la loi qui visait à le destituer du perchoir. Il nous a demandé de venir continuer le travail avec lui.» Mais contrairement aux affirmations de Mbaye Ndiaye : «Nous n’avons pas encore pris de décision», précise-t-elle. «Nous sommes en train de réfléchir sur quelles conditions nous allons nous mouvoir dans l’Alliance pour la République. Puisque nous venons de régions différentes et avons des personnalités différentes, les décisions doivent être prises de manière individuelle», fait-elle savoir. Contrairement à Mme Sy, Abdourahmane Sow n’a pas souhaité s’exprimer sur la question.
Leur collègue de Latmingué, Malick Guèye lui, n’a pas attendu longtemps pour se déterminer et atterrir dans les prairies marron. Mais l'arrivée de l'ex-président de la Fédération départementale du Pds de Kaolack n’enchante pas les militants «apéristes» en dépit de son parrainage par la Première Dame, Marième Faye. Cet ancien dignitaire libéral, qui aimait «dépenser sans compter» au profit des populations de Kaolack, semble aujourd’hui vivre difficilement la perte du pouvoir.
«Cinquième colonne»
D'autres anciens députés seraient déjà dans la maison «marron». Comme Ousmane Bâ (Ranérou), Dib Sarr (Foundiougne), cousin du président de la République. Ex Dg de Petrosen, et ancien patron des cadres du Pds, Serigne Mboup a été proche de Macky Sall avant de choisir, lui aussi, de cheminer avec Wade. Abdourahmane Ndiaye, conseiller politique actuel du chef de l'Etat, ne doute pas de son appartenance actuelle ou future à l'Apr. «Sous le régime de Wade, je suis allé le voir chez lui, il m'a montré la carte de membre de sa femme : elle était déjà avec Macky et l'Apr», nous a-t-il dit mercredi soir.
Autre DG, Macoumba Diouf, de l'Institut sénégalais de recherche agricole (ISRA), hier plutôt proche de Farba Senghor au Pds. Le fait qu'il ait été maintenu à son poste serait une indication quant à ses nouvelles amours.
Cette migration massive de militants et responsables libéraux vers l'Apr se fait tout naturellement, note Abdourahmane Ndiaye, par ailleurs Secrétaire administratif national de l'Apr. «Qu'on le veuille ou non, il y a toujours une certaine attraction qu'exerce le parti au pouvoir», estime-t-il. Parmi les «33 ex-députés libéraux» qui ont rallié la mouvance présidentielle, dit-il, 7 travaillaient déjà pour l'accession de Macky Sall au pouvoir. Dont Abdoulaye Ndour, promu DAGE de la Présidence de la République. «Abdoulaye a toujours été un mackyste, explique-t-il. C'est pour honorer des engagements bancaires qu'il est resté à son poste sous l'ancien régime.» Ces «infiltrés» au service du futur chef de l'Etat, Abdourahmane Ndiaye les appelle «la cinquième colonne de l'Apr».
ASSANE MBAYE & DAOUDA GBAYA