Ces crashs que l'on pourrait éviter
Le 30 novembre, 32 personnes sont mortes dans un accident d'avion à Brazzaville. Les conditions météo étaient mauvaises, et l'appareil, un vieil Iliouchine, n'aurait jamais dû être autorisé à voler.
Après le crash d'un avion-cargo à Brazzaville, qui a provoqué la mort de 32 personnes le 30 novembre, la consternation régnait dans la capitale congolaise. L'équipage arménien de l'Iliouchine T76, de fabrication soviétique, avait pris la décision d'atterrir alors qu'une tempête tropicale s'abattait sur la ville. Pris dans des vents violents, l'appareil a raté son atterrissage et s'est écrasé sur des logements jouxtant la piste de l'aéroport. Propriété de la compagnie arménienne Rij Airways, l'avion opérait pour le compte du congolais Aéro-Service. « Un pilote qualifié attend toujours que la tempête se calme avant d'atterrir ! » assure Jean-Pierre Delpech, président de Quali-audit, une société de certification aérienne présente au Congo.
« Aéro-Service avait déjà trois crashs à son actif. Depuis qu'un autre de ses appareils a eu un accident à Pointe-Noire, en 2008, il n'avait plus l'autorisation de transporter des passagers et s'était replié sur le fret », rappelle Fatima Beyina Moussa, directrice générale d'une compagnie locale concurrente, EC Air. Quant à Olivier Baric, patron d'Egis au Congo, la société qui gère l'aéroport de Brazzaville, il regrette l'inefficacité de l'aviation civile locale. « Elle manque de moyens, elle est peu qualifiée et elle n'est pas suffisamment regardante lors de ses inspections », affirme-t-il.
Ce nouvel accident ne va pas améliorer les mauvaises statistiques de l'Afrique subsaharienne en matière de sécurité aérienne en 2012. Le 2 juin, 20 personnes ont été tuées dans un accident à Accra. Le lendemain, le crash d'un avion sur Lagos a fait 163 morts. Comme à Brazzaville, la forte urbanisation autour des aéroports a été un facteur aggravant. « En 2011, l'Afrique a enregistré 1 accident pour 305 000 vols effectués sur des appareils de construction occidentale, rappelait Thomas Windmuller, secrétaire général de l'Association internationale du transport aérien (Iata), aux patrons de compagnies africaines réunis fin novembre à Johannesburg. C'est neuf fois plus qu'ailleurs dans le monde. » Surtout, ce chiffre n'inclut pas les accidents sur des appareils de fabrication soviétique, comme celui de Brazzaville.
A Prix cassés
« Ce qui pose problème sur les Iliouchine et les Antonov des années 1960, c'est une maintenance défectueuse et le manque d'entraînement des pilotes, explique le consultant Cheick Tidiane Camara, du cabinet spécialisé Ectar. Après l'éclatement de l'URSS, des compagnies ukrainiennes, russes, géorgiennes, kazakhes ou arméniennes sont venues avec ces avions en Afrique. Elles ont proposé leurs services à prix cassés, souvent au mépris des règles de sécurité. Ces appareils sont encore nombreux au Congo, en Angola, en Guinée, en Guinée équatoriale et en RD Congo, des pays qui avaient des liens avec le bloc soviétique. »
L'Organisation de l'aviation civile internationale (Oaci) affirme pourtant que l'Afrique progresse. « En 2011, les États du continent se sont engagés à rendre obligatoire la conformité de leurs compagnies aux normes internationales d'ici à 2015 », fait valoir Mam Sait Jallow, son directeur pour l'Afrique centrale et occidentale. Mais les deux Congos sont très en retard sur les autres pays. « Les accidents qui y surviennent expliquent une large part des résultats médiocres du continent en matière de sécurité. Nous sommes prêts à les aider à progresser, mais nous ne pouvons pas nous substituer aux États », conclut-il.
Jeuneafrique