Le retour du dialogue dans un partenariat à réinventer

Alors que Dakar et Paris s’étaient éloignés depuis l’alternance politique de mars 2024, les deux capitales s’apprêtent à renouer officiellement le fil du dialogue, à travers un séminaire intergouvernemental prévu à l’automne 2025. Derrière cette relance diplomatique, pilotée par le nouvel ambassadeur sénégalais en France, se dessine une nouvelle ère de coopération fondée sur la souveraineté, la réciprocité et le réalisme économique.
Depuis quelques mois, les signaux d’un dégel diplomatique entre Paris et Dakar se multiplient. Au moment où les relations entre la France et le Sénégal avaient connu un refroidissement notable depuis l’arrivée au pouvoir du duo Diomaye-Sonko (avril 2024), la dynamique semble aujourd’hui amorcer un tournant. Un séminaire intergouvernemental de haut niveau, initialement annoncé pour juin 2025, devrait finalement se tenir à Dakar durant le deuxième semestre de l’année.
D’après les informations d’’’Africa Intelligence’’ (9 mai 2025), les contours de cette sixième édition du séminaire franco-sénégalais se dessinent progressivement. Cette rencontre, la première du genre sous le nouveau régime, est suivie de près par Baye Moctar Diop, nouvel ambassadeur du Sénégal en France. Ancien représentant à Bruxelles auprès de l’Union européenne, ce diplomate expérimenté travaille de concert avec le Quai d’Orsay pour poser les bases d’une relance des relations bilatérales.
La tenue de ce séminaire à Dakar, et non en France comme lors de la cinquième édition aux Champs-sur-Marne, est déjà en soi un signe fort. Selon la même source, des invitations devraient être envoyées dans les prochaines semaines au Premier ministre français François Bayrou ainsi qu’à une partie de son gouvernement.
Si cette présence se confirme, elle prolongera la tradition instaurée par Édouard Philippe, présent à Dakar en 2019, lors de la quatrième édition.
Le contenu de l’agenda s’annonce dense. L’avenir de la coopération sécuritaire entre les deux pays, mis à mal depuis fin 2024, devrait être l’un des points chauds. Le rapatriement progressif des Éléments français au Sénégal (EFS), voulu par le président Bassirou Diomaye Faye, reste en cours et devrait s’achever d’ici fin 2025.
Toutefois, le sort de certaines installations militaires françaises sur le sol sénégalais demeure en suspens : station de transmission à Rufisque, Falcon 50 de Dassault, logistique éparse. Autant de points de négociation sensibles.
Autre thème majeur : la coopération financière. Le Sénégal tente de renégocier un nouveau programme avec le Fonds monétaire international (FMI), après avoir reconnu, par audit, un important écart dans les chiffres de la dette et du déficit transmis sous l’ancienne administration. Cette sous-estimation pourrait exposer le pays à des sanctions de la part du FMI, qui envisage une procédure pour "misreporting".
Dans ce contexte, le soutien de Paris, membre influent de l’institution de Bretton Woods, est jugé crucial.
Si les tensions entre Dakar et Paris ont été réelles, notamment en raison de la posture assumée par Ousmane Sonko contre la présence française en Afrique, une inflexion semble à l’œuvre. ‘’Africa Intelligence’’ révèle que le Premier ministre sénégalais, sous l’effet des difficultés économiques internes, a été encouragé par son entourage à renouer le dialogue avec Paris. Une visite du chef du gouvernement sénégalais en France avait même été envisagée pour le mois de juin, en cas de report du séminaire.
Pour autant, ce dégel diplomatique ne saurait occulter la nouvelle philosophie affichée par les autorités sénégalaises. Le partenariat avec la France, autrefois considéré comme prioritaire, est appelé à être repensé à l’aune des principes de souveraineté, de réciprocité et de transparence. La diplomatie ‘’de rupture’’ défendue par Sonko ne renonce pas au dialogue, mais entend le conduire sur de nouvelles bases : respect mutuel, coopération équilibrée et fin des réflexes néocoloniaux.
Ainsi, si la relance des relations franco-sénégalaises est en marche, elle s’effectue dans un cadre redéfini. Le séminaire intergouvernemental attendu à Dakar pourrait symboliser ce nouvel équilibre, entre pragmatisme économique et affirmation politique.