Publié le 14 Jun 2014 - 18:02
SOULEYMANE JULES DIOP CONSEILLER DU CHEF DE L'ÉTAT

‘’Al Makhtoum, Serigne Mansour, Kara, Macky et moi’’

 

Attaqué de toutes parts depuis un certain temps, le conseiller en communication du président de la République sort de son mutisme. Et règle ses comptes. Dans cet entretien accordé à Enquête, Souleymane Jules Diop revient sur le retour de Wade à Dakar, parle de ses relations avec Serigne Abdoul Aziz Sy Almin et Serigne Modou Kara. Pour ensuite lever un coin du voile sur la nature de ses rapports avec le chef de l’État. 

 

Le Président Wade est rentré à Dakar sans bruit, c’est différent de la cacophonie notée lors de son premier séjour, quelle explication ?

Ce que vous appelez cacophonie a été souhaité par lui, Abdoulaye Wade et non par nous. Abdoulaye Wade est un ancien Chef d’État, et c’est à ce titre que toutes les dispositions avaient été prises pour qu’il bénéficiât de toute l’assistance nécessaire. Une escorte avait été prévue pour le conduire à son domicile.

 Au point de se rendre au salon d’honneur, est-ce un deal ?

Il a peut-être été bien conseillé. Cette peine qu’il s’est donnée pour se cacher, transiter par un autre aéroport, il aurait pu se l’éviter. Le Président Sall, je vais vous surprendre en vous le disant, éprouve une grande affection pour le Président Wade. Il lui rend hommage publiquement à chaque fois qu’il en a l’occasion. Vous n’entendrez jamais Macky Sall dire du mal de Wade.

Nous sénégalais, devons tous quelque chose à Wade, malgré ses grands défauts. Il faut savoir porter des jugements honnêtes sur les gens.

Si comme vous dites le PR continue d'avoir de l'affection pour Wade. Qu'est-ce qui empêche donc leurs retrouvailles?

Le seul problème, c’est Karim Wade, et il doit être jugé. Ce n’est pas une décision de Macky Sall, c’est une exigence du peuple sénégalais. J’ai été à ses côtés les premiers moments de l’arrestation de Karim Wade et je sais qu’il en souffrait. Sachez que si cela ne tenait qu’à Macky Sall, personne n’irait en prison. Moi aussi je suis triste de le savoir emprisonné.

C’est un homme pour qui j’avais de l’estime, malgré tout. Ceci dit, c’est impensable de céder aux exigences de Wade et libérer Karim Wade sans jugement. Il faut une confrontation et si au bout de ce procès, il est dit qu’il n’a rien fait, ce sera à la Justice de le libérer. Mais, s’il est coupable, il sera condamné. Nous serons tous tristes, mais la loi, c’est la loi.

Le Président a félicité Mary Teuw Niane, est-ce parce que vous ne reculerez pas sur les réformes ?

Je salue le leadership du président de la République. Il a fait exactement ce qui est attendu d’un chef. Mary Teuw Niane est un des ministres les plus compétents de ce gouvernement. Il est jeté à la vindicte, traité comme un malpropre, accusé des choses les plus inacceptables, avec toujours de la manipulation derrière.

Pour les réformes, c’est une voie douloureuse, difficile, mais c’est la bonne voie. Notre université mérite d’être réformée. Maintenant, toute réforme suscite des résistances, il va falloir une bonne dose de pédagogie, de ce que les spécialistes appellent de la cristallisation, en suscitant une adhésion de tous les acteurs à ces réformes, utiles et nécessaires, encore une fois.

Peut-on avoir une idée sur les rapports que vous entretenez avec Abdoul Aziz Sy Junior ?

Je ne veux pas parler de ces questions, par revu de céder à la polémique vaine. Quand, il y a quelques mois, les gens disaient que j’étais interdit de séjour à Tivaouane, il s’agissait d’une pure invention. Je venais de passer des moments d’intense émotion avec Al Amin, au Maroc. J’ai eu l’honneur de l’accueillir et de l’introduire auprès du Président Sall, avec sa délégation. Il a prié pour moi tout le long, parce que ma mère est sa disciple, elle est de sa famille proche. Le professeur Aziz Kébé était là, qui a observé cette scène qui se déroulait le jour de Badr.

Un tel homme, Al Amin, ne cède pas à certaines viles considérations. Il a plus de hauteur et s’est lui-même plaint de tout le mal que l’on tentait de me faire. Vous savez, moi, je suis un fils spirituel de Cheikh Ahmad Tijani Al Makhtoum, depuis mes 16 ans, à Fatick, chez mon ami Modou Camara. Plus tard, Al Makhtoum, brillant intellectuel d’une grande curiosité, lisait tout le temps mes chroniques, approuvait, parfois désapprouvait.

Un jour, il demande à son fils Malick : ''pourquoi mon fils n’a pas écrit aujourd’hui ?'' Malick lui a dit: ''ton fils a été agressé par les proches de Wade, il est aux urgences''. Il est entré dans une colère indescriptible, en disant que je rentrerai au Sénégal sain sauf, et que les auteurs de cette agression seraient punis.

L’auteur de cet acte est retourné sur les lieux, un an après, a été emprisonné un an et ramené au Sénégal. Quand je suis arrivé, Serigne Mansour m’a reçu, avec Pape Ngagne Ndiaye, journaliste et ma tante Khar Diop, qui porte le nom de sa femme, en présence de son fils Jamil. Il a prié pour moi, m’a donné de l’argent, ma dit qu’il a demandé à Macky de prendre soin de moi. Il m’a sommé de couper mes cheveux et de revenir travailler avec Macky Sall, l’aider pour qu’il réussisse.

Pour en revenir à vos rapports avec Al Amin, vous avez eu à tenir des propos désobligeants à son égard. Qu'est ce qui s'est passé ?

J’ai eu à rappeler des propos d’un homme politique, ce qui était déjà une faute, et j’ai regretté ce rappel. J’ai parlé 19 000 minutes, il m’est arrivé de tenir des propos parfois désagréables, parfois de trop, comme tout homme. Oui, il m’est arrivé, comme il arrive à tout le monde, surtout moi qui avais pour pratique la parole, de parfois dire des mots de trop, pendant un exil éprouvant, difficile, où on a tenté tout le temps d’atteindre mes nerfs, mon être, mon corps, ma famille, mes proches. Certains ont de la hauteur et comprennent ce fait paradoxal.

Al Amin est au dessus de tout cela. J’entretiens avec lui des relations de respect. Les moments que j’ai passés avec lui ont été intenses, pendant le Ramadan de l’année dernière. Le Président Macky Sall a su bien le décrire, en disant que chaque minute passée avec Al Amin est une minute intense, une minute de plein savoir.

Qu'en est-il aussi de vos rapports avec Serigne Modou Kara ?

Kara est mon frère. Ibrahima Sall, ancien ministre, est une fois allé voir son père, Cheikh Khady, khalife de Darou, pour lui dire : ''j’ai appris que Souleymane est ton talibé''. Cheikh Khady lui a dit : ''il n’est pas mon talibé, il est mon fils''. J’ai fait au total 7 ans, 7 mois et 7 jours d’exil. Donc, Cheikh Kara, dès qu’on a commencé à m’attaquer dans la communauté mouride, a dit : ''c’est mon rôle de protéger Souleymane''. Je lui avais dit que cela n’était pas vraiment nécessaire.

C’est avec cet homme qu’on a tenté de me mettre en mal. Il m’a connu jeune, il voulait que je reste à ses côtés quand j’ai quitté Wade et Idrissa. Il voulait me garder. Aujourd’hui encore, il me considère comme son frère de sang. Kara est au-dessus de cela, il ne se laisse pas abuser par ce montage bidon orchestré par quelqu’un qui demandait des sous au Président Sall et à qui j’ai refusé toute faveur indue.

J’ai prié à La Mecque avec Cheikh Bara Maty Lèye. Quand je suis venu le saluer, lui dire qu’on me mettait en mal avec les mourides, il m’a dit : ''tu ne me reconnais pas, mais je te connais. Nous avons fait le Magal ensemble à Montréal, il y a quelques années, et à la fin, tu es venu me saluer, me demander de prier pour ta mère''.

Certains marabouts demandent au chef de l’État de se séparer de vous. Qu'en pense le Président ?

 Macky ne m’a connu dans rien d’obscur. Il m’a dit en août 2010 : ''nous allons gagner et tu vas rentrer''. Il a gagné, il m’a appelé le lendemain de sa victoire en me disant : ''le combat est fini, rentre au pays''. Il me montre une grande affection, au point d’avoir mal quand on m’attaque. Macky me connaît, il sait ce que je vaux, il m’a connu jeune. Je suis engagé à ses côtés nuit et jour, pour son bien, pour le bien de mon pays. C’est cette affection qui fait mal à certains.

Son épouse est devenue ma sœur et tous les deux me soutiennent dans le combat que je mène pour la rémission de ma mère. La première Dame fait tout pour que je retrouve ma mère. Cette attention, je ne l'’ai jamais eue de ceux qui sont à l’origine de mon exil, qui n’ont jamais demandé des nouvelles de ma mère, encore moins lui parler.

On a l'impression que ces attaques vous ont fait mal ?

Moi, je suis parti de rien. C’est une grand-mère pauvre qui m’a éduqué, m’a inculqué des valeurs qui me permettent de tenir, dans ma rectitude morale. Elle m’a enseigné la droiture, le partage, la solidarité. Mon père, qui m’a pris dès mon adolescence, m’a appris la vraie vie, m’a fait aimer mon métier. Dans n’importe quel pays, j’aurais été médaillé, décoré, cité en exemple. Mais ici, on préfère célébrer les violeurs, accueillir les criminels en héros.

J’ai mené un combat avec mes limites, mes forces et mes faiblesses, alors que j’aurais pu accepter la main tendue de Wade, pour sacrifier ceux qui m’ont abandonné plusieurs fois pour aller renégocier avec Wade pendant que je me débattais dans des procès interminables à Montréal.

Vous voulez parler de Idrissa Seck ?

Je ne citerai pas de noms. Mais des gens qui étaient assis sur leur fauteuil, observant mes souffrances avec un brin de malice, me prenant pour un fou téméraire, veulent aujourd’hui me nuire parce que j’ai choisi de servir mon pays.

Je ne quitterai pas ce pays, je me battrai ici, je marcherai la tête haute, parce que c’est le moins que je mérite. Des gens auraient préféré avoir pitié de moi et me voir me débattre dans le froid canadien pour vivre et faire vivre mes parents. C’est raté pour eux, Dieu est avec moi.

Propos recueillis par Ibrahima Khalil Wade

 
 
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