Le paradoxe sénégalais
Le Sénégal est sur le point de devenir un pays producteur de gaz et de pétrole, en plus d’avoir un secteur extractif riche et diversifié. Les revenus espérés offrent une opportunité d'augmenter l'investissement public, au moment où les populations des zones minières sont laissées à elles-mêmes. Et que les projections de croissance à la suite des découvertes de pétrole et de gaz se sont avérées trop optimistes.
Malgré la richesse que génère le secteur extractif, les populations des zones d'exploitation continuent de subir les conséquences néfastes de l'exploitation des ressources extractives. Entre autres difficultés, on peut citer le non-respect des droits des populations en termes de dédommagement, le non-respect des engagements environnementaux, de la responsabilité sociétale d'entreprise, des dispositions de la loi sur le contenu local. Au niveau des collectivités territoriales, la question des critères de répartition mais aussi le non-paiement des montants dus au titre du fonds d'appui et de péréquation avant 2019 continuent d'alimenter le débat public.
Il s'y ajoute la non-opérationnalisation du fonds de réhabilitation des sites miniers et du fonds d'appui au développement local des collectivités abritant les entreprises d'exploitation. NRGI, un institut mondial de politique et de plaidoyer avec une réputation appréciée pour l'assistance technique et une expérience approfondie dans le secteur extractif, s'est associé au Forum civil et à l'ONG 3D - organisations de la société civile sénégalaise – pour concevoir l'approche Traces. Le Forum civil (Section sénégalaise de Transparency International) et l’ONG 3D ont une vaste expérience de soutien à la société civile sénégalaise pour plaider en faveur d'une plus grande transparence et d'une participation citoyenne dans le secteur extractif.
C’est dans ce cadre que le Programme pour la transparence et la redevabilité dans le secteur extractif au Sénégal a été lancé. Ce programme renferme en son sein un volet destiné à la formation des porteurs de voix et des décideurs. Cette semaine, ce sont les parlementaires qui sont à l’école de la problématique de la transparence et de la redevabilité dans le secteur extractif.
Selon le coordonnateur du Forum civil, ‘’les entreprises minières doivent des milliards en termes d'obligations légales, mais également en termes d'obligations contractuelles aux populations. Sabodala doit plus de deux milliards de francs CFA en termes de fonds d'appui et de développement local aux communes de la zone. Somiva a fait un chiffre d'affaires de 23 milliards FCFA en 2021 ; il doit 118 millions dans le cadre du fonds d'appui au développement local. Il y a des ressources qui doivent aller aux populations. Malheureusement, elles n'arrivent pas à recouvrer’’.
De ce fait, a constaté Birahime Seck, ‘’les populations souffraient de l'exploitation des ressources minérales dans les zones minières. Dans ces zones, les populations brassent de la poussière au moment où les entreprises brassent des milliards. Et ce n'est pas normal et ça ne répond pas au principe posé par la constitution’’.
Dans le même sens, il ajoute qu’’’à Mboro, à Taïba Ndiaye, entre autres sites miniers, les parlementaires ont constaté les souffrances que les populations vivaient avec l'agression de l'environnement, des manques d'infrastructures dans les secteurs de l'éducation et de la santé. Nous attendons des actions fermes de la part des parlementaires pour que les populations cessent de souffrir dans les zones minières’’.
Transparence dans la gestion de ces ressources
Dans ce dessein, beaucoup plus de transparence est attendue dans la gestion de ces ressources. Selon Abass Fall, ‘’les contributions et engagements des entreprises vis-à-vis des collectivités ne sont pas respectés. Les collectivités ont des problèmes pour récupérer ces contributions. Par exemple, c'est 0,5 % du chiffre d'affaires hors taxe. Il y a des entreprises qui doivent presque un milliard FCFA à des collectivités territoriales. Tout le monde est d’accord qu’il faut beaucoup plus de transparence dans la gestion de nos ressources naturelles’’.
Dans cette dynamique, le président de la Commission énergie et ressources minérales de l’Assemblée nationale indique qu’à la suite de cette session de formation, ‘’l’enjeu, pour nous, c’est que nous avons été techniquement outillés. Cela veut dire qu’on ne va pas seulement à l’Assemblée nationale pour dire ce que nous voulons, mais c’est sur des bases claires que nous allons parler à l’Exécutif et là, les gens comprendront que le travail que nous devons faire, nous l’avons effectivement fait’’.
IDRISSA AMINATA NIANG (Mbour)