Abdoulaye Makhtar Diop sera-t-il l'homme du consensus ?
Qui pour succéder ''aux deux grands seriñu ndakaaru''? Ce débat qui peut fâcher, au lendemain du décès d'El Hadji Bassirou Diagne, est au cœur des discussions.
Le 04 février 2013, disparaissait El Massamba Coki Diop, qui disputait le titre de Grand Serigne de Dakar à son neveu, El Hadji Bassirou Diagne Marième Diop, intronisé depuis 1986. Ironie du sort, le second est décédé, ce lundi 25 mars. La disparition de ces deux grands dignitaires de la communauté léboue, en un si court laps de temps, alimente les débats sous les chaumières. Cet état de fait, va-t-il faire taire les divergences de succession qui sont du reste séculaires.
En effet, les critères de désignation du «Seriñu Dakar», chef suprême des Lébous, n'ont jamais fait l'unanimité au sein de cette communauté qui s'est toujours organisée en République, depuis plus de trois siècles. Le premier à accéder à ce trône, Dial Diop, a eu la chance d'être épargné par ce climat de polémiques. C'était en 1795. Réputés pour leur caractère rebelle, des clans lébous ont toujours contesté la nomination du Grand Serigne de Dakar, du fait de ses origines sociales, même si c'est à l'issue «d'élection censitaire, au suffrage universel indirect».
«Des voix discordantes se sont toujours élevées»
Dans une contribution publiée au lendemain du décès d'El Massamba Coki Diop, le secrétaire général du Rds Mame Makhtar Guèye, membre influent de la communauté léboue, soulignait qu' «il n'y a presque jamais eu de succession d'un Grand Serigne de Dakar, sans qu'une branche dissidente de cette grande famille traditionnelle n'élise à son tour "son" Grand Serigne. Il convient d’admettre aussi que ces divergences sont souvent exacerbées par l’immixtion (intéressée) des politiques, dans les affaires internes de cette communauté traditionnelle».
Avec un bref survol de l'histoire, il rappelle que «du temps du premier président de la République du Sénégal, Léopold Sedar Senghor, Doudou Diop Moussé (le père du député Abdoulaye Diop Makhtar), candidat à la succession du défunt Grand Serigne de Dakar (El hadji Ibrahima Diop, décédé en 1969), soupçonné d'être proche de l'opposition clandestine (le pouvoir senghorien l'accusait même d'être un ancien du Pra-Sénégal), s'était vu "rafler" la mise par Momar Marème Diop, proche du président Senghor, qui reconnut ce dernier comme le Grand Serigne légitime».
Et de souligner : «Après le décès de Momar Marème Diop, en 1985, une autre bataille de succession déchira la famille léboue. Abdou Diouf, qui venait d'arriver au pouvoir, en 1981, reconnut comme Grand Serigne légitime El hadji Bassirou Diagne Marème Diop, qui avait comme challenger El hadji Mame Youssou Diop (fils de El Hadji Ibrahima Diop), qui entra alors en dissidence. (Notons que El Hadji Bassirou Diagne, qui se réclame de la lignée de Dial Diop, de par sa filiation maternelle, aura été le 3e Serigne Ndakaaru à ne pas être un «Diop», après les Grand Serigne Elimane Diol (1831-1855), d’ascendance toucouleur et descendant lui aussi de Dial Diop de par sa mère, et Alpha Diol, fils d’Elimane Diol, qui régna près de 50 ans (1896-1942)».
Si de vives tensions ont toujours émaillé l'intronisation du chef nouvellement installé, la situation se serait, aux yeux de quelques observateurs, exacerbée sous le régime de l'alternance. Il est d'ailleurs reproché à l'ancien chef de l'État sénégalais, Me Abdoulaye Wade, d'avoir tiré sur les ficelles durant son magistère, attisant ainsi le feu....
Abdoulaye Makhtar Diop, l'homme de la situation ?
Aujourd'hui que les deux Grands Serigne Dakar ont tiré leur révérence, y aura-t-il unanimité sur le futur chef ? Cette question taraude les esprits, surtout que depuis son décès, au mois de février, le successeur d'El Hadji Massamba Coki n'a pas encore été nommé. Même si du côté des notables lébous, on juge qu'il est prématuré de soulever ce débat, des regards se tournent du côté de l'ancien ministre et homme politique, El Hadji Makhtar Diop, fils de Doudou Diop Moussé. Il a des liens de parenté avec les deux défunts Grands Serigne de Dakar.
L'ancien ministre des Sports d'Abdoulaye Wade a toujours caressé le rêve d'accéder au trône. En 2007, il était en compétition avec son cousin, le défunt El Massamba Coki Diop. Il avait été battu à plate couture, mais il semble s'être taillé, depuis quelques années, le manteau de Grand Serigne de Dakar. Il a changé de look et arbore depuis la tenue bien amidonnée de chef suprême de cette communauté. S'il a le droit de prétendre à ce trône en raison de sa lignée matrilinéaire et patrilinéaire, il souffre d'un handicap : son statut d'homme politique qui lui confère d'emblée un caractère partisan. Pour l'heure, il ne fait pas encore l'unanimité des dignitaires lébous qui entendent mettre un terme aux antagonismes qui tournent à l'avantage des politiques. Tous reconnaissent cependant que les démons de la division doivent être chassés de leur cercle.
Matel BOCOUM
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