Publié le 30 Jun 2025 - 12:42
SUR L'INTÉGRATION DES DONNÉES DE LA COUR DES COMPTES

Les réserves de Tafsir Thioye

 

Comme à son habitude, le député non-inscrit Tafsir Thioye est largement revenu sur les bizarreries des chiffres de la loi de finances rectificative. D’habitude très conciliant, il a témoigné de sa gêne à voter ce qu’il considère comme un budget avec de nombreux biais. Pour lui, il y a de sérieux problèmes avec le rapport de la Cour des comptes dont les données ont été reprises, parfois avec des changements.

“Nous l’avons toujours dit et l’histoire nous donne raison avec cette LFR. Les données qui sont dans le rapport, très sincèrement, me posent problème. Je n'aime pas ne pas voter une loi de finances, mais dans ces conditions, j'aurais du mal à le faire”, avertit-il d'emblée. 

L'un des problèmes, selon Tafsir, c’est l’article 43 qui intègre la dette bancaire, les arriérés de paiement présentés comme dette non financière, les emprunts projets. “Cette disposition me pose sérieusement problème. Parce que, à mon avis, les arriérés de paiement ne peuvent être considérés comme des dettes non financières ; ce n'est pas la même chose. S'y ajoute, dans l'audit, la cour avait chiffré les arriérés à 142 milliards. Dans la LFR, les montants sont bien plus importants et on ne sait pas pourquoi”, a-t-il indiqué.

Selon lui, le problème est encore plus inextricable pour les emprunts projets. “Là, on oublie les données de la Cour des comptes. Alors que pour la dette bancaire on intègre intégralement les chiffres de la Cour des comptes, j'ai été surpris de voir que pour les emprunts sur ressources extérieures on a budgétisé que 249 milliards au moment où la cour parlait de plus de 2 000 milliards. Mais où est le reste, si j’ai bien compris ?”, souligne M. Thioye. 

L'ancien porte-parole du Parti démocratique sénégalais est aussi revenu sur les 604 milliards de surfinancement. La cour avait arrêté à 481 milliards les dépenses exécutées sur cette enveloppe. Il restait donc un reliquat de 123 milliards qui restent introuvables, selon lui, dans les lois de finances. “En sus de ces 123 milliards constatés par la cour, je dois rappeler que le ministère avait soutenu qu’il y a 155 milliards qui n’ont pas été dépensés. Ça aussi, nous ne le voyons pas dans les lois de finances”, indique Tafsir visiblement pas convaincu par les conclusions du rapport de la Cour des comptes.

“Nous avons des fonctionnaires de valeur, des fonctionnaires très compétents. Les gens ont fait des efforts colossaux pour arriver même à emprunter à des taux de 4 % sur le marché. On se lève un jour, on remet tout en cause et expose le pays à des taux de 10 % ou plus. Il faut que les bases soient solides ; je ne pense pas que ce soit le cas. Moi, je souffre sincèrement de cette situation et j'ai besoin d'éclaircissements”, charge Tafsir. 

La réplique de Diba

Ce qu'il faut savoir, répond le ministre, il y a la sphère économique et la sphère budgétaire. “Ce sont deux entités qui doivent marcher ensemble à une même vitesse. Le budget doit être le reflet de la vie économique. Malheureusement, nous avons connu une période durant laquelle la sphère économique a vécu à un rythme beaucoup plus intense. C’est-à-dire vivre au-dessus de nos moyens. C’est ce qui a provoqué ces écarts importants et une maldonne dans nos comptes”, explique le ministre des Finances. 

À cause de ces écarts, l'État, n'ayant pas les ressources pour prendre en charge certaines dépenses, attendait l’année budgétaire N+1 pour comptabiliser des dépenses qui relèvent de l’activité économique de l’année N. “Ce n’est pas un bon exercice budgétaire en respect aux principes de spécialisation des exercices, notamment l’annuité des exercices.  Pour corriger et repartir sur de nouvelles bases, on les traite en opération de trésorerie et c’est bien ce qui est conforme aux manuels des statistiques des finances publiques, puisque ce n'est pas une opération budgétaire”, a-t-il expliqué. 

 

Des questions restées en suspens

Malgré les éclairages du ministre des Finances, quelques zones d’ombre subsistent, suite aux nombreuses interpellations du député Thioye.

D'abord, où sont passés les 123 milliards restants de l'enveloppe de 604 milliards retracés par la Cour des comptes, au titre du surfinancement accordé par le Fonds monétaire international et irrégulièrement consommé. Dans le même registre, Tafsir s'est aussi interrogé sur l'utilisation des 155 milliards toujours sur la même enveloppe de 604 milliards.

En effet, le ministère des Finances avait répondu que sur les 481 milliards retracés par la cour, il y avait erreur sur 155 milliards qui n'ont pas été dépensés. 

Par ailleurs, il y a le traitement des emprunts projets. Alors que la Cour des comptes les évaluait à plus de 2 000 milliards, selon Thioye, le gouvernement n'a inscrit dans la LFR que 249 milliards. Pourtant, pour la dette bancaire, l'intégralité des 2 200 milliards a été comptabilisée. 

Enfin, sur l'intégration des arriérés de paiement comme dette non financière, les arguments qui ont été donnés ne convainquent pas tout le monde.

En effet, selon des experts, il y a une distinction nette entre les deux notions et qu'il n'est pas recommandé de semer la confusion. “Les dettes non financières se caractérisent par le fait qu'elles ne sont pas prévues dans la loi de finances. C'est, en quelque sorte, illégal. Alors que pour les arriérés de paiement, ce sont des dépenses prévues, réalisées, mais qui n'ont pas été payées pour des problèmes de trésorerie. Ce n'est donc pas la même chose”, explique un expert. 

 

Mor AMAR

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