Publié le 26 Aug 2024 - 10:29
TOUBA ET LE NOUVEAU REGIME

Une collaboration sous les projecteurs du Magal 2024

 

Le Magal de Touba, un des plus grands rassemblements religieux du Sénégal, a pris cette année une tournure particulière, avec l'arrivée du nouveau régime. Cet événement, qui célèbre l'exil de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie mouride, attire chaque année des millions de fidèles et de visiteurs venus des quatre coins du monde. Cependant, l'organisation de l'édition 2024 a été marquée par une polémique.

 

Tout a commencé avec la publication, sur les réseaux sociaux, d'une lettre de Cheikh Omar Diagne, directeur des Moyens généraux de la présidence, datée du 31 juillet 2024. Cette lettre, adressée au comité d'organisation du Magal, exprimait le refus de l'État de prendre en charge l'hébergement des délégations étrangères au King Fahd Palace, un hôtel de luxe à Dakar. Le journaliste Baba Aïdara, qui a revendiqué la publication de ce document, a précisé que la lettre avait été partagée avec son confrère Madiambal Diagne.

Le refus de l'État, justifié par des raisons de "rationalisation des dépenses" et de "nouvelle doctrine de gestion", a été mal perçu par une grande partie de la communauté mouride. Les réseaux sociaux se sont rapidement enflammés, certains accusant le gouvernement de manquer de respect à l'égard de Touba, une cité religieuse qui génère d'importants revenus pour le pays. Un intellectuel, sur sa page Facebook, a souligné que "le Magal génère plus de 400 milliards de bénéfice à ce pays", un argument qui a trouvé un écho auprès de nombreux disciples.

La réaction de Cheikh Bassirou Mbacké

Face à cette situation, Cheikh Bassirou Mbacké, porte-parole du khalife général des mourides, a ressenti le besoin de clarifier les choses. Dans une déclaration publique, il a affirmé que ni lui ni le khalife n'étaient à l'origine de la demande d'hébergement des délégations étrangères au King Fahd Palace. Il a également précisé que si une telle demande avait été faite par les autorités mourides, elle n'aurait certainement pas été refusée par l'État.

Cette clarification n'a pas manqué de surprendre, surtout au sein du comité d'organisation du Magal. Serigne Cheikhouna Mbacké Bara Falilou, président de la commission chargée des relations extérieures, a rapidement revendiqué la paternité de la lettre-demande.

Selon lui, cette pratique n'était pas nouvelle et s'inscrivait dans une tradition bien établie depuis 2009. Il a également exprimé son regret que la réponse de Cheikh Omar Diagne ait été adressée à Cheikh Bassirou Mbacké, alors que la demande initiale provenait de lui.

L'organisation du Magal et les solutions alternatives

Malgré la polémique, le comité d'organisation du Magal a su trouver des solutions alternatives pour accueillir dignement les délégations étrangères. Abdou Lahad Gaïndé Fatma, chargé de communication du comité d'organisation, a souligné que l'ensemble des hôtes sont arrivés à Dakar le 21 août par différents vols et ont été logés à l'hôtel Palm Beach, un établissement plus proche de l'aéroport, avant d'être convoyés à Touba le 22 août, veille du Magal. Ce choix a permis de gérer la situation avec discrétion, sans faire de bruit.

Abdou Lahad Gaïndé Fatma, poursuit que le Magal avait été bien préparé grâce à une collaboration étroite avec le ministère de l'Intérieur. Il a précisé que 96 % des points convenus avec les autorités avaient été satisfaits, tout en reconnaissant qu’"aucune œuvre humaine n'est parfaite". Il a exhorté les autorités à continuer leurs efforts pour améliorer encore l'organisation du Magal les années à venir.

Pour sa part, Serigne Ousmane Mbacké, coordonnateur du comité d'organisation du Magal de Touba, abonde dans le même sens. Il a déclaré que le ministre de l'Intérieur, le général Tine, avait joué un rôle central dans la supervision de l'événement, en collaboration avec plusieurs autres directions. Il a salué la volonté, la disponibilité et l'ouverture manifestées par le ministre et ses équipes, soulignant que la coopération avec eux a été exemplaire.

Malgré cela, il a reconnu que la perfection n'est jamais atteignable, mais il a exprimé une satisfaction générale quant à l'organisation de cette édition du Magal.

Les enjeux de la collaboration entre Touba et l'État

Pour le Dr Cheikh Guèye, spécialiste des relations entre l'État et les confréries au Sénégal, le Magal de Touba est un indicateur important de la qualité des relations entre le gouvernement et la communauté mouride. Il a rappelé que sous les régimes de Senghor et de Diouf, la gestion du Magal était relativement simple, en raison de la taille modeste de Touba à l'époque. Cependant, avec l'explosion urbaine de la ville sous Wade et l'importance croissante du Magal, l'événement est devenu un enjeu majeur pour les autorités. 

Pour rappel, cet éminent intellectuel et talibé mouride, est l'auteur de la thèse et du livre "Touba, la capitale des mourides" publié en 2002 chez Karthala. Actuellement, il occupe le poste de secrétaire général du Cadre unitaire de l'islam, une organisation qui rassemble diverses obédiences musulmanes. Dans le contexte actuel marqué par la controverse autour de l'organisation du Magal de Touba 2024, il relève la transformation profonde que traverse l'islam sénégalais, en particulier dans ses relations avec l'État. Malgré l'influence persistante des confréries dans le paysage religieux, il insiste sur la nécessité d'un dialogue transparent entre les autorités politiques et religieuses, et appelle à dépasser les dynamiques de clientélisme qui ont trop souvent marqué ces relations.

Dans la foulée, il a également précisé que le nouveau régime semble avoir pris conscience de l'importance stratégique de Touba. La gestion de l'hivernage à Touba et du Magal a été l'une des priorités du gouvernement depuis son arrivée au pouvoir. Cela pourrait s'expliquer par une certaine gratitude envers les populations de Touba, qui ont massivement voté pour le régime en place. Le fait que le président ait réservé sa première visite officielle aux autorités de Touba et que les ministres se succèdent dans la ville sainte témoigne d'une volonté de construire rapidement de bonnes relations.

Les perspectives

Pour plusieurs observateurs, la polémique sur l'hébergement des délégations étrangères pourrait être un simple incident de parcours dans la collaboration entre l'État et Touba. Dans une autre approche, Serigne Ousmane Mbacké estime que l'idée de confier entièrement l'organisation du Magal à l'État serait compliquée. Il considère que l'État doit rester un partenaire et non un gestionnaire direct de l'événement. Il a également évoqué l'idée de s'inspirer de l'organisation du hajj à La Mecque, tout en reconnaissant que les contextes sont différents.

Le Dr Cheikh Guèye, de son côté, a plaidé pour une plus grande souveraineté de Touba dans l'organisation du Magal, notamment en travaillant à une industrialisation accrue et à des activités économiques plus fortes pour répondre aux besoins des jeunes. Il a également reconnu que des efforts restaient à faire dans les domaines de l'eau et de l'assainissement, soulignant l'importance de doter les structures impliquées des moyens nécessaires pour remplir leurs missions régaliennes.

Bien que le Magal de Touba 2024 ait été marqué par cet incident enflammé par la toile, l'événement s'est déroulé sans heurts majeurs. La collaboration entre Touba et l'État reste solide, malgré les défis et les deux parties semblent déterminées à renforcer leurs relations les années à venir. L'importance croissante du Magal, tant sur le plan religieux que sur le plan économique, continuera d'être un enjeu central pour le Sénégal, nécessitant une gestion toujours plus rigoureuse et stratégique, reconnait le journaliste Mamadou Ndiaye.

Toutefois, il met en garde les nouvelles autorités contre des réactions passionnantes ou solitaires et suggère plus de communication dans les cercles religieux.

Il y a cinq ans, ‘’le Figaro’’ titrait : "L’autre Mecque est en Afrique", pour décrire Touba, la ville sainte qui accueille chaque année le Magal, le plus grand événement religieux de la sous-région, avec près de six millions de participants.

Selon le dernier recensement de l’ANSD, Touba est également la commune la plus peuplée du Sénégal. La ville bénéficie d'un statut particulier en tant que communauté rurale, regroupant 74 villages sous l'administration de 80 conseillers ruraux et leur président élus pour cinq ans. Tous sont issus du parti au pouvoir. Le budget annuel de la ville s'élève à environ 2,7 milliards de francs CFA (soit 4,2 millions d'euros), reflétant l'importance croissante de cette cité religieuse, non seulement en termes de population, mais aussi en termes d’influence politique et économique.

Amadou Camara Gueye

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