Ces défis qui freinent son éradication

L'Association des juristes sénégalaises (AJS), en partenariat avec le Groupe de travail juridique sur les mutilations génitales féminines (MGF) et la Plateforme genre de l'unité de gestion pays du Sénégal, a tenu hier une rencontre avec les acteurs et les officiers de police judiciaire (OPJ) pour discuter de l'application de la loi sur les MGF au Sénégal.
Les mutilations génitales féminines (MGF) sont pratiquées dans toutes les régions du Sénégal. Selon les derniers chiffres, la prévalence globale est de 23,3 % pour les femmes âgées de 15 à 49 ans. Pourtant, le Sénégal a priorisé la lutte contre les MGF, depuis plus de 25 ans et dispose d'un cadre juridique favorable à cette lutte. Cependant, le phénomène persiste.
C'est dans ce cadre que l'Association des juristes sénégalaises (AJS) a tenu un atelier d'échanges avec les acteurs judiciaires, notamment des magistrats et des officiers de police judiciaire, sur l'application de la loi relative aux mutilations génitales féminines au Sénégal.
Selon les informations disponibles, les MGF médicalisées ne sont pas très répandues au Sénégal. Le pays est également confronté au problème des MGF transfrontalières. Le Sénégal partage des frontières avec des pays où la prévalence reste très élevée et où l'existence et l'application des lois varient considérablement. Le déplacement des familles et des exciseuses à travers les frontières pour pratiquer les MGF et éviter les poursuites reste un problème pour le pays. L'atelier d'échanges a été l'occasion de renforcer la compréhension des MGF et d'aborder le cadre juridique applicable.
Cadre juridique favorable
Le Sénégal a ratifié la quasi-totalité des instruments juridiques internationaux et régionaux de protection des droits humains, notamment ceux relatifs aux droits des femmes. Au plan national, la loi du 29 janvier 1999, modifiant certaines dispositions du Code pénal, pénalise pour la première fois les mutilations génitales féminines, qu'elle punit d'une peine d'emprisonnement allant de six mois à cinq ans et des travaux forcés à perpétuité lorsqu'elles entraînent la mort. Cette loi a également donné une définition claire des MGF, qu'elle considère comme une "atteinte à l'organe génital féminin par ablation totale ou partielle d'un ou plusieurs de ses éléments, par infibulation, par insensibilisation ou par un autre moyen".
Depuis l'amendement du Code pénal, l'AJS estime que la loi est appliquée. Des poursuites pour MGF ont eu lieu et il existe un certain nombre de précédents. Néanmoins, les détails des affaires sont très limités et les informations sur le suivi des peines ne sont pas largement disponibles.
Bien que ces affaires aient réussi à porter la loi sur la place publique, l'AJS estime qu'elles n'ont pas semblé encourager suffisamment d'autres poursuites ni promouvoir des efforts plus intenses d'application de la loi. De plus, il n'y a pas de cas signalé de poursuites contre des professionnels de la santé pour avoir pratiqué des MGF.
Défis actuels
L'AJS est convaincue que la promulgation de lois ne suffit pas à mettre fin à une pratique profondément enracinée. Un certain nombre de défis entravent l'éradication des MGF. Il s'agit notamment du manque de poursuites rigoureuses des auteurs, du rejet de la loi, de la réticence des victimes à saisir la justice et de la pratique transnationale.
C'est dans ce contexte que le groupe de travail juridique sur les MGF, présidé par la vice-présidente de la Banque mondiale, et la Plateforme genre de l'unité de gestion des pays soutiennent la diffusion d'un manuel de formation juridique sur les MGF à l'intention des professionnels.
Cette rencontre avec les acteurs judiciaires s'inscrit dans l'optique de l'organisation de sessions de renforcement de capacités afin d'améliorer les connaissances des participants sur les cadres juridiques nationaux, internationaux et régionaux sur les mutilations génitales féminines (MGF).
F. BAKARY CAMARA