Des disciples du guide des «thiantacounes» n'écartent pas l'idée de créer des poches de résistance, si l'État ne met pas un terme à sa «politique de diversion».

L'atmosphère était lourde hier, devant la maison d'arrêt de Rebeuss, où les fidèles du guide des thiantacounes, Cheikh Béthio Thioune, se sont massés, en vue de lui témoigner leur attachement dans cette épreuve. Ils ont tenté tant bien que mal de faire preuve de retenue dans la ''douleur''. Regard soutenu ou mobile, tantôt plongés sur les ''khassaides'', tantôt scrutant l'horizon, des disciples de différentes couches sociales donnaient l'image d'être atterrés par le fait que leur guide a été transféré dans ce lieu de détention, sans «raison valable», mais aussi sans tambour ni trompette, dans la nuit du lundi 15 octobre. D'autres semblaient noyer leur «chagrin», voire leur «déception» dans des discussions menées en petits groupes.

Pour autant, la plupart se sont résignés à accepter avec «philosophie» le sort de leur guide qui serait victime d'un complot ourdi par l'État, avec la complicité des Occidentaux, des lobbys homosexuels et des loges maçonniques. «Ils cherchent à déstabiliser les porte-étendards de la religion musulmane, dont notre guide qui dérange, en raison de sa notoriété internationale. Il contribue au rayonnement de l'Islam grâce à ses milliers de «talibés» éparpillés dans le monde. Il s'y ajoute que l'État cherche aussi à nous provoquer. A travers ce transfert, il veut nous pousser à la faute. Il s'attend à ce que l'on sème le désordre dans ce pays, mais c'est peine perdue», confie le Djawarigne Mbaye Guèye.

''Nous ne serons pas des boucs-émissaires''

Comme ses co-disciples, il parle de «contre-événement» inventé par le gouvernement de Macky Sall en perte de vitesse et de repères, avec la débâcle de l'équipe nationale de football. La veille de la fête de tabaski, avec les difficultés d'approvisionner le marché en moutons, ne faciliterait pas également la tâche à l'actuel régime qui chercherait à parer à toute tension sociale. «La déception est grande chez les Sénégalais, Macky n'a pas été à la hauteur de ses promesses électorales. On veut nous faire porter le chapeau, mais nous ne tomberons pas dans leur jeu». L'assistance acquiesce par des hochements de tête. Au fil des minutes, les témoignages sur le Cheikh réveillent l'ardeur des disciples qui s'étaient jusqu'ici terrés dans le silence. «Il faut que la presse sache que l'on cherche à tuer notre guide. Les autorités n'ont fait que conforter mon rêve. Car j'ai vu en songe, avant hier, le Cheikh enseveli dans une étoffe blanche. Je m'en suis ouvert hier à des quo-disciples ; grande fut ma surprise lorsque j'ai appris qu'ils l'ont transféré à l'insu de tous à Rebeuss'', s'exclame le vieux Serigne Khadim Mbacké, la soixantaine, aux origines bissau-guinéennes. «Il a raison de dire qu'on cherche à liquider le Cheikh. Il loge dans la cellule de l'ancien Premier ministre Idrissa Seck. Il ne dispose même pas de climatisation. Ils cherchent à l'humilier et à le tuer à petit feu, mais qu'ils sachent qu'ils nous trouveront sur leur chemin», ajoute avec une once de colère le Djawrigne Mbaye Guèye....

À cet instant, la colère monte d'un cran au sein de la foule qui continue de tirer à boulets rouges sur le régime de Macky Sall. ''Ils allaient marcher sur nos cadavres, s'ils avaient cherché à le transférer en plein jour'', s'extasient deux dames. Mais, finalement, la tension retombe. «Il nous a toujours inculqué le sens de la retenue, de la discipline, de la rectitude. Notre fidélité à Cheikh Béthio ne souffrira d'aucune faille, malgré les coups bas de ses détracteurs. C'est une décision arbitraire, mais nous saurons manifester notre déception dans la grandeur'', souligne pour sa part Pape Maguèye Guèye, un professionnel de la communication, par ailleurs jeune chef d'entreprise.

Les talibés vont squatter les alentours de Rebeuss

Décidés à renouveler leur attachement à leur guide spirituel qui a déjà passé 6 mois à la Mac de Thiès, pour 5 chefs d'accusation dont complicité d'homicide involontaire avec acte de barbarie, recel d'armes, les talibés ont décidé de se donner rendez-vous chaque jour devant la maison d'arrêt de Rebess. «Chaque jeudi, nous quittions Dakar pour lui rendre visite dans sa cellule à la maison d'arrêt et de correction de Thiès. Nous passions la journée là-bas. Donc comptez sur nous pour venir ici chaque jour, pour lui apporter notre soutien et lui témoigner soumission. Nous allons multiplier nos actes de générosité à son égard. Il aura droit à toutes les faveurs.»

Comme d'autres fidèles du Cheikh, constitués pour la plupart de cadres de haut niveau, Pape Maguèye est décidé à faire le pied de grue devant la maison d'arrêt jusqu'à «l'affichage» des jours de visite de Béthio Thioune. «On s'attend à ce qu'un jour spécial lui soit accordé». Selon les disciples, Macky devrait traquer les «homosexuels», plutôt que de détruire un «saint homme.»

La famille du Cheikh dénonce un acharnement

Hier, la présence du neveu et fidèle du Cheikh n'est pas passé inaperçue. Il a su susciter enthousiasme chez les fidèles qui étaient, pour la plupart, d'humeur morose. Cheikh Fall, un comptable, appelle à une farouche résistance contre le gouvernement de Macky Sall. «C'est un problème purement politique, dit-il, mais c'est le lieu de rappeler à Macky que c'est lui qui parlait du phénomène Béthio quand il était du côté des souteneurs de Wade. Qu'il laisse en paix notre guide. Nous continuerons à dénoncer, avec vigueur, cette décision illégale. S'ils s'étaient au moins basés sur le droit, ils l'auraient placé sous contrôle judiciaire. Mais qu'ils sachent que nous n'allons pas nous laisser faire. Que Macky cesse de divertir le peuple sénégalais et s'attaque aux défis pressants qui l'interpellent. Nous ne lui servirons pas de boucs-émissaires''.

A rappeler que c'est le fils du guide, le député Serigne Khadim Thioune, qui est monté au créneau, dès le transfert de son père, pour fustiger une justice à deux vitesses. «Je suis inquiet, car je sens de l’acharnement sur mon père. Nous serons tous prisonniers si le pouvoir persiste dans cette volonté de faire ce que bon lui semble sur ce dossier», disait-il.

Matel BOCOUM

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