Publié le 10 Jun 2025 - 22:44
TRANSITION ÉNERGÉTIQUE AU SÉNÉGAL

Ces obstacles qui freinent la participation des femmes

 

Dans un Sénégal en pleine transition énergétique, la participation des femmes dans le secteur solaire est un enjeu clé pour l’égalité et le développement durable. Une étude récente, menée par une organisation à but non lucratif,  met en évidence des obstacles significatifs que rencontrent les femmes dans ce secteur, notamment l’accès limité à l’éducation technique, les stéréotypes liés au genre et les difficultés d’insertion sur le marché du travail. L'étude analyse les défis et les opportunités pour renforcer leur présence et enrichir  la connaissance de l’écosystème du solaire.

 

La transition vers une économie sobre en carbone est un enjeu crucial pour le Sénégal, qui aspire à devenir un leader régional en matière d’énergies renouvelables. Avec un objectif ambitieux d’atteindre 40 % d’énergies renouvelables dans son mix énergétique d’ici 2030, le pays se positionne comme un acteur clé dans la lutte contre le changement climatique.

Cependant, la participation des femmes dans ce secteur reste limitée, entravée notamment par des obstacles socioculturels et économiques. Une étude de terrain  a été menée par Femmes africaines actives pour le développement (Faadev),  auprès de femmes et de professionnels institutionnels du secteur solaire pour identifier les défis, les enjeux et les opportunités afin de renforcer la présence féminine dans les emplois liés aux énergies renouvelables.

Le rapport souligne que,  malgré les nombreuses initiatives favorables à l’égalité des genres menées au Sénégal depuis plusieurs décennies, les femmes rencontrent des difficultés significatives pour accéder aux formations et aux emplois dans le secteur des énergies renouvelables.

"Pourtant, augmenter leur présence dans ce secteur d’avenir est un véritable enjeu de société. Formées à ces technologies, elles deviendront des professionnelles du secteur, mais également des utilisatrices de ces nouvelles énergies en développant des activités génératrices de revenus et vont ainsi promouvoir le développement socioéconomique de leur pays", note-t-on dans le rapport.

L’étude a tout d’abord mis en évidence un ensemble de problèmes structurels liés au secteur des énergies renouvelables au Sénégal. Les entreprises du solaire rencontrent des difficultés à se développer au Sénégal, en raison d’une demande stagnante notamment liée à des problèmes de coût des matériaux, au manque de confiance des clients dus à des problèmes de fiabilité des installations. Le secteur souffre également d’un manque de professionnels qualifiés pour l’installation, mais surtout pour la maintenance des systèmes solaires.

Le Sénégal propose assez peu de politiques gouvernementales incitatives en matière d’énergies renouvelables, ce qui freine le développement du secteur. Enfin, les banques sont réticentes à investir dans des projets d’énergie renouvelable, en raison de la perception de risque élevé et du manque de garanties. " Pour toutes ces raisons, le secteur des énergies renouvelables au Sénégal n’atteint pas le potentiel attendu, rendant difficile l’insertion des jeunes dans leur globalité et donc, des jeunes femmes", justifie-t-on dans l'étude.

Les obstacles à lever pour une meilleure insertion des femmes dans le secteur

Pour accéder au secteur du solaire, l'étude estime que les femmes sénégalaises doivent relever des défis à trois moments clés de leur parcours. "Mais avant cela, il est important de rappeler que les stéréotypes de genre sont encore profondément ancrés dans la société sénégalaise et limitent les choix et les possibilités d’études et de carrière pour les femmes. Les pressions familiales entravent notamment l’accès à l’éducation, puis à l’emploi en leur faisant porter la responsabilité quasi exclusive des tâches domestiques et familiales au sein du foyer, et ceci malgré les cadres juridiques mis en place dans le pays pour promouvoir l’égalité des genres", analyse le rapport.  

D'après l'étude, dès l’école, les jeunes filles rencontrent des difficultés à identifier les formations existantes, mais aussi plus généralement à s’orienter dès le lycée vers des formations techniques et scientifiques jugées masculines et dont elles s'auto-excluent. "L’absence de modèles féminins dans ces filières et dans ces métiers fait que ces jeunes filles ont du mal à se projeter. Il serait ainsi judicieux de pousser des programmes de mentorat par des femmes, en particulier par des femmes leaders et inspirantes, ce qui permettrait de rendre acceptable par la société la féminisation de ces métiers techniques", ajoute-t-il.

Enfin, il ressort de cela que le maintien dans l’emploi, spécifiquement dans le secteur des énergies renouvelables, peut être rendu difficile par les conditions de travail, sur les chantiers notamment. Du fait des déplacements, de la proximité avec les hommes et du poids des matériaux, ces emplois sont majoritairement catalogués comme réservés aux hommes. Ces différents facteurs combinés créent un environnement où l’inclusion des femmes reste un défi, malgré ce qu’elles pourraient apporter à ce secteur à fort potentiel. Les entretiens ont montré que la collaboration homme femme sur les chantiers par une répartition des tâches adaptées aux capacités de chacun est bénéfique pour l’image de marque des entreprises. En effet, les femmes sont très attentives au soin apporté à la préparation des installations et à l’esthétique lors du câblage des équipements.

Le rapport estime que des efforts concertés du gouvernement, des entreprises et de la société civile sont nécessaires pour créer un environnement propice à l'épanouissement professionnel des femmes, garantissant ainsi que le potentiel des énergies renouvelables soit pleinement exploité au bénéfice de l’ensemble de la société.

L’étude a permis de proposer un ensemble de préconisations tant au niveau de l’enseignement, comme aller au plus près des jeunes femmes et proposer des formations itinérantes dans les zones rurales que de la communication auprès des écoles pour favoriser la visibilité des formations proposées ou encore au niveau des politiques sociales et familiales, en développant notamment des structures de garde d’enfants agréées par l’État à des tarifs accessibles.

"De même, le développement de nouveaux modèles économiques, axés à la fois sur l’inclusion et sur la durabilité (labellisation qualité des équipements, garantie des installations et maintenance), sera essentiel pour assurer la réussite de cette transition et maximiser les bénéfices pour l’ensemble de la société sénégalaise", conclut l'étude.

F. BAKARY CAMARA

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