Amadou Ba face au spectre de l’éparpillement des votes
La validation des parrainages des dissidents de la majorité Mame Boye Diao, Aly Ngouille Ndiaye et Mahammed Boun Abdallah Dionne par la commission de parrainage relance le spectre d’une multiplication des candidats issus de la majorité. Ces candidatures font ressurgir la menace d’un éparpillement des votes de la majorité présidentielle, au risque de faire perdre le favori du scrutin, Amadou Ba, candidat officiel de Benno.
La démarche est sure et l’allure rassurée, Mounirou Sy, mandataire de la coalition Dionne 2024, s’avance tranquillement vers la nuée de journalistes pour solder ses comptes avec le camp du pouvoir. « Il y a eu des infiltrations", afin de saboter notre parrainage. Un monsieur du nom de Habib Niang avait emporté 5 000 parrains que nous avions mis de côté. Ce monsieur a finalement rejoint le pouvoir", a-t-il déclaré, tout en indiquant que Boun Abdallah Dionne n'est le plan B de personne. Un moyen de lancer les hostilités avec une certaine frange du pouvoir qui craint une dispersion des voix au sein de la majorité.
En effet, Mahammed Boun Abdallah Dionne qui a finalement pu passer le cap du parrainage, avec 47 778 parrains, pourrait constituer une candidature de repli pour une certaine partie de l’Alliance Pour la République (APR) qui ne se reconnaît pas dans la candidature d’Amadou Ba. Même si le chef du gouvernement a été investi par l’APR, les partis alliés comme le PS, l’AFP, LD et par la majorité élargie (parti Les Démocrates Réformateurs/Yessal (LDR/YEESAL), entre autres, l’ex ministre de l’Economie et des Finances peine à mobiliser la base républicaine, suscitant les inquiétudes des personnalités de l’APR comme Mame Mbaye Niang, Souleymane Jules Diop, Abdoulaye Bibi Baldé qui ont déjà fait état de leur scepticisme quant aux chances de succès d’Amadou Ba pour la présidentielle 2024.
Certains cadres de l’APR craignent les risques de démobilisation des électeurs de Benno, inquiets de la capacité d’Amadou Ba à impulser une dynamique victorieuse pour la majorité présidentielle. En outre, le passage des candidats issus de la mouvance présidentielle : Mame Boye Diao, Mahammad Boun Dionne et Aly Ngouille Ndiaye pourrait aussi entraîner un éclatement des voix de la majorité, dans la perspective de la présidentielle. Une situation qui à terme pourrait mettre en danger le candidat officiel de Benno Bokk Yaakaar.
La volonté du régime de marginaliser les « dissidents » et de les fragiliser par le débauchage de cadres issus de la coalition Dionne 2024, le limogeage de Mame Boye Diao de son poste de directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations, le blocage du parrainage des députés de Benno, entre autres, ne semble pas avoir pu dissuader ces ex caciques du régime à s’investir vers la magistrature Suprême.
L’objectif du pouvoir de les forcer à avoir recours au parrainage citoyen s’est révélé infructueux. La coalition Benno qui apparaît comme favorite pour le scrutin présidentiel avec l’éviction d’Ousmane Sonko risque ainsi un éparpillement de l’électorat de Benno : ce qui peut laisser le champ libre à des candidats de l’opposition. Selon des observateurs, face à cette division, les électeurs pourraient choisir la voie de l’abstention, au regard de la cacophonie notée au sein de Benno avec des électeurs qui n’arrivent pas à choisir entre Amadou Ba et Cie.
En cas de qualification d’Amadou Ba, au second tour, certains électeurs attachés à Macky Sall pourraient être tentés par la volonté de faire l’union sacrée autour du candidat choisi par le Président. Néanmoins, cette stratégie peut être aussi perçue comme un moyen de capter les électeurs frustrés et mécontents, en leur proposant une diversité de candidats représentants plusieurs tendances de l’APR. Cette diversité de candidatures peut aussi permettre d’éviter un départ des cadres républicains qui ne reconnaissent pas la légitimité d’Amadou Ba.
En outre, la présence de Mahammed Boun Dionne, très proche du Président Macky Sall, pourrait mettre ce dernier dans l’embarras, dans la mesure où, il fut son homme de confiance durant tout son magistère. De ce fait, le chef de l’Etat, qui a promis d’être le ‘’super directeur de campagne’’ d’Amadou Ba, pourrait être forcé à retenir ses coups et ses attaques contre les dissidents, au regard des fortes relations qui le lient toujours à son ancien Premier ministre.
Les dissidents de la majorité dans le viseur du clan Amadou Ba
Amadou Fall directeur de publication du magazine la « Gazette ne semble pas inquiet sur le sort d’Amadou Ba face au danger que pourrait constituer ses ex compagnons au sein de Benno. « Amadou Ba possède l’appareil politique de Benno. Cet appareil, s’il ne se disloque pas, peut lui permettre de battre campagne efficacement. Il doit aussi rassembler ses troupes et appeler les uns et les autres à s’investir dans cette campagne, afin de lui garantir la victoire au premier tour », dit-il.
Quant au risque de l’éclatement du vote au sein de la majorité avec des dissidents qui tiennent des fiefs : Aly Ngouille Ndiaye (Linguere), Mame Boye Diao (Kolda), l’analyste politique se veut moins pessimiste. « Ces dissidents n’auront pas la tâche facile. Des ministres et des Directeurs Généraux chercheront à les faire tomber dans leurs fiefs. Car, il y va de leur survie politique. Je pense que le régime fera tout pour minimiser leur impact sur le vote au sein de la majorité. Pour Benno, tous les coups seront permis, car le seul objectif, c’est de gagner la présidentielle », déclare-t-il.
MAMADOU MAKHFOUSE NGOM