Publié le 1 Mar 2022 - 06:57
VICTIMES DE VIOL, D’AGRESSION, D’INIQUITÉ DANS LE RECRUTEMENT

Les sages-femmes organisent une marche nationale le 7 mars

 

L’Association nationale des sages-femmes d’Etat du Sénégal (ANSFES) organise, le 7 mars, une marche pacifique de protestation sur toute l’étendue du territoire et des sit-in dans les formations sanitaires. En conférence de presse samedi dernier, sa présidente a dénoncé les violences et l’iniquité dans le traitement dont sont victimes les sages-femmes.

 

Le 7 mars est une date symbolique au Sénégal.  ‘’Talatay Nder’’ marque le jour où les femmes du Walo se sont immolées par le feu. Pour manifester leur colère contre les violences, les agressions et l’iniquité dans le recrutement dont elles sont victimes, les sages-femmes du Sénégal décident d’organiser une marche nationale le 7 mars. Cette marche pacifique, précise la présidente de l’Association nationale des sages-femmes d’Etat (ANSFES), c’est pour que les gens comprennent que les choses doivent être réglées le plus rapidement possible.  

Selon Bigué Bâ Mbodj, ce n’est pas parce qu’elles sont des femmes qu’elles doivent être brutalisées, agressées ou intimidées. ‘’Chaque année, les sages-femmes subissent des dizaines d’agressions, souvent restées impunies. Après Aïda agressée à Kolda en 2020, Rokhaya à Sédhiou en 2021, Gnima Sagna en  2021 qui a failli y laisser sa vie au poste de santé de Fadial, nous venons de subir deux nouvelles agressions en 2022, à Diana Malari et le dernier en date dans le village de Bambali, sans compter celles qui passent sous silence ce qui leur arrive, car elles ont peur d’en parler’’, explique Bigué Bâ Mbodj. Elle présidait ce samedi une conférence de presse organisée par l’ANSFES.

 Devant la recrudescence de ces violences toujours restées impunies, l’ANSFES, pour dénoncer cette situation pénible, interpelle les autorités et la communauté. Elle espère une cessation définitive avant qu’une sage-femme y perde la vie. C’est pourquoi l’association a décidé d’organiser une marche pacifique de protestation le 7 mars 2022 et des sit-in dans les formations sanitaires. Pour toujours respecter son serment dans la croisade contre les décès évitables de mères et des nouveau-nés, l’ANSFES a décrété, depuis lundi, des journées ‘’maternité sans sage-femme’’ en restant dans les maternités et autres lieux de travail avec le port du brassard rouge. Car, de l’avis de Mme Mbodj, une absence de prise en charge de complications maternelles, fœtales et néonatales de plus de 2 heures serait dramatique dans tout le pays. C’est pour cette raison qu’elles veulent alerter.

‘’Mais nous n’excluons pas, si rien n’est fait, d’arriver à un stade où les sages-femmes ne vont plus rester dans les structures de santé. Ce sera une hécatombe. C’est ce que nous voulons éviter. Nous sommes à 236 décès maternels pour 100 mille naissances vivantes. Nous voulons, dans les ODD, aller à 70 décès maternels et cela ne peut pas se faire sans les sages-femmes. Mais celles-ci ne peuvent pas travailler avec ces menaces et dans ces conditions’’, précise-t-elle.

‘’Il arrive qu’elles butent sur le refus de leur accorder un congé de maternité’’

Selon la présidente de l’ANSFES, parfois, les sages-femmes font des accouchements à l’aide de la torche de leur portable dans des zones où il n’y a ni eau ni électricité. ‘’Notre souci, c’est l’accès à des soins de qualité et l’équité dans le traitement. Il arrive qu’elles butent sur le refus de leur accorder un congé administratif, parfois même de maternité ou de signature de demande de mutation et ou de permutation’’, dénonce Mme Mbodj. A l’en croire, les sages-femmes sont, pour la plupart, assujetties à travailler sous CDD, renouvelé chaque année sans assurance de recrutement dans la Fonction publique. Elles vivent, fustige-t-elle, une inégalité criante dans le recrutement (non-respect de l’ancienneté) avec comme conséquence un statut de prestataire, stagiaire, voire de chômeur pouvant aller jusqu’à 10 ans ou plus. ‘’Si on avait respecté l’ancienneté, personne ne se serait plaint. Aujourd’hui, on recrute, en ne tenant pas compte de l’ancienneté. De plus en plus, les sages-femmes sont victimes de violences basées sur le genre dues à notre statut de femmes vulnérables et qui subissent aussi bien des violences verbales que physiques’’, évoque-t-elle.

Avant d’ajouter qu’elles sont aussi victimes de violences administratives, parce qu’elles sont souvent humiliées. Elles vivent, renseigne Bigué Bâ Mbodj, des frustrations dans les postes de santé de la part de certains médecins-chefs de district (MCD) qui placent des agents hiérarchiquement inférieurs en grade au-dessus d’elles comme leur supérieur hiérarchique pour les rabaisser davantage.

 ‘’Nous interpellons notre ministère de tutelle, les autorités sanitaires et administratives, et le président de la République pour un règlement définitif de tous ces problèmes dont les sages-femmes font face depuis plusieurs années’’, réclame-t-elle. Par ailleurs, Bigué Bâ Mbodj de préciser que la loi portant création de l’Ordre des sages-femmes est votée depuis 2017, mais elles peinent à rendre fonctionnelle les organes de l’ordre. Car il leur reste le décret et les textes d’application, l’institution de la commission chargée de la constitution initiale des tableaux des sections de l’ordre, le décret du Code de déontologie et l’arrêté portant nomenclature des actes professionnels.

‘’Avec le professeur Awa Marie Coll Seck et l’appui du président de la République, nous avons remarqué que les sages-femmes sont recrutées régulièrement. Mais le ratio est encore très faible. L’Organisation mondiale de la santé dit une sage-femme pour 300 femmes. Nous sommes à une sage-femme pour plus de 2 200 femmes. Vous vous imaginez la charge de travail que nous supportons pour arriver à des indicateurs acceptables ? Nous voulons beaucoup plus de considération’’, exige-t-elle.

VIVIANE DIATTA

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