Publié le 13 Feb 2019 - 00:29
VIOLENCE MEURTRIERE DANS LA CAMPAGNE ELECTORALE

Une démocratie piégée par ses acteurs

 

Les devins, les catastrophistes et les Cassandre auront vu juste, si la journée de violence et de morts d’hier 11 février devrait se rééditer dans l’un quelconque des jours qui nous séparent de l’élection présidentielle de février 2019. Deux morts à Tambacounda dans les ratonnades entre deux camps de militants de deux candidats, un bus de caravaniers du Parti de l’unité et de rassemblement (Pur) qui a heurté à mort un jeune homme, des autocars en flammes et le sang qui coule à flot du corps d’une des victimes dont l’image fait encore le tour des réseaux sociaux. Déjà que, dimanche dernier 10 février, quatre gendarmes ont péri dans l’accident de leur véhicule. La campagne électorale est partie pour être des plus violentes, des plus meurtrières… Huit journalistes ont été blessés dans l’assaut contre le bus les transportant.

Images choquantes aussi que celles de deux camps entre lesquels s’interposent des policiers anti-émeutes. On se bat à coups de demi-briques de ciment et de toutes autres armes qui sont tout sauf des jouets. De la violence dans toute sa laideur et dans toute son horreur macabre, surtout celle de ce jeune homme se vidant de son sang. A leurs corps défendant, des journalistes couvrant la campagne électorale se sont retrouvés victimes collatérales ou cibles sciemment choisies. Avaient-ils ces ‘’gilets presse’’ censés les protéger contre les exactions et agressions des uns et des autres, des agressions d’où qu’elles viennent, de quelque camp que soient les agresseurs ? Certains des reporters agressés voyageaient à bord d’un véhicule mis à leur disposition par l’équipe de campagne du candidat présidentiable.

Hélas, il y a là un risque, puisqu’ils ne sont pas nombreux parmi les nervis à mesurer le sens et la portée d’un journaliste en mission commandée, a fortiori quand il arbore un gilet presse. Certains de ceux qui savent lire se tamponnent des symboles et des sacrilèges, l’essentiel et la délectation, pour eux, étant de faire mal. On ne le dirait jamais : un journaliste qui voyage dans le convoi d’un candidat en campagne autant qu’un reporter se déplaçant dans une colonne militaire devient une cible objective. Les cris ‘’Presse ! Presse !’’ des reporters de Wal Fadjri ne les avaient point sauvés des coups et du vandalisme des talibés de Cheikh Béthio Thioune, lors de la campagne électorale de février 2012. Auraient-ils raison alors les organes de presse qui optent pour l’autonomie complète de leurs envoyés spéciaux ? Il est vrai qu’au vu de l’identité des victimes, cette distance vis-à-vis des caravaniers ne protège pas de tous les dangers, ni des arbitraires aveugles. Le groupe Futurs Médias a décidé de suspendre la couverture de la campagne d’El Hadj Issa Sall, candidat du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur), deux de ses reporters ayant été blessés dans les violences.

Chantée à travers le monde comme un modèle, la démocratie sénégalaise est, pourtant, pleine de paradoxes dont le principal est cette violence initiée par des fanatiques et encouragée en sourdine ou à haute voix par des leaders qui semblent vouloir se prouver à eux-mêmes et aux autres par un discours extrémiste.

L’un des prototypes n’est autre que l’ancien président de la République, Me Wade soi-même, qui a appelé à brûler des bureaux de vote et des cartes d’électeur-d’identité. Une démocratie dans le discours et les proclamations, mais dont les acteurs peuvent, sans craindre la contradiction, appeler leurs troupes au coup de feu (au propre comme au figuré). ‘’La démocratie sénégalaise/ou ‘’à la Sénégalaise’’   charrie souvent de ces paradoxes qu’on s’étonne de constater dans un tel système politique, écrivions-nous dans un éditorial sur www.seneplus.com, à moins de deux semaines de la campagne électorale en cours.

Les acteurs, du côté du pouvoir comme de l’opposition, clament leurs convictions dans ce système, mais se laissent aller à des actions et à des proclamations fort insolites, voire en contradiction formelle avec le jeu démocratique. En lieu et place de confrontations d’idées, on assiste plutôt à ce que le leader syndical Iba Ndiaye Diadji appela un  ‘’débat physique’’. Et les tirades entendues de part et d’autre, ces temps-ci, laissent croire que les urnes ne seraient qu’une clause de style et que la violence va trancher l’adversité.

Une démocratie sénégalaise en est-elle une, tant que sa marche et son exercice doivent toujours se faire dans la violence et le sang ? La réponse  (négative)  tombe sous le sens.

Jean Meïssa Diop

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